(Bromont) Coup de pouce à une filière électronique qui pourrait représenter des investissements de plus de 10 milliards. Ottawa et Québec ont annoncé vendredi des participations totalisant près de 100 millions, qui financeront notamment le vaste projet d’expansion de l’usine IBM de Bromont.

Cette usine, ouverte en 1972, est le centre des activités d’IBM d’assemblage et de test de composantes électroniques en Amérique du Nord, ces « semiconducteurs » intégrés à pratiquement tous les appareils technologiques. Ils sont par ailleurs intégrés à une autre filière que souhaite développer le Québec, celle des batteries.

IBM a prévu un projet d’expansion totalisant 226,5 millions à son usine de Bromont. Elle est implantée au sein de la zone d’innovation en technologies numériques Technum Québec. En novembre dernier, le PDG de l’organisme, Normand Bourbonnais, indiquait à La Presse s’attendre à des investissements « pouvant atteindre près de 10 milliards dans les 5 à 10 prochaines années au Québec ou au Canada ».

Des partenaires « fiables »

Présent à Bromont, le premier ministre du Canada Justin Trudeau a expliqué cet investissement fédéral, qui contribue à hauteur de 59,9 millions au projet d’expansion, par la nécessité de « renforcer les chaînes d’approvisionnement des semi-conducteurs au pays […] dans un monde de plus en plus incertain ».

PHOTO CHRISTINNE MUSCHI, LA PRESSE CANADIENNE

Le premier ministre du Canada, Justin Trudeau

Il a relevé que 80 % des batteries équipant les voitures électriques provenaient de la Chine et que la Russie a utilisé le gaz naturel pour faire pression sur les Européens après l’invasion de l’Ukraine.

On voit que ce n’est pas seulement l’efficacité des chaînes d’approvisionnement qui est importante, mais la résilience et la sécurité des chaînes d’approvisionnement. Aux États-Unis, au Canada, chez nos alliés, il y a une préoccupation de plus en plus grande de pouvoir avoir des partenaires fiables.

Justin Trudeau, premier ministre du Canada

Le ministre fédéral de l’Innovation, des Sciences et de l’Industrie, François-Philippe Champagne, a inscrit ces investissements dans le plus large projet de « corridor Bromont-Albany [dans l’État de New York] » pour les semi-conducteurs, visant à accroître l’autonomie de l’Amérique du Nord dans la production de ces composantes essentielles.

« On se trouve dans un lieu historique, mais aussi un lieu d’avenir pour la résilience de nos chaînes d’approvisionnement, a-t-il fait valoir. Avec l’annonce d’aujourd’hui, on franchit un pas important dans la réalisation de cette grande vision d’un corridor stratégique qui sera avec nous pour les prochaines décennies. On fait un pas important pour renforcer, sécuriser nos chaînes d’approvisionnement et on fait un pas important pour consolider la place du Canada. »

Les fonds serviront également à soutenir des projets menés par le Centre de collaboration MiQro Innovation (C2MI), un organisme clé de la recherche en microélectronique. Les composantes fabriquées à Bromont « vont servir de matière première à toute une panoplie de produits, à toute une industrie qui va nous servir à devenir les leaders de ces marchés-là ici au Québec et au Canada », a déclaré Marie-Josée Turgeon, PDG de C2MI.

On s’attend à ce que ces projets créent quelque 280 emplois dans la région de Bromont. Deux cent quarante postes de stagiaires seront également offerts à des étudiants.

Sous les feux de la rampe

Du côté de Québec, qui versera 38,9 millions au projet, le ministre de l’Économie, de l’Innovation et de l’Énergie, Pierre Fitzgibbon, a présenté cet investissement comme « l’archétype de ce [que le gouvernement] veut faire dans les zones d’innovation ». Trente-deux millions seront fournis sous forme de prêts-subventions (des « prêts pardonnables »), a-t-il mentionné sans plus de détails.

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Le premier ministre du Canada, Justin Trudeau, le ministre de l’Économie, de l’Innovation et de l’Énergie du Québec, Pierre Fitzgibbon, et le ministre fédéral de l’Innovation, des Sciences et de l’Industrie, François-Philippe Champagne

« Avoir un donneur d’ordres comme IBM au Québec, c’est une grande opportunité pour accroître nos parts de marché de l’assemblage des semi-conducteurs, a-t-il déclaré. Le secteur est clairement sous les feux de la rampe depuis quelques années. On a senti les impacts majeurs qu’un dérangement dans la chaîne d’approvisionnement de ce secteur pouvait avoir sur l’ensemble de l’économie. »

En réponse aux questions des journalistes, M. Trudeau a tenu à défendre cette nouvelle dépense de son gouvernement, dont le dernier budget comportait un déficit de 39,8 milliards.

« Les investissements qu’on fait aujourd’hui sont en train de garantir qu’il y aura une quatrième génération, une cinquième et même une sixième génération de travailleurs ici à Bromont pour continuer à créer de la croissance pour la région […]. Quand on arrive à attirer de grands investisseurs comme IBM, comme Honda, comme Northvolt […], ce n’est pas seulement parce qu’un gouvernement met un peu d’argent sur la table. N’importe quel gouvernement le ferait et, d’ailleurs, il y a des pays qui payent beaucoup plus. »

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  • 700
    Nombre d’entreprises du « secteur des systèmes électroniques intelligents » incluses dans la zone d’innovation Technum Québec, centrée sur le parc scientifique de Bromont
    source : c2mi