Mélissa*, 42 ans, et Normand*, 47 ans, font carrière en enseignement avec une rémunération qui leur permet un train de vie familial raisonnable avec leurs deux adolescents de 12 et 14 ans.

La situation

Cette famille habite en région de villégiature dans une maison agrandie et rénovée depuis son achat il y a une quinzaine d’années.

Mais pour la suite, Mélissa et Normand envisagent de déménager en banlieue de Montréal afin de se rapprocher des lieux d’activités scolaires et sociales de leur famille, en particulier des études postsecondaires de leurs deux enfants.

« Nos enfants vont entrer au cégep d’ici quelques années. Mais lorsque nous voyons les difficultés qu’ils risquent de subir pour se trouver un logement abordable près de leurs lieux d’études, nous envisageons de déménager pour nous rapprocher des centres d’études et des transports collectifs afin de leur éviter des difficultés et des surcoûts de logement », explique Mélissa en discussion avec La Presse.

Quant au budget d’un tel projet de déménagement familial, Mélissa et Normand disent avoir repéré des maisons de 550 000 $ à 600 000 $ dans certains quartiers cibles de la banlieue de Montréal qui pourraient correspondre à leurs besoins familiaux.

Mais en auraient-ils les moyens, en fonction de leur situation financière familiale : 192 000 $ en revenu total et 85 000 $ en débours de train de vie, 100 000 $ en actifs financiers et 530 000 $ en actifs non financiers contre 370 000 $ en passif de dettes ?

Sinon, comment renforcer la situation financière familiale au cours des prochaines années afin d’acquérir les moyens d’un tel projet ?

Si oui, comment bien préparer le financement de ce projet, en tenant compte d’une saine planification financière à long terme ?

Les chiffres

Mélissa, 42 ans, et Normand, 47 ans

Revenu familial total : 192 000 $

Débours annualisés : environ 85 000 $

Revenu total estimé à la retraite à 65 ans : environ 105 000 $

Actifs au bilan familial :

REER : 18 000 $

REEE : 84 000 $

Valeur estimée de la maison : 450 000 $

Valeur estimée d’actifs non financiers : environ 80 000 $

Passif au bilan familial :

Marge de crédit hypothécaire : 181 000 $

Prêt hypothécaire sur la maison : 128 000 $

Prêt auto : 60 000 $

Les conseils

La situation de Mélissa et de Normand a été soumise pour analyse-conseil à Guylaine Lafleur, qui est notaire et planificatrice financière chez Groupe Conseil Bachand Lafleur, à Boucherville, en banlieue de Montréal.

De prime abord, le constat général est encourageant pour Mélissa et Normand.

« Leur projet [de déménagement] est viable financièrement » pour une réalisation dans cinq ans en 2028, indique la planificatrice financière Guylaine Lafleur.

Viable, oui, mais à condition que Mélissa et Normand gèrent adéquatement leurs priorités budgétaires au cours des prochaines années afin de ne pas compromettre leur situation financière à long terme lors de leur retraite du travail.

« Considérant qu’ils planifient tous deux de prendre leur retraite à 65 ans, soit une quinzaine d’années après leur relocalisation résidentielle familiale, tout indique que le financement hypothécaire contracté pour ce projet n’aura pas été totalement remboursé au moment de leur retraite, anticipe Mme Lafleur.

PHOTO FRANÇOIS ROY, ARCHIVES LA PRESSE

Guylaine Lafleur, notaire et planificatrice financière chez Groupe Conseil Bachand Lafleur

Mais comme ils bénéficient tous deux d’un régime de retraite à prestations déterminées [soit le RREGOP du secteur public québécois], ils ne devraient pas éprouver de difficulté à maintenir leur train de vie lors de leur retraite malgré un solde hypothécaire encore à rembourser.

Guylaine Lafleur, notaire et planificatrice financière chez Groupe Conseil Bachand Lafleur

Cela dit, quelles sont les prochaines priorités budgétaires de Mélissa et Normand afin de consolider la viabilité financière de leur projet ?

Dans un premier temps, la planificatrice Guylaine Lafleur leur recommande de bien valider la situation de leur budget familial courant.

« Selon mes calculs, en tenant compte de leur revenu brut de 186 000 $ (excluant les allocations familiales) dont on soustrait les impôts et les cotisations à leur régime de retraite, leur revenu net familial totalise environ 114 000 $, indique Mme Lafleur.

« Or, je constate que ce montant de revenu net laisse entrevoir un surplus budgétaire de l’ordre de 29 000 $ en tenant compte de leur estimation de coût de vie familiale aux environs de 85 000 $. Mais en considérant toutes leurs obligations budgétaires et financières (prêt hypothécaire, marge de crédit, prêt auto, etc.), je crois que leur coût de vie familiale est probablement sous-estimé. Donc, je préfère faire abstraction de ce surplus budgétaire présumé dans la suite de mon analyse-conseil. »

Échéance hypothécaire

Ensuite, Guylaine Lafleur recommande à Mélissa et Normand de préparer leur budget familial à l’augmentation significative des coûts de financement hypothécaire dans deux ans.

« Au terme de leur prêt hypothécaire sur la maison en avril 2025, ils peuvent s’attendre à ce que l’ensemble de leur financement hypothécaire (prêt et marge de crédit) soit l’objet d’un renouvellement. Avec un taux d’intérêt prévisible aux environs de 4,3 %, ce refinancement hypothécaire pourrait rehausser le montant total de leurs paiements aux environs de 5655 $ par mois », avertit Guylaine Lafleur.

De plus, « lors du renouvellement de leur prêt hypothécaire sur leur maison, Mélissa et Normand devront tenir compte des pénalités qui pourraient s’appliquer lors de la revente de cette maison en vue de l’achat de leur nouvelle résidence. Ce sera donc important qu’ils choisissent les options et les conditions de leur renouvellement hypothécaire en fonction des prochaines étapes de leur projet de déménagement ».

Entre-temps, leur suggère Mme Lafleur, « s’ils avaient effectivement des surplus budgétaires d’ici le renouvellement de leur financement hypothécaire, Mélissa et Normand devraient prioriser le remboursement accéléré de leur marge de crédit hypothécaire. En second lieu, ils pourraient utiliser une partie de leurs surplus pour commencer à cotiser dans leur CELI respectif ».

Transactions résidentielles

Quant à la planification budgétaire de leur projet de déménagement, Guylaine Lafleur suggère à Mélissa et à Normand de s’en tenir à ces principaux paramètres pour éviter de trop alourdir leur passif financier et de nuire ainsi à leur situation financière en prévision de leur retraite.

D’abord, « j’ai considéré qu’ils vendent leur résidence actuelle dans cinq ans, en 2028, avant d’acheter leur nouvelle résidence en banlieue de Montréal », explique Mme Lafleur.

Concernant la vente de leur maison actuelle, « j’ai indexé sa valeur courante de 450 000 $ durant les prochaines années pour en venir à une valeur possible de 490 000 $ en 2028 ».

Quant au gain net provenant de cette revente, « je l’estime aux environs de 298 000 $ après la soustraction du solde du prêt hypothécaire et des frais de transaction de l’ordre de 30 000 $ ».

Pour l’achat d’une maison familiale en banlieue de Montréal, Guylaine Lafleur a considéré un coût d’acquisition de 600 000 $.

« En utilisant le montant net de liquidités [environ 298 000 $] provenant de la vente de leur maison actuelle en guise de mise de fonds pour l’achat de leur nouvelle maison, Mélissa et Normand devront obtenir un nouveau financement hypothécaire d’un peu plus de 300 000 $, explique Mme Lafleur.

« À un taux d’intérêt prévisible autour de 4 % en 2028, avec une période d’amortissement initiale établie à 25 ans, Mélissa et Normand peuvent s’attendre à un paiement hypothécaire d’au moins 1930 $ par mois, ou presque 23 200 $ en montant annualisé. »

* Bien que le cas mis en lumière dans cette rubrique soit réel, les prénoms utilisés sont fictifs.