Chaque samedi, un de nos journalistes répond à l’une de vos questions sur l’économie, les finances, les marchés, etc.

Je me promène au magasin entrepôt et je me demande comment il est possible que le prix de vente des bananes soit si bas, soit 1,99 $ pour un gros paquet. Il me semble que ce prix ne doit même pas couvrir les frais de transport. Comme il s’agit d’un prix très régulier, il ne semble pas que ce soit un produit loss leader. – Jocelyn Jeffrey

Bien que les bananes ne soient pas à l’abri d’une hausse de prix comme ce fut le cas récemment en raison des mauvaises récoltes, la volonté des détaillants de garder ce produit abordable et l’efficacité de la chaîne de production, impliquant peu de pays exportateurs et quelques grands groupes alimentaires, expliquent en grande partie pourquoi le fruit populaire demeure parmi les plus accessibles au supermarché, et ce, tout au long de l’année.

C’est du moins l’analyse que fait Pascal Thériault, agronome et économiste à l’Université McGill. « La banane a été développée avec pratiquement une seule variété, la Cavendish, indique-t-il. C’est un fruit qui pousse facilement, qui est très homogène, qui est très prévisible dans le temps. Les endroits où on la cultive – surtout en Amérique centrale – n’ont pas de saisons. »

Il rappelle également que les Dole, Chiquita et Del Monte de ce monde, qui en font le commerce, ont créé des infrastructures (routes, ports) dans les pays exportateurs pour faciliter la mise en marché du fruit jaune.

« Dans une certaine mesure, ces grands groupes ont influencé les politiques intérieures de ces pays-là. L’expression “république bananières” vient de là », illustre le professeur Pascal Thériault. L’Équateur, le Costa Rica et la Colombie comptent parmi les principaux pays exportateurs.

C’est un fruit qui se vend bien et qui est facile à conserver. La pelure étant épaisse, tu n’as pas besoin de l’emballer et de le suremballer.

Pascal Thériault, agronome et économiste à l’Université McGill

Ajoutez à cela les conditions de travail « peu idéales » liées à sa culture et vous avez tous les ingrédients permettant de maintenir un prix bas.

Un produit de commodité

Chez Mayrand, Pierre Lapointe, président et chef de la direction, rappelle pour sa part que la banane est devenue ce qu’on appelle dans le jargon un « produit de commodité ». « C’est très rare que les gens l’inscrivent sur leur liste d’épicerie, ils n’ont pas besoin d’y penser, ils en consomment chaque semaine. C’est un peu comme le lait, tu le sais que tu vas en acheter. »

Malgré tout, le grand patron de Mayrand – qui compte quatre magasins – rappelle que le prix des bananes n’est pas à l’abri des augmentations. « Il y a eu de très mauvaises récoltes de bananes. Il y a une hausse de 40 % du prix des bananes actuellement. »

Son prix est passé de 21 $ la caisse à 31 $ la caisse en un mois, dit-il.

Bien des détaillants prennent quand même la décision d’offrir les bananes à un prix abordable. « On s’efforce de garder nos prix très bas, surtout pour des produits de commodité, pour se différencier de la concurrence. »

Mais avec une production abondante, en monoculture, ainsi qu’avec les risques de maladie, n’y a-t-il pas un danger qu’un jour la célèbre Cavendish ne soit plus disponible ? Oui, croit Pascal Thériault. Selon lui, les consommateurs devront inévitablement s’habituer à acheter d’autres variétés.

Tout un changement dans les habitudes, anticipe-t-il. « Il va falloir qu’on s’habitue à manger une banane qui goûte autre chose que ce à quoi on est habitués, prévient M. Thériault. On a tous des préférences dans les pommes, mais une banane… ça goûte la banane. »

Mayrand a déjà commencé la transition en se tournant vers la Cabana, plus petite et plus résistante. Il reste maintenant à voir la réponse des amateurs de banane.