Plus pessimiste que la Commission de la construction du Québec (CCQ), une association regroupant des entrepreneurs généraux s’attend en 2023 à la plus importante chute des mises en chantier depuis 1995.

L’Association des professionnels de la construction et de l’habitation du Québec (APCHQ) a dévoilé lundi ses prévisions 2022-2023 du secteur de la construction et de la rénovation résidentielles au Québec.

L’APCHQ anticipe 46 000 mises en chantier, soit un recul de 21 % par rapport à 2022, la baisse la plus importante à ce chapitre au Québec depuis 1995.

Pour l’année qui se termine, le Québec se dirige vers un repli de 14 % des mises en chantier, à 58 000 unités. En 2021, près de 68 000 logements étaient sortis de terre.

« La hausse rapide des taux d’intérêt au cours des derniers mois aura un effet négatif notable sur le nombre de mises en chantier et les dépenses en rénovation résidentielle l’an prochain », observe Paul Cardinal, directeur du Service économique de l’APCHQ, dans un communiqué.

Il ajoute que « cela viendra malheureusement exacerber le déficit d’habitations déjà important que le Québec accuse. La conjoncture fait en sorte qu’au lieu d’augmenter la cadence des mises en chantier, comme cela serait souhaitable pour améliorer la disponibilité et l’abordabilité des logements, on ira dans la direction contraire ».

La semaine dernière, la CCQ, organisme paritaire qui encadre l’industrie de la construction, se risquait à prédire une baisse de 7 % des mises en chantier en 2023, à 55 000 unités.

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Dans leurs prévisions 2023, les économistes du Mouvement Desjardins se rangent dans le camp de l’APCHQ avec 47 000 mises en chantier prévues.

Pour sa part, le ministre des Finances, Eric Girard, a coupé la poire en deux dans sa mise à jour économique et financière de la semaine dernière : il prévoit 54 200 mises en chantier en 2023.

Montréal à la traîne

Sur le plan régional, les mises en chantier vont reculer plus fortement à Montréal (- 24 %) qu’en banlieue l’an prochain (- 19 %), selon l’APCHQ. Dans l’île de Montréal, ce sera une seconde année consécutive de recul puisque les nouvelles constructions glissent déjà de 32 % en 2022 par rapport aux résultats exceptionnels enregistrés en 2021.

Selon l’APCHQ, toutes les catégories de propriétés seront touchées par la baisse des mises en chantier l’an prochain. Notamment la construction de logements en copropriété – dont le rythme est déjà deux fois moindre qu’à son sommet en 2012 –, qui pourrait atteindre en 2023 son plus faible niveau en deux décennies.

Mal-aimé, le condo

La baisse de popularité du condo surprend dans le contexte où l’abordabilité est un enjeu.

« Le produit attire traditionnellement deux types de clientèles : les parents dont les enfants ont quitté le nid familial et les premiers acheteurs. Le premier groupe choisit désormais le logement locatif tandis que le second groupe fait face à des enjeux d’abordabilité », explique Paul Cardinal.

Cela dit, c’est surtout la construction locative qui ralentira (- 32 %) en 2023 en dépit d’une demande locative forte, alimentée par le vieillissement de la population, la diminution de la taille des ménages, la difficulté pour les jeunes d’accéder à la propriété et le retour des résidants non permanents (RNP).

Dans ce contexte, il faut s’attendre à un resserrement du marché locatif à Montréal en 2023. Les résidants non permanents sont de retour en force depuis la levée des restrictions aux frontières. Le solde s’est accru de 25 000 au deuxième trimestre 2022, ce qui dépasse les sommets enregistrés en 2019.

« La présence d’un nombre grandissant de résidants non permanents est capitale pour la demande d’habitations. En particulier, cela alimentera la demande locative, puisqu’étant donné leur statut temporaire, la très grande majorité des RNP sont locataires à leur arrivée », lit-on dans le plus récent bulletin de l’APCHQ.

Réaction de la CORPIQ

« Avec les faibles taux d’inoccupation dans plusieurs villes régionales, le déséquilibre entre l’offre et la demande risque de s’accentuer », estime la CORPIQ dans un courriel. Cela n’est pas une surprise avec l’impact des hausses successives du taux directeur de la Banque du Canada, dit-elle. L’investissement devient risqué et la rentabilité, de plus en plus difficile. « C’est le message que nous recevons aussi sur le terrain », fait savoir Marc-André Plante, directeur des affaires publiques et des relations gouvernementales. « Le repli de 15 % de la rénovation est un facteur très inquiétant, poursuit-il. Alors que près de 60 % du parc locatif fut construit avant 1980, la chute des dépenses en rénovation aura un impact direct sur la qualité et l’entretien général des logements. »