Le Québec a un filet social plus développé que nulle part ailleurs en Amérique. Le gouvernement est aussi plus interventionniste et subventionne bien davantage les entreprises. La pandémie n’a rien changé à cette règle, au contraire.

Dans une récente analyse, le Directeur parlementaire du budget (DPB) a comparé l’implication des divers gouvernements provinciaux dans la lutte contre la COVID-19. L’organisme fédéral englobe non seulement l’aide directe des gouvernements, mais aussi le soutien financier aux entreprises et aux sociétés de transport en commun, entre autres.

Résultat : le Québec a injecté 28,7 milliards de dollars dans l’économie pour lutter contre le coronavirus, soit 10 milliards de plus que l’Ontario (17,5 milliards). Les deux provinces du centre du Canada ont la part du lion du total des provinces, chiffré à 66,6 milliards.

Pour bien comparer, le DPB a aussi mesuré le poids des engagements en proportion du produit intérieur brut (PIB) de chaque province. Vu sous cet angle, le gouvernement du Québec a injecté l’équivalent de 6,5 % de son PIB, environ deux fois plus que le Manitoba (3,4 % du PIB) ou l’Alberta (2,7 % du PIB). La moyenne des provinces équivaut à 3 % de leur PIB.

Bref, le Québec est au sommet des injections provinciales pour contrer les effets de la pandémie, loin en avant.

Ces interventions financières, bien qu’importantes, demeurent toutefois relativement modestes par rapport au fédéral, faut-il dire. Le gouvernement Trudeau a injecté 403,4 milliards de dollars dans l’économie, soit 18,7 % du PIB canadien ! Et ce n’est peut-être pas fini.

Le rapport du DPB a été publié le 25 juin 2020, mais les données sur le sujet sont en date du 31 mai. Le DPB avertit que d’autres mesures pourraient avoir été ajoutées depuis ou pourraient l’être dans les prochains mois.

En jetant un coup d’œil au Portrait de la situation économique et financière du gouvernement du Québec, publié le 20 juin, on est à même de constater que le DPB est arrivé pile. Le gouvernement québécois estime ses interventions à 28,3 milliards, justement.

Parmi les mesures, 3,7 milliards sont destinés à renforcer notre système de santé et 5,8 milliards ont servi à appuyer les travailleurs et les particuliers. Le reste, soit 18,8 milliards, porte le titre évocateur « Atténuer l’impact de la pandémie sur l’économie ».

Pour ceux qui s’inquiètent, une grande partie de la somme de 28 milliards n’est pas une dépense, mais un devancement d’investissement (2,9 milliards) ou un report de réclamations (5,8 milliards pour la TVQ, 4,5 milliards pour les impôts des particuliers et 2,8 milliards pour les acomptes provisionnels).

Et pour le reste, une partie est non récurrente. De fait, au bout du compte, le déficit du Québec cette année ne s’approchera pas de 28 milliards, il sera plutôt de 10,9 milliards, environ, et on peut s’attendre à ce qu’il recule à quelque 6 milliards l’an prochain.

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N’empêche, ces injections de fonds devront être financées et nécessiteront des liquidités, explique le DPB dans son analyse, d’autant qu’elles s’ajoutent aux dettes à échéance des provinces qui devront être refinancées, en plus des déficits qui étaient prévus.

Au total, les provinces auront donc besoin de 195 milliards de dollars de liquidités d’ici la fin de 2021, estime le DPB, si l’on tient compte des quelque 67 milliards de mesures COVID-19 des gouvernements provinciaux.

Ce sont le Manitoba (16 % de son PIB) et Terre-Neuve (12 % de son PIB) qui auront le plus besoin de fonds, toute proportion gardée, suivis du Québec (plus 11 % de son PIB) et de l’Ontario (environ 10 % de son PIB), estime le DPB.

Ces provinces n’ont pas toutes la même capacité d’y faire face. Parmi les quatre provinces en forte demande de fonds, le Québec a la meilleure cote de crédit (AA- de S&P), suivi de l’Ontario (A+), du Manitoba (A+) et de Terre-Neuve (A).

En mars dernier, le premier ministre de Terre-Neuve avait d’ailleurs manifesté son désespoir dans une lettre à Justin Trudeau devant les difficultés de sa province à financer sa dette. La province faisait alors face au déclin des prix du pétrole, dont elle est un important producteur, jumelé à l’impact de la COVID-19 et aux problèmes financiers du projet hydro électrique Muskrat Falls.

Dans son analyse, le DPB ne se prononce pas spécifiquement sur la pertinence des injections de fonds des gouvernements et leur impact. Un jour, peut-être, des économistes nous diront-ils jusqu’à quel point, en rétrospective, les gestes des gouvernements – et du Québec en particulier – ont été bénéfiques à l’économie ou non, selon le mode d’intervention.

> Lisez l’analyse du Directeur parlementaire du budget