Le Bureau de la concurrence enquête sur l’Association professionnelle des courtiers immobiliers du Québec (APCIQ) et sa filiale la Société Centris. Le Bureau doit déterminer si la plateforme réservée uniquement aux courtiers et à ceux qui vendent avec un courtier empêche la libre concurrence.

Le Bureau de la concurrence a obtenu une ordonnance judiciaire pour faire avancer son enquête. L’APCIQ affirme qu’elle collabore avec le Bureau pour répondre à ses questions.

« Ça fait déjà plusieurs mois qu’on a des échanges », soutient en entrevue avec La Presse Marc Lacasse, président du conseil d’administration de l’APCIQ.

Le Bureau doit comprendre la législation au Québec, qui est différente de celles des autres provinces canadiennes, soulève-t-il.

Centris est une plateforme incontournable pour les acheteurs et les vendeurs, car la majorité des propriétés à vendre au Québec s’y retrouvent. Seuls les vendeurs qui ont un contrat de courtage avec un courtier immobilier peuvent voir leur propriété affichée sur Centris. C’est d’ailleurs l’un des premiers arguments de vente des courtiers pour décrocher un contrat avec un client.

L’APCIQ gère la Société Centris, qui est un système de collaboration entre agences et courtiers contenant les données sur les transactions immobilières du Québec. Les courtiers immobiliers du Québec utilisent ce système de collaboration dans le cadre de leurs services de courtage et les données immobilières sont réservées aux courtiers et à certains évaluateurs agréés.

« Nos pratiques sont conformes »

Est-ce que l’APCIQ abuse de sa position dominante dans le marché ? Est-ce qu’elle a adopté un comportement contraire aux dispositions de la Loi sur la concurrence ? Est-ce que ses pratiques commerciales restrictives l’enfreignent aussi ? C’est ce que le Bureau déterminera.

L’enquête cherche aussi à savoir si ces deux situations empêchent le développement de services de courtage en ligne novateurs au Québec.

« L’enquête du Bureau est en cours et aucune conclusion n’a été tirée quant à d’éventuels actes répréhensibles pour le moment », indique le communiqué du Bureau de la concurrence publié lundi.

« Nous, on prétend que nos pratiques sont tout à fait conformes et on souhaite que le Bureau de la concurrence arrive à cette conclusion-là », affirme Marc Lacasse, de l’APCIQ.

« Lorsqu’on arrive à l’APCIQ, on a des cours spécifiques sur la Loi sur la concurrence et nos conseils d’administration débutent souvent par un énoncé là-dessus. On est très au courant de la loi. Donc, il n’y a personne qui voudrait se mettre à risque de contourner cette loi-là », explique Marc Lacasse.

La Cour suprême du Canada a tranché en Ontario

En Ontario, le Toronto Real Estate Board (TREB) restreignait l’utilisation et la divulgation de certaines données importantes contenues dans la plateforme MLS (Multiple Listing Service) à des courtiers immobiliers et à des consommateurs.

En 2016, après cinq ans d’enquête, le Tribunal de la concurrence a conclu que le TREB avait abusé de sa position dominante en contrôlant « le marché des services immobiliers résidentiels fondé sur le système MLS en raison de son contrôle sur le système MLS, un élément clé dans la fourniture de services immobiliers résidentiels », indique le site du gouvernement du Canada.

Le TREB s’est rendu jusqu’à la Cour suprême du Canada, qui a rejeté sa demande d’appel en 2018.

Les enjeux de la libre concurrence ne datent pas d’hier

Moyennant des frais payés auprès de l’APCIQ, les évaluateurs agréés ont aussi accès aux données de Centris lorsqu’elles servent à la confection d’actes d’évaluation – que ce soit établir la valeur marchande d’une propriété, sa valeur lors d’un divorce ou préparer des rôles d’évaluation foncière.

Par le passé, une firme d’évaluation québécoise s’est vue retirer son accès à Centris car elle utilisait les données pour fournir aux clients de DuProprio, qui vendent sans courtier immobilier, une fourchette de prix et non une évaluation précise.

Cet acte de consultation et non d’évaluation n’est pas autorisé par l’Organisme d’autoréglementation du courtage immobilier (OACIQ). La firme d’évaluation a dû abandonner l’idée de contester la décision de l’OACIQ devant les tribunaux à cause des coûts juridiques trop élevés pour se battre contre l’organisme.