Au lendemain du Blue Monday, ce 3e lundi de janvier que l’on a désigné comme la journée la plus déprimante de l’année, les données sur l’inflation n’avaient rien pour nous remonter le moral. Les prix se sont remis à grimper, en décembre, après un automne qui nous avait laissé croire que la lumière au bout du tunnel était proche.

En réalité, la lueur est un peu plus éloignée qu’on l’aurait souhaité.

On se dirige globalement dans la bonne direction, ce qui est encourageant, mais le trajet n’est pas optimal. La ligne n’est pas droite comme certaines routes de la Saskatchewan. Grosso modo, le taux d’inflation est passé de 6 % à 3 % dans la dernière année, avant de rebondir à 3,4 %, en décembre.

Le prix des logements a joué un rôle particulièrement important dans ce bond. Desjardins parle de « contribution démesurée ».

Dans les supermarchés, les prix continuent aussi de croître à un niveau particulièrement élevé (+ 4,7 % sur un an). Ce n’est même pas la peine de connaître les statistiques, la réalité saute aux yeux quand on parcourt les allées pour remplir son chariot. On a probablement tous bondi au moins une fois dans les dernières semaines en voyant le prix d’un aliment qu’on n’avait pas acheté depuis un certain temps.

De toute évidence, le message et les menaces lancés en septembre par le gouvernement Trudeau aux cinq grandes chaînes de magasins d’alimentation pour qu’elles réduisent leurs prix n’ont pas donné les résultats escomptés. L’inverse aurait été étonnant… Reste maintenant à voir si le ministre François-Philippe Champagne fera le point en 2024 sur sa stratégie visant à soulager les consommateurs, ou s’il fera plutôt dévier l’attention sur d’autres dossiers plus prometteurs.

Espérons par ailleurs que les PDG des détaillants ne seront pas convoqués à nouveau cette année devant les élus pour répondre aux questions de ces derniers. L’exercice, souvent comparé à une mauvaise pièce de théâtre, s’avère essentiellement une perte de temps pour tout le monde.

D’une manière ou d’une autre, on n’a pas fini d’entendre parler du prix de l’épicerie. Autant au Canada qu’en Europe, c’est une source de préoccupation pour les ménages, voire de guerre dans l’industrie.

En France, où l’inflation alimentaire a ralenti en décembre pour le 9e mois consécutif et atteint 7,2 %, la chaîne Carrefour continue de vouloir défendre ses clients contre les augmentations de prix souhaitées par ses fournisseurs. Début janvier, elle a retiré le Pepsi, les soupes Lipton, les céréales Quaker et les croustilles Lay’s de ses magasins.

Des affichettes indiquaient ceci aux clients : « Nous ne vendons plus cette marque pour cause de hausse de prix inacceptable. Veuillez nous excuser pour la gêne occasionnée. » Le message était ponctué du slogan « Carrefour, engagé pour faire baisser les prix ». Le détaillant a aussi retiré les produits fabriqués par PepsiCo de ses magasins en Espagne, en Italie et en Belgique. Coup marketing pour attirer l’attention ou véritable volonté de réduire la facture des clients ?

Quoi qu’il en soit, les multinationales de la transformation alimentaire sont de plus en plus pointées du doigt. Mondelez, Coca-Cola et Danone notamment ont fait état, dans la dernière année, de profits gonflés malgré des volumes de vente en baisse. Cela signifie que leurs prix ont bondi, ce que dénonce d’ailleurs Loblaw régulièrement.

Tout près de nous, aux États-Unis, on se dirige vers un retour à la normale à la vitesse de l’éclair. Le taux d’inflation alimentaire est passé de 10,1 % à 2,7 % dans la dernière année !

Cette dégringolade qui fait rêver s’explique surtout par le niveau de concurrence plus élevé entre les détaillants et le prix inférieur du mazout utilisé par les agriculteurs, explique Maurice Doyon, professeur titulaire au département d’économie agroalimentaire et des sciences de la consommation de l’Université Laval.

Le prix des œufs a aussi connu des montagnes russes très abruptes à cause de la grippe aviaire. « Les œufs ont eu un impact sur les chiffres. C’était 8 ou 9 $ la douzaine il y a un an et on est revenus à 2 $ », précise Maurice Doyon. Au Canada, le système de gestion de l’offre protège les consommateurs contre des variations aussi marquées dans les prix du poulet, du lait et des œufs.

Statistique Canada a aussi dévoilé mardi son bilan de l’année 2023.

L’Indice des prix à la consommation a affiché une augmentation de 3,9 %, après la hausse inégalée en 40 ans de 6,8 %, en 2022. Si l’on exclut cette année exceptionnelle, le taux d’inflation observé en 2023 est le plus élevé depuis 1991, année de naissance de la TPS, du Bloc québécois et de Laurent Duvernay-Tardif.

Rien n’a bondi autant que le prix des aliments (+ 7,8 %). En cause : les mauvaises conditions météorologiques, le coût des intrants (engrais), la grippe aviaire, la peste porcine africaine et l’invasion de l’Ukraine par la Russie.

Avez-vous espoir que tous ces facteurs s’éclipsent, que les prix redescendent et qu’il soit à nouveau agréable de faire son épicerie ?