Après les contrôleurs ferroviaires, deux autres départements montréalais du Canadien National (CN) craignent de faire les frais d’un déménagement de Montréal vers Edmonton. À ses employés dans l’incertitude, le plus grand chemin de fer au pays répond qu’il est « toujours à la recherche d’occasions de consolidation ».

Les salariés en question travaillent au sein des départements de service à la clientèle et des transports ferroviaires. Ce sont eux, par exemple, qui offrent des réponses – dans les deux langues officielles – aux clients de l’entreprise qui cherchent à savoir où sont leurs wagons.

On retrouve une cinquantaine de ces salariés dans la métropole, où se trouve également le siège social du CN. Ils travaillent à la gare de triage Taschereau. L’élément déclencheur des rumeurs de transfert ? Une visite dans la métropole du responsable de ces départements, Jason Ho, établi à Edmonton. Le syndicat affirme qu’elle est survenue vers la mi-août.

« Il a dit à des membres de mon équipe que cela [un transfert] allait arriver, affirme le représentant régional pour le Conseil 4000 d’Unifor, Mario Laroche. C’est seulement une question de temps. Il n’y a pas de fumée sans feu. »

Le représentant syndical s’étonne de la tournure des évènements, puisque ces employés faisaient partie des quelque 3000 membres d’Unifor qui ont ratifié une nouvelle convention collective en avril dernier. Assujettie à la Loi sur les langues officielles, la Compagnie des chemins de fer nationaux du Canada n’a pas répondu aux questions envoyées par La Presse concernant le scénario offert par le syndicat.

Le service et la langue

La dernière fois que des employés syndiqués du CN avaient exprimé des inquiétudes à l’égard d’une délocalisation potentielle de leur poste vers l’Ouest, le scénario s’était concrétisé environ deux mois plus tard.

En février 2020, un peu plus de 100 contrôleurs ferroviaires avaient alors été touchés. Des préoccupations linguistiques avaient aussitôt été soulevées, compte tenu des difficultés à recruter suffisamment d’employés qui maîtrisent le français dans la région d’Edmonton. Au printemps 2022, La Presse avait révélé à quel point il pouvait être difficile pour des travailleurs de s’exprimer dans la langue de Molière au travail.

M. Laroche anticipe des défis identiques si ses craintes se matérialisent.

« Nos membres au Québec, environ 60 % des appels pour du service à la clientèle se font en français, dit-il. Si c’est transféré à Edmonton, ça ne sera pas facile de dénicher des candidats qui maîtrisent la langue. C’est arrivé dans le passé avec les contrôleurs ferroviaires et cela risque de se reproduire, mais avec les clients. »

Rien de rassurant

Au début du mois de septembre, Unifor a tenté d’obtenir des explications auprès du CN, mais en vain. Le 6 septembre dernier, un représentant du syndicat signalait à la directrice des relations de travail de l’entreprise, Line Tanguay, que des rumeurs concernant un transfert de postes établis à Montréal et Toronto vers Edmonton circulaient.

« Pouvez-vous confirmer si la compagnie envisage ou non cette option, car nous observons également des offres d’emploi externes pour des postes à pourvoir à Edmonton », était-il demandé à Mme Tanguay.

La principale intéressée a répondu qu’aucune décision n’avait été prise, mais n’a rien fait pour rassurer Unifor. Sa réponse : le « CN est toujours à la recherche d’occasions de consolidation ».

C’est essentiellement le même message que le porte-parole du CN, Jonathan Abecassis, a transmis, dans un courriel envoyé à La Presse. Celui-ci a ajouté que le transporteur ferroviaire s’assure de respecter ses obligations linguistiques.

Si le transfert se concrétise, M. Laroche craint de ne pas pouvoir replacer ses membres touchés, qui occupent des « postes bien payés à 40 $ l’heure ».

« Il y a de moins en moins de postes de cols blancs au CN à Montréal, affirme-t-il. On les élimine l’un après l’autre. Ce qui me reste comme département après cela, c’est la comptabilité, où une spécialisation est exigée. La réalité, c’est que ça pourrait être des pertes directes d’emplois à Montréal. »

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