Toutes les banques centrales des pays industrialisés sont actuellement sur le qui-vive et se préparent à réduire les taux d’intérêt. Toutes ? Non, celle du Japon vient de décréter une hausse de taux, la première depuis 17 ans.

C’est une véritable révolution pour le pays qui vit depuis des décennies avec la déflation et la stagnation de son économie. Les taux d’intérêt ont été maintenus très bas et même en territoire négatif depuis huit ans, pour ressusciter l’activité économique, sans grand résultat. Du moins, jusqu’à récemment.

L’économie japonaise prend du mieux et l’inflation a dépassé récemment la cible de 2 % de la banque centrale, ce qui, après des années de déflation, peut être considéré positivement. Les autorités monétaires font le pari que la poussée de croissance actuelle du pays est là pour durer. C’est un pari audacieux parce qu’une augmentation des taux d’intérêt est une question beaucoup plus sensible qu’ailleurs au Japon.

Le Japon soutient la dette la plus élevée au monde, qui atteint 265 % de son produit intérieur brut. Cette proportion est de 133 % pour les États-Unis et de 110 % pour le Canada.

Si le Japon n’a pas fait faillite, c’est pour deux raisons. Son énorme dette est détenue majoritairement par les Japonais et le pays ne dépend donc pas des investisseurs étrangers ni de la cote de crédit des agences internationales pour la financer. Aussi, les taux d’intérêt très bas font que le pays le plus endetté du monde paie les taux d’intérêt les plus bas au monde.

La hausse des taux d’intérêt augmentera le coût de la dette du Japon, qui gruge déjà 22 % des dépenses gouvernementales. C’est plus que les dépenses consacrées aux travaux publics, à l’éducation et à la défense prises ensemble1.

Aussi, cette dette déjà énorme continuera de croître, selon toutes les prévisions, surtout à cause de la démographie. La population japonaise est vieillissante et ne se renouvelle pas, en raison du faible taux de natalité et de la volonté du pays de ne pas avoir recours à l’immigration.

Le résultat, c’est une lente diminution de la population totale qui est déjà commencée et qui devrait s’accélérer. De 120 millions actuellement, la population japonaise pourrait diminuer de moitié d’ici le tournant du siècle, selon des projections basées sur la tendance actuelle. Il y aura moins de travailleurs pour payer des impôts et financer des services publics dont le coût devrait croître de façon importante avec le nombre de personnes âgées.

Taux élevés 101

Ça fait longtemps qu’on parle de l’impact du vieillissement de la population sur l’économie du Japon. Jusqu’à maintenant, l’économie tient bon, grâce en grande partie au savoir-faire d’entreprises présentes partout dans le monde comme Toyota, Sony ou Panasonic.

Mais le déclin de l’économie se poursuit. Le Japon, autrefois la deuxième économie mondiale derrière les États-Unis, a été dépassé par la Chine et vient de céder sa troisième place à l’Allemagne.

Avec la hausse des taux d’intérêt, c’est tout le modèle économique japonais qui est secoué. Un indice de l’importance de la secousse : les banques japonaises ont mis sur pied une formation à l’intention de leurs employés qui n’ont jamais travaillé dans un environnement de taux d’intérêt positifs. On y enseigne comment expliquer aux clients que leurs emprunts coûteront plus cher, rapporte l’agence Reuters, et comment les inciter à confier leurs épargnes à la banque. Du nouveau pour toute une génération du personnel bancaire.

Les banques, mais aussi les entreprises et les consommateurs japonais, se sont habituées à un monde où l’argent ne coûte rien. On peut penser que l’ajustement devrait prendre un peu de temps.

1. Consultez l’analyse de la Financière Banque Nationale