Innovation, infrastructures et transformation numérique sont au cœur de la relance

Pour répondre rapidement et efficacement aux dommages que la crise de la COVID-19 a causés à l’économie canadienne, le gouvernement fédéral a créé en juin dernier un groupe de travail pour faire l’état de la situation du secteur industriel canadien. « On ne voulait pas faire un simple inventaire des problèmes, mais bien proposer des solutions pour le court, le moyen et le long terme parce que la crise nous donne des moyens d’agir », insiste Monique Leroux, qui a présidé le Conseil sur la stratégie industrielle.

Dès les premiers instants qui ont suivi le déclenchement de la crise de la COVID-19, le gouvernement fédéral a réagi en adoptant une multitude de mesures financières pour soulager les millions de victimes du confinement de l’économie, mais il fallait aussi préparer la reprise en fonction des dégâts faits par cette crise inédite.

Ottawa a demandé à Monique Leroux, ex-PDG du Mouvement Desjardins, de présider ce conseil qui devait lui faire des recommandations cet automne. Son rapport a été déposé en octobre et le ministre de l’Innovation, des Sciences et de l’Industrie, Navdeep Bain, l’a rendu public vendredi.

Du mois de juin à septembre, le Conseil sur la stratégie industrielle a tenu des rencontres bimensuelles pour discuter avec plus d’une centaine de grands acteurs économiques du pays pour évaluer leur situation et partager leur vision de l’avenir.

PHOTO DAVID BOILY, ARCHIVES LA PRESSE

Monique Leroux, ex-PDG du Mouvement Desjardins, a présidé le Conseil sur la stratégie industrielle canadienne.

Ç’a été intense. On a échangé avec beaucoup de leaders industriels tout en impliquant dans la discussion des hauts fonctionnaires des ministères économiques clés du gouvernement fédéral. On a aussi réalisé une vaste enquête auprès de 1000 entreprises, des PME et des grandes, pour bien comprendre leur situation.

Monique Leroux, présidente du Conseil sur la stratégie industrielle

Le portrait de la situation des neuf grands secteurs industriels canadiens – l’agroalimentaire, le numérique, le manufacturier, le tourisme et l’accueil, les sciences de la vie et la santé, les technologies vertes, les ressources naturelles, le commerce de détail et le transport – est évidemment variable.

Certains secteurs ont davantage souffert de la crise, alors que le transport et le tourisme et accueil (y compris la culture et le divertissement) sont encore pleinement affectés par le déclin de l’activité.

Le secteur de la fabrication de pointe comme les entreprises de l’aérospatiale prévoit une baisse de 30 % de leurs revenus alors que la chute attendue dans le tourisme est de l’ordre de 50 %. Plus alarmant, 76 % des entreprises interrogées s’inquiètent de leur viabilité financière.

La crise de la COVID-19 a par ailleurs mis en lumière des lacunes à corriger en vue de la mise en place d’un cadre qui permettrait aux entreprises de profiter d’une relance mieux articulée et plus structurante pour l’ensemble de l’économie du pays, suggère le rapport du Conseil sur la stratégie industrielle.

Trois phases, un objectif

« On est rapidement arrivés à la conclusion que le meilleur moyen de sortir plus fort de cette crise sans précédent était d’y aller par étapes et on a identifié trois phases bien précises qu’il faudra déployer », propose Monique Leroux.

Il faut d’abord redémarrer l’économie en situation d’urgence. Le gouvernement fédéral l’a fait en instaurant la PCU puis en modulant la subvention salariale, mais dans l’immédiat, il faut instaurer une meilleure gestion du risque, en s’attaquant d’urgence aux secteurs les plus affectés par la crise.

Le Conseil sur la stratégie industrielle s’est beaucoup inspiré sur ce qui se fait ailleurs, notamment aux États-Unis, en Allemagne, en France et même à Singapour, où on n’a pas hésité à soutenir les entreprises d’intérêt national dans le secteur aérien et du manufacturier stratégique. Ottawa doit faire de même et rapidement.

Dans un horizon court terme – 2021-2022 –, il faut aussi relancer la croissance économique en mettant des programmes de soutien à l’innovation et accélérer les investissements en infrastructures.

« La Banque de l’infrastructures du Canada doit accélérer le pas. Il faut aussi absolument que la connexion internet à haute vitesse soit installée sur 100 % du territoire canadien d’ici 2026. Il faut aussi que les institutions comme la BCE, EDC, Financement agricole Canada jouent un rôle plus actif dans une perspective de relance économique », suggère Monique Leroux.

La troisième phase de la stratégie industrielle canadienne devrait s’articuler autour de la mise en place de programmes généreux pour la transformation numérique des entreprises, et ce dans tous les secteurs d’activité.

On est entrés dans une économie numérique basée sur les données. Il faut que le Canada développe des forces stratégiques naturelles dans ces domaines et qu’on en élargisse la portée en développant des infrastructures commerciales numériques.

Monique Leroux, présidente du Conseil sur la stratégie industrielle

Responsabilités sociales et environnementales

Le rapport du Conseil insiste beaucoup aussi sur l’importance que cette sortie de crise donne lieu à un vaste mouvement d’adhésion des entreprises canadiennes aux normes de responsabilité sociale et environnementale (RSE).

« On est chanceux au Canada. On dispose de vastes richesses naturelles, mais il faut que les entreprises du secteur accélèrent leurs investissements pour les exploiter de façon responsable sur le plan de l’environnement et le gouvernement fédéral peut participer à cet effort en accordant des incitatifs fiscaux », dit Monique Leroux.

Selon la présidente, les coûts associés à cette relance industrielle pourraient représenter de 100 à 150 milliards pour le gouvernement fédéral au cours des cinq prochaines années.

Est-ce que le programme de relance économique de 100 milliards pour les trois prochaines années, annoncé la semaine dernière dans la mise à jour économique du gouvernement fédéral, s’inscrit dans les recommandations du Conseil sur la stratégie industrielle ?

« Tout à fait, répond Monique Leroux. On a été consultés tout au long de nos travaux durant l’été et le gouvernement a notre rapport depuis le mois d’octobre. Si on suit nos recommandations, on estime que le PIB canadien progressera de 1 % de plus en 2030 que si on ne faisait rien. »