La proposition du Parti québécois plaira assurément à un électorat clé, les jeunes. Et il cible un réel problème générationnel, soit l’accession à la propriété.

Malheureusement, le volet principal de son plan pourrait avoir l’effet contraire de celui souhaité, soit d’aider les jeunes à acquérir leur première propriété.

Dans son document Devenir propriétaire, le PQ dresse un portrait lucide de la situation et a le mérite d’avancer des solutions1. Son chef, Paul St-Pierre Plamondon, énonce clairement que « le problème actuel du logement découle surtout d’une demande débridée et non d’une offre réprimée ».

Bref, les propriétés sont devenues inabordables parce qu’il y a trop de demande, notamment venant de l’immigration.

Or, la principale solution du plan péquiste, soit que le gouvernement finance une réduction majeure du taux hypothécaire des premiers acheteurs, stimulera encore davantage la demande débridée dont parle son chef. Et elle aura donc pour effet de hausser encore davantage les prix du marché résidentiel et de nuire à l’accession à la propriété.

Sous le PQ, le gouvernement subventionnerait un rabais de taux d’intérêt de 3,5 points de pourcentage pendant trois ans, de sorte que les premiers acheteurs ne paieraient qu’un taux hypothécaire de 3,5 % plutôt que 7 %, selon son exemple.

Pour une maison de quelque 525 000 $ avec une mise de fonds de 10 %, le paiement hypothécaire baisserait de 950 $ par mois, passant de 3309 $ à 2359 $, selon le plan.

L’avantage est majeur. Il s’élève à 11 400 $ par année, calcule le PQ, et donc à possiblement plus de 34 000 $ sur trois ans. Nul doute qu’un tel rabais aurait un effet incitatif important sur les jeunes.

Pour le justifier, le PQ compare sa solution aux programmes Corvée-Habitation, en 1982, et Mon taux, mon toit, en 1991, tous deux lancés lors de récessions douloureuses.

PHOTO KAROLINE BOUCHER, ARCHIVES LA PRESSE CANADIENNE

Le chef du Parti québécois, Paul St-Pierre Plamondon

Le hic, c’est que ces deux anciens programmes avaient aussi comme grand objectif de relancer l’économie moribonde par la construction, alors que celui du PQ vise le neuf et l’existant.

À l’époque, la maxime préférée des économistes était « Quand le bâtiment va, tout va », et l’idée était d’abaisser le taux de chômage (14 % en 1982 et 12,1 % en 1991) en activant les chantiers. Le gouvernement se remboursait grâce aux recettes fiscales générées par l’activité économique.

Or, aujourd’hui, le contexte est tout autre. Le taux de chômage est très bas (4,5 %) et il manque de main-d’œuvre pour répondre à la demande, notamment dans la construction. Oui, il faut plus de logements, mais il faut accroître le parc par des mesures de stimulation de l’offre et non de la demande.

Comme chaque programme du même genre, par ailleurs, celui du PQ profiterait à de nouveaux acheteurs, mais aussi à beaucoup d’acheteurs qui auraient fait l’acquisition d’une maison de toute façon.

Bref, si le programme profite à 50 000 acheteurs, par exemple, avec une facture de 1,7 milliard de dollars, il n’aura dans les faits permis l’accession à la propriété que d’une petite partie de ces acheteurs2.

Le PQ s’inspire notamment du programme américain First-Time Home Buyer Mortgage Rate Discount (FHFA). Sauf que ce programme cible essentiellement les ménages à faibles revenus, pas la classe moyenne, qu’englobe celui du PQ.

De plus, avec le programme FHFA, la réduction de taux est de 1,75 point, soit deux fois moins qu’avec celui du PQ3.

Exemples en France et au Royaume-Uni

Mais plus largement, plusieurs études économiques ont démontré que ce genre d’aide a souvent pour effet de profiter non pas aux acheteurs, ultimement, mais aux vendeurs ou même aux prêteurs hypothécaires, m’explique le professeur de HEC Montréal Amine Ouazad, spécialisé en économie immobilière.

Par exemple, le programme Help to Buy du gouvernement de David Cameron, au Royaume-Uni, a eu pour effet de faire grimper les prix de 4,5 à 6 % de plus que ce n’aurait été le cas sans le programme entre 2013 et 2018, selon une étude4.

Ce programme, qui finançait l’avoir propre des propriétés, n’a pourtant pas entraîné la construction d’un plus grand nombre de nouveaux logements, selon l’étude. Et au bout du compte, la valeur de l’avantage accordé aux acheteurs a été absorbée presque entièrement par les vendeurs dans leurs hausses de prix.

PHOTO JEAN-CHRISTOPHE VERHAEGEN, ARCHIVES AGENCE FRANCE-PRESSE

Propriété à vendre à Vaucouleurs, dans le nord-est de la France

Une autre étude, cette fois sur un programme en France entre 1972 et 2003, a constaté que l’aide du gouvernement aux locataires pauvres a eu pour conséquence de hausser les loyers. Essentiellement, entre 50 % et 80 % de l’aide a été absorbée par les propriétaires5.

Selon Amine Ouazad, avec les programmes de garantie de prêts hypothécaires, comme celui que propose le PQ, ce sont souvent les institutions financières qui en profitent, entre autres, grâce à une majoration implicite de leur taux.

Bref, l’aide gouvernementale est louable, mais se traduit par des effets économiques insoupçonnés… et coûteux pour les finances publiques.

Ce qu’il faut faire alors ? M. Ouazad croit qu’il faut continuer d’agir sur les plans d’urbanisme, en favorisant la construction. Il estime que la baisse de la TPS (et de l’équivalent de la TVQ en Ontario) aurait de meilleurs effets que la réduction des taux hypothécaires.

Le PQ, faut-il préciser, propose aussi ce genre de mesure dans son plan.

Ce que j’en pense ? Que les cycles immobiliers sont longs et difficiles à inverser, que les taux d’intérêt finiront par redescendre significativement d’ici deux ans – possiblement de 1,75 point de pourcentage –, ce qui favorisera l’accès à la propriété, et que d’ici là, les jeunes doivent s’astreindre à mettre beaucoup d’argent de côté pour profiter des occasions qui se présenteront.

1. Consultez le document du PQ

2. D’ailleurs, en 1991, les experts avaient constaté que le programme Mon taux, mon toit avait incité beaucoup d’acheteurs à devancer leur achat, ce qui a réduit le bassin lors des deux années suivantes, après la fin du programme.

3. Autre élément : le système fiscal américain – avec la déductibilité des intérêts hypothécaires – fait en sorte que le coût net d’une telle mesure est moindre. Et durant la crise financière de 2008, rappelons-le, ce sont ces types de propriétaires aidés par le gouvernement qui, pris à la gorge, ont perdu leur maison.

4. Consultez l’étude portant sur le programme britannique Help to Buy (en anglais) 5. Consultez l’étude de l’institut français de la statistique (INSEE)