L’annonce imminente du plus important investissement privé au Québec inquiète plusieurs centaines de résidants de la Rive-Sud de Montréal, mais son promoteur est un « citoyen corporatif exemplaire », rétorque Pierre Fitzgibbon. Le ministre de l’Économie, de l’Innovation et de l’Énergie se dit rassuré après avoir visité les installations suédoises de Northvolt.

Situé dans le nord de la Suède, Skelleftea figurait sur l’itinéraire de sa tournée scandinave – où le thème de la question énergétique occupait une place prépondérante – qui s’est déroulée la semaine dernière. C’est à proximité de cette municipalité de quelque 74 000 âmes que Northvolt érige un complexe similaire à celui qui doit être annoncé sur le territoire québécois.

« Si tout s’annonce comme prévu, on aura un citoyen corporatif exemplaire, explique en entrevue M. Fitzgibbon, sans aller jusqu’à officialiser le projet québécois de Northvolt. Je suis allé voir sur place ce qui se passe. Là-bas, il y a eu de l’acceptabilité sociale et la compagnie est consciente que des questions comme le bruit sont importantes pour les maisons situées à proximité. »

La Presse et d’autres médias ont rapporté que l’entreprise suédoise se préparait à annoncer un investissement avoisinant les 7 milliards en Montérégie pour construire une usine de cellules de batteries – dernière étape avant l’assemblage de la batterie au lithium-ion que l’on retrouve dans les véhicules électriques. Il s’agit du chaînon manquant dans l’écosystème que souhaite mettre en place le gouvernement Legault. Québec et Ottawa participeront au montage financier.

Ce complexe verra le jour sur les terrains de l’ancienne usine d’explosifs de la Canadian Industries Limited (CIL), qui chevauchent McMasterville et Saint-Basile-le-Grand. On parle d’un complexe d’une superficie de 100 hectares, soit plus de 75 terrains de football. Quelque 4000 emplois devraient être créés à terme.

Déjà des craintes

Des résidants des environs s’opposent déjà à l’arrivée d’un complexe d’une telle envergure. Une pétition en ligne à cet effet comptait environ 595 signataires au moment d’écrire ces lignes, mercredi. Elle doit être acheminée au conseil de McMasterville le 25 septembre.

« Personne ne certifie que le bruit, les odeurs et les transports ne seront pas nuisibles pour les citoyens », plaident notamment les résidants derrière cette démarche.

M. Fitzgibbon dit comprendre ces préoccupations, mais s’attend à voir Northvolt prendre les moyens nécessaires pour rassurer les communautés locales si ses intentions se confirment.

La compagnie devra être attentive. C’est sûr qu’il va y avoir des enjeux entourant le bruit et la visibilité. Mais je crois que l’entreprise en est consciente et qu’elle désire un projet qui sera accepté aussi.

Pierre Fitzgibbon, ministre de l’Économie, de l’Innovation et de l’Énergie

Cité par l’hebdomadaire L’Œil régional le 13 septembre dernier, le maire de McMasterville, Martin Dulac, s’était montré déçu du mouvement d’opposition, puisque l’arrivée de Northvolt n’a pas encore été confirmée. Si c’est le cas, l’entreprise devra rencontrer les résidants pour répondre à leurs questions, avait-il indiqué.

Virée énergétique

M. Fitzgibbon a rencontré pas moins de 12 entreprises et 8 agences gouvernementales dans le cadre de son passage en Suède, en Finlande ainsi qu’en Norvège. Alors qu’un projet de loi est attendu à l’automne sur l’encadrement et le développement des énergies propres au Québec, le ministre affirme que sa visite en Europe visait à avoir une idée des « meilleures pratiques » en la matière dans cette région du monde. La pièce législative doit entre autres modifier la Loi sur Hydro-Québec et la Loi sur la Régie de l’énergie.

L’un de ses constats : le rôle occupé par le secteur privé dans la production d’énergie, surtout dans le créneau éolien, et sa « séparation » avec tout ce qui entoure la transmission de l’énergie. Au Québec, des entreprises privées viennent de soumissionner à un appel d’offres lancé par Hydro-Québec, responsable du réseau électrique.

« L’aspect de la transmission est essentiel pour la sécurité et la fiabilité que tu ne peux pas avoir du privé qui rentre là-dedans, dit M. Fitzgibbon. Je pense que les Scandinaves maîtrisent bien cela. Les agences [de transmission] sont principalement détenues par l’État, mais séparées de celles qui produisent l’électricité. »

Des consultations se sont déroulées au cours des derniers mois concernant l’avenir énergétique de la province. Elles ont pris fin le 1er août dernier.

Vigie diplomatique

À l’instar d’entreprises québécoises qui brassent des affaires en Inde, M. Fitzgibbon est également préoccupé par les répercussions potentielles de la querelle diplomatique entre Ottawa et New Delhi. Celle-ci a éclaté après les révélations chocs du premier ministre Justin Trudeau sur les liens présumés entre le gouvernement indien et l’assassinat d’un leader sikh en Colombie-Britannique. « Oui, je suis un peu soucieux », affirme le ministre québécois, en estimant que M. Trudeau avait fait la « bonne chose ». L’Inde est le 11e partenaire en importance du Québec. L’an dernier, les échanges commerciaux ont atteint 3,3 milliards. « J’ai demandé à Investissement Québec de me faire le bilan des impacts potentiels pour les entreprises québécoises s’il y avait des représailles imposées par l’Inde. C’est prématuré, mais il faut suivre la situation de près. C’est un pays de 1,4 milliard de personnes avec une croissance économique fulgurante, alors je regarde cela. »

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  • 2015
    Année de fondation de Northvolt
    source : northvolt