Malgré des inquiétudes survenues au début de la pandémie, en mars dernier, quant à la disponibilité de certaines matières premières, Pharmascience, principal fabricant québécois de médicaments génériques, estime que le Canada est bien équipé pour traverser la crise, mais que celle-ci met en perspective l’importance de constituer des réserves stratégiques pour faire face à d’autres situations d’urgence.

Au cours des dernières semaines, le premier ministre François Legault a évoqué à plusieurs reprises, lors de ses points de presse quotidiens, que le système de santé québécois devait faire face à des raretés de médicaments stratégiques liés au soulagement de la COVID-19.

On parle ici essentiellement de produits associés à l’anesthésie, comme la morphine, les sédatifs ou le curare, dont l’approvisionnement a été rendu plus difficile en raison des pressions exercées par la pandémie de coronavirus sur la demande mondiale.

Cet état de fait en a amené plusieurs à s’inquiéter, de façon plus large, sur l’état de la chaîne d’approvisionnement en médicaments de toutes sortes à l’échelle nationale.

Est-ce que le Québec est capable d’assumer sa souveraineté en matière de fabrication de médicaments et est-ce qu’il y a risque de pénurie à l’horizon ?

Selon Jean-Guy Goulet, président et chef des opérations de Pharmascience (PMS), principal fabricant de médicaments génériques au Québec, fondé en 1983 par le Montréalais Morris Goodman, l’industrie pharmaceutique canadienne est capable d’assurer la distribution de tous les médicaments au pays, mais il serait illusoire de penser tout produire à l’interne. « Le Canada représente seulement 2 % du marché mondial et il y a plus de 2000 molécules en circulation. Cela coûterait une fortune que de tenter de tout faire nous-mêmes », explique-t-il.

PHOTO FRANÇOIS ROY, LA PRESSE

Jean-Guy Goulet, président et chef des opérations de Pharmascience

Il est plus avantageux de se concentrer sur les médicaments à gros volumes, puisque les médicaments génériques coûtent 80 % moins cher que ceux d’origine.

Jean-Guy Goulet, président et chef des opérations de Pharmascience

On le sait, plusieurs acteurs importants de l’industrie ont quitté le Québec lorsque la Loi sur les brevets pharmaceutiques a été modifiée pour réduire la durée des droits de propriété de leurs médicaments, mais des fabricants locaux comme PMS ont pris le relais.

L’entreprise montréalaise est le principal acteur de l’industrie pharmaceutique au Québec, actif à la fois dans la fabrication de médicaments génériques et dans le développement et la production de médicaments de marque.

Pharmascience prépare plus de 50 millions d’ordonnances de médicaments par année au Canada, dont 20 millions au Québec, et elle est responsable de la fabrication de six médicaments génériques sur les dix médicaments les plus prescrits au pays. On parle ici de médicaments pour la pression, le diabète, le cholestérol…

À titre de responsable de l’approvisionnement d’une forte quantité de médicaments pour la population québécoise, PMS a dû s’ajuster rapidement à l’éclosion du coronavirus au pays.

« Au début du mois de mars, on avait des craintes sur la capacité de l’écosystème pharmaceutique mondial à répondre à la forte demande, on craignait que la chaîne d’approvisionnement ne puisse pas répondre à la forte demande lorsque tout le monde a cherché à stocker des réserves de médicaments. »

« En mars, la demande pour les produits de matières premières qui nous viennent principalement de l’Inde et de la Chine a bondi de 30 % alors que la production de ces pays a été réduite. Mais les choses se sont calmées depuis. Début avril, la hausse était de 20 % et maintenant, la demande se stabilise », observe Jean-Guy Goulet, qui œuvre depuis 30 ans dans le secteur pharmaceutique.

Au Québec, on limite les renouvellements d’ordonnances à une durée de 30 jours, ce qui n’était pas le cas dans les autres provinces, où les consommateurs pouvaient stocker jusqu’à 90 jours de médicaments chroniques. Le gouvernement fédéral a heureusement ramené à 30 jours la durée des ordonnances partout au pays.

Les fabricants comme Pharmascience peuvent se constituer des stocks de matières premières pour une période de trois à quatre mois. Toute la chaîne d’approvisionnement est strictement encadrée et réglementée par les gouvernements.

« S’il y a une chose que l’on peut retenir de cette crise, c’est que les gouvernements devraient constituer des réserves stratégiques de matières premières — qui se conservent jusqu’à cinq ans — pour faire face à d’éventuelles pénuries ou ruptures de la chaîne d’approvisionnement », souligne Jean-Guy Goulet.

Pharmascience réalise 80 % de ses revenus au Canada et distribue ses produits dans 60 pays, avec des effectifs totaux de 1500 personnes, dont 1200 au Québec réparties dans trois sites à Montréal, Dorval et Candiac.

Depuis le début de la crise, PMS n’a jamais cessé la production de médicaments, même si 600 de ses employés ont été assignés à du télétravail. On a dû reconfigurer les lieux de travail des 600 opérateurs qui travaillent dans les chaînes de production de médicaments pour assurer la distanciation physique.

« On a vraiment des équipes qui sont entièrement consacrées à leur mission et qui nous permettent d’opérer à 90 % de nos capacités de production. À tous les niveaux de l’entreprise, on a eu droit à une mobilisation sans précédent », insiste le chef des opérations.