Après Nemaska Lithium, qui a été contrainte de faire faillite avant d’être rachetée par le gouvernement, c’est Tergeo minéraux critiques, auparavant Alliance Magnésium, qui doit se restructurer si elle espère poursuivre le développement de son projet de produire du magnésium vert à partir de résidus d’amiante dans la région de Val-des-Sources.

Une autre entreprise québécoise du secteur des minéraux critiques – secteur hautement stratégique pour le gouvernement caquiste – vient donc de se placer sous la protection de la Loi sur l’insolvabilité et les faillites dans l’espoir de pouvoir ultimement mener à terme son projet.

L’entreprise détenue à 37 % par la firme québécoise d’investissement Alternative Capital Group, par le gouvernement du Québec via Investissement Québec (14 %), par un distributeur japonais de magnésium (13 %), par Fondaction (9 %) et par différents actionnaires privés ne peut plus poursuivre son développement parce qu’elle n’a plus de liquidités et qu’elle cumule une dette de 100 millions.

Les principaux créanciers de Tergeo sont le Trust Wilmington à 57,9 millions, Investissement Québec à 37,2 millions et Giampaolo Group à 5 millions.

Tergeo, auparavant Alliance Magnésium, a été créée en 2012 par un groupe d’investisseurs et de développeurs qui a racheté les résidus miniers provenant de l’exploitation de la mine d’amiante d’Asbestos qui appartenaient autrefois à Glencore, qui avait investi 1 milliard dans la construction de l’usine Magnola à Danville.

Incapable de rivaliser avec les producteurs chinois de magnésium, Magnola a fermé ses portes en 2003, mais le site a été revitalisé récemment par Tergeo qui a démarré l’an dernier une fonderie pilote où on produisait 600 tonnes de lingots de magnésium par mois à partir de produits recyclés.

Le projet de Tergeo était de fabriquer 25 000 tonnes de magnésium primaire vert à partir des montagnes de résidus miniers de Val-des-Sources et 12 000 tonnes de magnésium secondaire à partir du recyclage.

Le procédé industriel développé par Tergeo à partir des résidus de l’amiante prévoyait également la production annuelle de silice amorphe qui sert à la fabrication de pneus, de béton, de vitres d’ordinateurs, ainsi que du nickel-cobalt, qui est nécessaire à la fabrication des batteries de véhicules électriques.

L’entreprise était en plein montage financier dans le but de récolter 1,9 milliard en vue de construire son usine de transformation qui aurait dû démarrer ses opérations en 2024 lorsqu’elle s’est retrouvée en manque de liquidités et a dû recourir à la protection de la Loi sur les faillites.

La fonderie a cessé ses activités en août pour y réaliser des travaux de maintenance et d’entretien, mais n’a jamais redémarré ses activités, poussant au chômage ses 70 travailleurs.

Un chemin parsemé d’obstacles

Fait à souligner, dans sa requête aux tribunaux, Tergeo souligne qu’elle s’est fait refuser le 31 août dernier sa demande de puissance additionnelle d’électricité de 5 MWh pour faire fonctionner sa future usine par Hydro-Québec alors que c’est le ministre Pierre Fitzgibbon qui est l’arbitre suprême pour avaliser ou non les projets énergivores que la société d’État alimentera ou non.

M. Fitzgibbon s’est trouvé à bloquer la demande en électricité excédentaire dans un projet dont le gouvernement est pourtant un important actionnaire et dans lequel il risque de perdre près de 40 millions en créances.

Autre difficulté majeure qu’a rencontrée Tergeo pour réaliser son montage financier, malgré des mois de démarches auprès des autorités gouvernementales, l’entreprise n’avait toujours pas réussi à obtenir un certificat d’autorisation environnementale lui permettant d’aller de l’avant, un imprimatur indispensable pour pouvoir espérer convaincre tout éventuel partenaire financier.

Pourtant le projet de Tergeo n’implique aucune extraction minière, il s’agit strictement de transformation de résidus existants et la réhabilitation de 120 millions de tonnes de haldes minières qui seront recyclées et qui donnent cette apparence lunaire au décor environnant.

En recourant à la protection de la Loi sur l’insolvabilité et les faillites, Tergeo aura peut-être la chance de redémarrer son projet sur des bases plus solides avec de nouveaux partenaires mieux armés financièrement, comme Nemaska Lithium semble en voie de le faire.

À la différence de ce dernier exemple toutefois, la restructuration de Tergeo ne se fera pas au détriment de milliers de petits investisseurs qui ont tout perdu lorsqu’ils ont cru au sauvetage de Nemaska Lithium et qu’ils ont dû radier la valeur totale de leur investissement initial.

Le magnésium est un minerai stratégique, 75 % plus léger que l’acier et 33 % plus léger que l’aluminium, il est utilisé dans des industries de pointe comme l’automobile, l’aéronautique et le militaire.

C’est la Chine qui reste le principal producteur en accaparant 85 % de sa production mondiale. La construction d’une usine de transformation à Danville reste donc très pertinente.