(Londres) Le géant des paris sportifs Flutter a engagé les démarches pour quitter le FTSE 100, principal indice de la Bourse de Londres, et basculer sa cotation principale à New York, un nouveau revers pour la place britannique.

Le Conseil d’administration de Flutter, qui a inauguré lundi une cotation secondaire à Wall Street, « estime que le NYSE (la Bourse de New York, NDLR) est désormais l’endroit idéal pour la cotation principale de ses actions et que la transition devrait être effectuée dès que possible », selon un communiqué.

La proposition doit être soumise aux actionnaires lors d’une assemblée générale prévue le 1er mai. Si le Conseil d’administration obtient leur approbation, « la transition devrait devenir effective à la fin du deuxième trimestre ou au début du troisième », poursuit le groupe basé à Dublin.

« Nouvelle journée, nouveau coup dur pour Londres », a réagi Neil Shah, directeur de recherche chez Edison Group. Pourtant ce n’est pas une surprise, selon lui, car « les opérations aux États-Unis représentent une part importante de l’activité (de Flutter) et seront bientôt la principale source de ses bénéfices ».

Le groupe bénéficie notamment d’une décision de la Cour suprême des États-Unis qui a, de fait, autorisé en 2018 les États à légaliser les paris sportifs, à l’origine d’une explosion du secteur dans le pays.

Les États-Unis « semblent offrir un potentiel de croissance plus important qu’au Royaume-Uni et dans certains marchés européens où les réglementations sur les jeux de hasard deviennent au contraire de plus en plus strictes », selon Russ Mould, analyste chez AJ Bell.

Flutter a vu l’an dernier son chiffre d’affaires progresser de 38 % rien qu’aux États-Unis, plus vite que la croissance de 24 % affichée à l’échelle du groupe, et son activité outre-Atlantique pèse déjà pour plus d’un tiers de ses recettes.

La cotation à New York « est un moment charnière pour le groupe, qui rend Flutter plus accessible aux investisseurs basés aux États-Unis et nous permet d’obtenir un accès à des marchés de capitaux plus importants », a justifié le directeur général Peter Jackson.

Série de départs

Mais pour la City, qui cherche à défendre l’attractivité de sa place financière, surtout depuis le Brexit face à la concurrence de ses rivales européennes, cela vient s’ajouter à une série de mauvaises nouvelles.

Le fabricant britannique de microprocesseurs Arm, fleuron de l’industrie britannique dont les modèles de semi-conducteurs sont intégrés à 99 % des téléphones intelligents dans le monde, a ainsi choisi en septembre, sous la houlette de son principal actionnaire, le japonais SoftBank, une introduction en Bourse à New York.

Le géant des matériaux de construction CRH a lui aussi transféré l’an dernier sa cotation principale de la capitale britannique vers les États-Unis.

WE Soda, géant de la production de soude a quant à lui renoncé à entrer à la Bourse de Londres et le numéro un mondial du tourisme TUI veut rapatrier sa cotation en Allemagne.

Neil Shah, chez Edison Group, rappelle que même si Flutter prévoit de garder une cotation secondaire dans la capitale britannique, sa cotation principale aux États-Unis l’exclura du FTSE 100.

Cela « poursuit une tendance très inquiétante […] de perte de confiance des sociétés cotées dans la City, ce qui doit inciter le gouvernement (britannique) à mettre les bouchées doubles sur ses réformes de la cotation », selon l’analyste.

Pour tenter de répondre à la concurrence, le régulateur financier britannique (FCA) a déjà assoupli les règles d’introduction en Bourse au Royaume-Uni, et d’autres propositions sont à l’étude pour aller plus loin. Le gouvernement britannique a aussi lancé une série de réformes pour stimuler la croissance de son puissant secteur financier.

La City of London Corporation, qui représente les intérêts du puissant secteur financier britannique, a reconnu la semaine dernière que Londres souffre d’un « recul de l’activité des marchés de capitaux au Royaume-Uni », mais estime que la ville reste « le premier centre financier mondial », portée notamment par la « finance durable » et son réservoir de talents dans le secteur.

Pourtant en 2023, les volumes d’introductions en bourse dans le monde ont baissé globalement de 8 %, mais le recul était nettement plus marqué pour la zone Royaume-Uni et Irlande (-36 %), selon une étude publiée en décembre par le cabinet EY.