Un jeudi sur deux, La Presse propose un retour sur ce qui retient l’attention dans le domaine de l’immobilier résidentiel et commercial

La pandémie laissera des stigmates sur les centres-villes de la planète qui prendront la forme d’importantes pertes de valeur sur les immeubles de bureaux et les commerces, d’après une étude.

La firme McKinsey estime que la valeur des immeubles de bureaux va reculer de 26 % entre 2019 et 2030, dans un scénario dit modéré.

En vertu de ce scénario, la présence des employés au bureau continue d’augmenter progressivement jusqu’en 2025 sans atteindre toutefois les niveaux prépandémiques. Le modèle incorpore d’autres facteurs comme la tendance à la densification des postes de travail, la part de marché croissante des emplois liés au savoir de même que l’automatisation d’une partie du travail accompli par les cols blancs.

L’étude porte sur neuf métropoles qui accaparent une part disproportionnée de la croissance de l’économie de leur pays. Parmi celles-ci figurent New York, San Francisco, Houston, Paris, Londres, Munich, Tokyo et Shanghai.

Dans ces neuf villes à l’étude, les pertes de valeur potentielles des tours de bureaux totalisent la somme astronomique de 800 milliards US d’ici 2030.

Les villes américaines, dont la fonction des centres-villes est concentrée autour des bureaux, souffrent davantage que les centres-villes de Paris et de Londres, plus diversifiés.

Par ricochet, des bureaux moins remplis se traduisent par une chute du nombre de consommateurs dans les boutiques du centre-ville. Là aussi, des pertes de valeur sont attendues. La demande de locaux commerciaux connaîtra une baisse durable de 9 %, a calculé McKinsey dans les neuf villes à l’étude.

Selon la firme de consultants, la solution passe par la multiplication des usages dans le cœur du quartier des affaires, en faisant la part belle aux logements. Les propriétaires d’immeubles sont également invités à envisager la cohabitation des usages au sein d’un même bâtiment, voire à un même étage.

Consultez l’étude (en anglais)

Plus de 600 immeubles propices à la conversion

Montréal compte pas moins de 611 immeubles de bureaux qui ont le potentiel d’être convertis en logements, selon l’agence de courtage Avison Young.

Ce chiffre représente 47 % des 1289 bâtiments analysés par l’entreprise, rapportait le quotidien Montreal Gazette plus tôt cette semaine.

L’identification s’est faite grâce aux analyses internes du courtier sur la base deux critères principaux : les bâtiments construits avant 1990 et disposant d’une superficie de plancher inférieure à 15 000 pieds carrés. Des superficies plus vastes empêchent généralement la luminosité naturelle d’éclairer la totalité du plancher.

« Au-delà de l’âge et de la surface, d’autres critères doivent être pris en compte – tels que la faisabilité d’un bâtiment spécifique, les coûts, l’emplacement et les commodités environnantes – pour déterminer la meilleure candidature », dit, dans un communiqué, Stephen Silverstein, directeur principal et directeur général, U.S. Studio Project and Construction Management chez Avison Young.

Depuis la pandémie et l’essor du télétravail, les centres-villes sont boudés par les cols blancs le jour. Le taux d’inoccupation des bureaux se rapproche des niveaux record.

L’impact se fait particulièrement ressentir dans les immeubles plus anciens, dits de catégorie B ou C.

À Montréal, le taux d’inoccupation a atteint 17 % au centre-ville au deuxième trimestre de 2023, selon l’agence CBRE. Le taux est de 14,5 % dans les immeubles plus modernes de construction plus récente, dits de catégorie A.

« Les propriétaires d’immeubles anciens ont donc la possibilité de repenser leur stratégie d’investissement et d’explorer différentes options, qu’il s’agisse de conserver l’immeuble en l’état, de le rénover ou de le moderniser, d’innover en le réaffectant ou en l’adaptant à d’autres usages, ou encore de le réaménager », suggère l’agence immobilière.

Dans la pratique, Lachance immobilier procède à la conversion du 16, place du Commerce en logements, à L’Île-des-Sœurs. Le mois dernier, la société NexArm Investments, filiale immobilière de la famille Armoyan, a acquis l’ancienne tour de la Standard Life, au 1245, rue Sherbrooke Ouest, en vue de la convertir en immeuble d’appartements locatifs.

D’après les données d’Avison Young, jusqu’à 34 % des immeubles de bureaux dans 14 grands marchés nord-américains pourraient être des candidats potentiels à une conversion, soit près de 9000 propriétés au total. Les conversions de bureaux en logements pourraient ouvrir la porte à des logements potentiels pour des milliers de familles.

PHOTO DOMINICK GRAVEL, LA PRESSE

Le 16, place du Commerce est en voie d’être converti en un immeuble résidentiel.

Mais convertir des bureaux en logements est plus facile à dire qu’à faire, les coûts et l’obtention des permis figurent parmi les principaux obstacles.

Selon une étude récente de Cushman & Wakefield, citée par Montreal Gazette, les estimations vont de 100 $ par pied carré à près de 700 $ par pied carré et varient en fonction de l’ampleur des travaux.

Obtenir les autorisations réglementaires n’est pas une sinécure. Une conversion d’immeuble représente un chantier de deux à quatre ans, estimait Jean Laurin, président d’Avison Young au Québec, dans le même article.

La certification LEED bien en place

Apparu à Montréal en 2009, le mouvement de certification LEED n’a jamais cessé de progresser depuis pour atteindre aujourd’hui 70 % de la superficie totale d’espaces de bureaux de catégorie A au centre-ville de Montréal.

La catégorie A représente les bureaux les plus luxueux et modernes.

L’agence de courtage constate aussi que les niveaux de certification de plus en plus élevés. Le niveau LEED Or a supplanté le LEED et LEED Argent, tandis que le LEED Platine avance rapidement depuis 2020.

LEED fonctionne selon un système de pointage portant sur son empreinte environnementale, sa localisation, sa situation géographique, etc. Plus la certification est élevée, plus le pointage requis augmente.

Les bureaux certifiés ont un taux de disponibilité inférieur aux bureaux sans certification, a constaté Jean Laurin, président d’Avison Young au Québec. Les bureaux LEED platine ont un taux de disponibilité de 18,3 %, les bureaux LEED en général sont à 19,7 %, tandis que les bureaux sans certification affichent un taux de disponibilité de 21,9 %.

« Ça confirme la montée en gamme que l’on observe dans le marché », mentionne M. Laurin. Les locataires qui magasinent des locaux en 2023 profitent d’un rapport de force favorable pour choisir des bureaux de meilleure qualité à des conditions avantageuses.