Avec l’annonce en 2021 d’une alliance entre les plus importantes institutions financières du monde pour lutter contre les changements climatiques, tous les espoirs étaient permis. Quand l’argent se range du même côté, les résultats ne peuvent que suivre.

L’heure n’est pas encore au bilan. Mais force est de constater que la Net Zero Banking Alliance créée sous l’égide des Nations unies et de Mark Carney, l’ancien gouverneur de la Banque du Canada et de la Banque d’Angleterre, est plutôt mal partie.

Il n’a pas fallu longtemps avant que la belle unanimité des banques représentant 40 % de l’actif financier mondial se heurte à la dure réalité.

Leur objectif est d’avoir un portefeuille à zéro émission nette (net zéro) en 2050. Pas seulement éliminer les émissions de gaz à effet de serre de leurs activités, parce que les banques en émettent peu, mais que leurs portefeuilles de prêts et d’investissements soient carboneutres.

Après l’opération marketing de 2021, des balises étaient nécessaires pour s’assurer que les bonnes intentions se traduisent en progrès concrets et mesurables. L’ONU a donc précisé des critères à respecter pour les membres de l’alliance, notamment éliminer le soutien aux combustibles fossiles, se fixer des objectifs intermédiaires pour atteindre l’objectif net zéro et inclure le cycle complet des émissions, de la production jusqu’à la consommation. C’est là que le vernis a commencé à craquer.

L’engagement au sein de la Net Zero Banking Alliance n’a jamais empêché la plupart des banques, et notamment les banques canadiennes, de penser qu’elles pouvaient continuer à faire leurs affaires comme d’habitude. Y compris financer l’augmentation de la production de pétrole un peu partout dans le monde.

Critiquées par les environnementalistes, les institutions financières ont préféré ne pas avoir à expliquer continuellement comment elles pouvaient investir des milliards dans des projets d’expansion pétroliers et gaziers tout en étant engagées vers le net zéro. Ça s’est fait très discrètement, mais plusieurs d’entre elles ont menacé de quitter l’alliance si elles devaient respecter les critères précis fixés par l’ONU.

Tout aussi discrètement, il a été convenu en octobre dernier que les institutions financières membres de l’alliance seraient encouragées à respecter les lignes directrices de l’ONU, mais qu’elles n’auraient pas l’obligation de le faire. Bref, les banques peuvent continuer à décider elles-mêmes si elles en font assez en matière environnementale.

En attendant d’avoir des résultats probants à publier, les banques, et notamment les banques canadiennes, continuent d’être très actives dans le financement de l’industrie pétrolière et gazière, ce qui est régulièrement dénoncé par des organisations environnementalistes.

Les assureurs fuient

Un autre morceau de la coalition financière internationale qui s’est engagée à lutter contre les changements climatiques aux côtés de Mark Carney est en train de s’effriter. Aux États-Unis, la fronde de certains États contre les investisseurs « antipétrole » et les entreprises qui adoptent des critères environnementaux, sociaux et de gouvernance (ESG) fait peur à plusieurs entreprises.

Le Globe and Mail rapportait la semaine dernière que des assureurs européens comme la Lloyd’s de Londres, Allianz, Axa et SCOR ont quitté l’alliance, et que d’autres gros canons de l’industrie pourraient les imiter. Les assureurs qui se sont engagés à prendre en compte le risque climatique dans leurs activités craignent d’être accusés devant les tribunaux américains de se liguer contre l’industrie du pétrole.

Les autres acteurs du système financier membres de l’alliance font aussi face à des vents adverses. La menace est réelle. Des États américains, dont la Floride, sont en guerre contre l’investissement responsable. Le Texas a banni la firme BlackRock, le plus gros investisseur institutionnel de la planète, dont le grand patron Larry Fink s’est fait le champion de la lutte contre les changements climatiques⁠1.

Cette épreuve de force ne fait que commencer. Ça joue dur dans la finance durable, c’est le moins qu’on puisse dire.

1. Lisez l’article « Le Texas en guerre contre les investisseurs “wokes” »