La Chambre de commerce du Montréal métropolitain demande la suspension du règlement sur le logement social, abordable et familial en raison de ses ratés et de son impact négatif sur les mises en chantier.

Le règlement n’est rien d’autre qu’une taxe sur la construction neuve qui alimente l’inflation immobilière sans avoir d’effet sur la pénurie de logements sociaux et abordables, soutient la Chambre de commerce du Montréal métropolitain (CCMM).

L’organisme représentant le milieu des affaires ne mâche pas ses mots dans sa critique.

« Deux ans après son adoption, le bilan du Règlement pour une métropole mixte [RMM] est clair : l’approche de la Ville est un échec. Les données montrent que le règlement a eu un impact microscopique sur la construction de logement social – seulement 86 unités en deux ans ! –, tout en contribuant à l’affaissement des demandes de permis de construction pour des projets d’habitation sur le territoire de la Ville », dit le président et chef de la direction de la CCMM, Michel Leblanc, dans un communiqué.

PHOTO MARTIN TREMBLAY, ARCHIVES LA PRESSE

Le président et chef de la direction de la Chambre de commerce du Montréal métropolitain, Michel Leblanc

La sortie de la CCMM coïncide avec la tenue par la Ville de Montréal d’une assemblée vendredi pour discuter de sa proposition de mise à jour du Règlement pour une métropole mixte.

En plus de la suspension du RMM, la CCMM suggère à l’administration de Valérie Plante de favoriser la densité dans les aires desservies par les transports en commun, d’accélérer la délivrance des permis de construction et de concentrer les ressources de la Ville dans des secteurs précis comme l’hippodrome ou le secteur Bridge-Bonaventure.

L’opposition s’en mêle

L’opposition officielle à l’hôtel de ville fait siennes les critiques de la Chambre de commerce.

« Devant les constats d’échec des résultats du bilan du Règlement pour une métropole mixte (RMM), je demande à l’administration Plante de faire la chose responsable et d’appliquer un moratoire sur cette réglementation. Les familles montréalaises n’ont pas le luxe de subir davantage les effets d’une politique publique qui ne donne aucun résultat », dit Julien Hénault-Ratelle, porte-parole de l’opposition officielle en matière d’habitation, dans une déclaration écrite.

« Un règlement nécessaire », soutient la mairesse

La mairesse Valérie Plante a défendu son règlement, vendredi, en marge d’une conférence de presse sur l’achat de logements par un OBNL dans l’Est de Montréal.

« Ce règlement-là était absolument nécessaire, a-t-elle dit. C’est un outil de planification qui vise à faire en sorte que tous ceux qui construisent doivent faire du logement abordable et du logement social. Oui, il y a un ralentissement des mises en chantier. Mais si on l’avait fait avant, on ne serait pas en situation de crise. Je le fais pour les futures générations qui n’arrivent même pas à se loger. »

« On garde le cap pour s’assurer que les Montréalais puissent se loger, peu importe qu’ils soient en bas ou en haut de l’échelle, pour toutes les classes sociales, pas juste les ultra-riches. »

Qu’est-ce que le Règlement pour une métropole mixte ?

Le règlement a pour but de favoriser la construction de logements sociaux abordables et familiaux.

Concernant l’aspect logement social, la Ville prévoit trois types de contribution de la part du promoteur. Vendre à un OBNL ou une coop 20 % des logements de son projet pour des logements sociaux. Céder un terrain ou un bâtiment à cette fin en échange d’une contribution financière de la Ville. Ou verser une contribution financière.

La Ville favorise les deux premières options, tandis que les promoteurs choisissent la troisième, révèle le bilan des deux premières années du RMM.

Le responsable de l’habitation au comité exécutif Benoit Dorais a une autre lecture.

Ce que le RMM prévoit est quelque chose que les promoteurs aiment faire parce que ça leur donne de la prévisibilité. Ils sont capables de vendre sur plan le projet de logement social [20 % des logements]. La banque les comptabilise comme des préventes. En plus, ça assure au promoteur un profit puisqu’il ne fait pas les unités en cadeau.

Benoit Dorais, vice-président du comité exécutif et responsable de l’habitation

PHOTO MARCO CAMPANOZZI, ARCHIVES LA PRESSE

Benoit Dorais, vice-président du comité exécutif et responsable de l’habitation

Si la construction de logements clés en main est si faible, d’après M. Dorais, c’est à cause du remplacement par le gouvernement du Québec du programme Accès logis par le Programme d’habitation abordable Québec, qui fonctionne par appels de projets.

Pour corriger le tir, la Ville a décidé de bonifier la contrepartie qu’elle verse lors d’une cession de terrain (option 2) et de hausser la contribution financière exigée des promoteurs (option 3).

Actuellement, la Ville offre une compensation allant de 213 $ à 552 $ par mètre carré constructible, selon les secteurs de la ville. La contribution du promoteur est la différence entre le prix courant et le prix payé par la Ville.

« Dans le marché actuel, le promoteur dit que c’est trop bas, que la Ville ne lui donne pas assez, que sa contribution est trop élevée et qu’elle ne représente pas sa juste part », reconnaît M. Dorais.

Et pour la contribution financière ? lui a-t-on demandé. « Dans le temps, on se donne du lousse. Il va y avoir un délai de plusieurs mois et on va étaler la hausse dans le temps en trois étapes », indique M. Dorais.

Ces changements n’impressionnent pas la CCMM.

« Ces propositions de modification amplifieront le problème conceptuel du Règlement, lit-on dans son avis. Elles augmentent la taxe au développement de projets résidentiels et ont un effet négatif sur l’offre de logements, alors que celle-ci est déjà en chute libre. La Ville devrait plutôt retirer ces mesures contraignantes pour le développement de l’habitation et réfléchir à des solutions pour faciliter la construction d’unités résidentielles plutôt que d’ajouter de nouvelles embûches. En ce sens, la Chambre est catégoriquement opposée à la hausse des taxes imposées aux promoteurs immobiliers. »

Avec la collaboration d’Isabelle Ducas, La Presse