La dégradation des conditions économiques à l’échelle mondiale inquiète les PDG de partout sur la planète. Forte inflation, hausse des taux d’intérêt, restructuration de la chaîne d’approvisionnement, tensions géopolitiques et polarisation de l’influence économique, voilà autant d’éléments qui sapent le moral des chefs de la direction d’entreprises qui anticipent à 73 % un ralentissement économique mondial dans les prochains mois.

Chaque année depuis 26 ans, la firme de services-conseils PwC réalise une enquête annuelle mondiale auprès des chefs de la direction d’entreprises pour évaluer leur humeur face à différents enjeux de l’heure et, depuis 2012, pour mesurer leur degré de confiance face au potentiel de l’économie pour l’année à venir.

Les résultats globaux de cette enquête annuelle, réalisée auprès de 4410 PDG d’entreprises dans 105 pays, ont été dévoilés lors du dernier Forum économique mondial de Davos, mais le chef de la direction de PwC Canada, Nicolas Marcoux, a bien voulu ventiler les chiffres afin de comparer l’humeur des PDG canadiens par rapport à ceux du reste du monde.

De façon générale, les 192 chefs d’entreprise canadiens qui ont participé à l’enquête mondiale partagent le pessimisme des PDG sondés quant au ralentissement attendu de l’activité économique au cours de la prochaine année alors que 76 % d’entre eux l’anticipent contre 73 % de leurs homologues des autres pays.

Ce pessimisme contraste fortement avec les résultats de l’an dernier alors que 77 % des PDG mondiaux anticipaient une année de croissance positive, le plus fort pourcentage jamais enregistré depuis 2012. Le score de 73 % de cette année est par ailleurs le pire enregistré en dix ans.

Malgré la contraction économique appréhendée, très peu de PDG prévoient procéder à des licenciements dans la prochaine année. À l’échelle mondiale, 24 % des chefs d’entreprise anticipent plutôt un gel des embauches contre seulement 18 % au Canada.

Dans un contexte de pénurie de main-d’œuvre généralisée, 36 % des chefs de la direction s’attendent à des démissions ou des départs à la retraite contre 41 % des PDG canadiens qui redoutent une telle éventualité.

Ce qui distingue toutefois nos PDG de ceux du reste du monde, c’est leur relative confiance à l’endroit de leur entreprise sur un horizon de dix ans.

Les entreprises doivent continuellement se réinventer, et les pressions sont très fortes pour qu’elles intègrent les changements induits par les nouvelles technologies.

À un point tel que 39 % des chefs de la direction dans le monde affirment que leur entreprise ne sera pas viable d’ici dix ans ou moins, si elle poursuit son exploitation comme elle le fait actuellement. Au Canada, ce pourcentage tombe à 25 %. Nos PDG ont une plus grande confiance dans la pérennité de leurs opérations sur le long terme.

S’adapter dans un monde qui change

Cette forte vulnérabilité des PDG face à la viabilité de leur modèle d’affaires sur un horizon de dix ans m’apparaît pour le moins inquiétante, mais elle ne surprend pas Nicolas Marcoux, chef de la direction de PwC Canada.

PHOTO ANDRÉ PICHETTE, ARCHIVES LA PRESSE

Nicolas Marcoux, chef de la direction de PwC Canada

« Dans un monde qui se transforme continuellement, tu ne peux pas penser qu’à court terme, estime-t-il, mais beaucoup de PDG n’ont d’autre choix que de gérer dans l’immédiat, surtout dans le contexte de perpétuel tourbillon qu’a généré la pandémie de COVID-19 depuis trois ans.

« Il y a la transformation numérique à réaliser, l’automatisation des processus, le rapprochement de la chaîne d’approvisionnement, la migration vers l’infonuagique et l’intelligence artificielle, autant de défis que les chefs d’entreprise doivent relever en même temps. »

Il faut que les entreprises profitent du contexte de ralentissement pour se mettre à jour. Tu ne peux pas prendre deux ans de retard en 2023, tout évolue trop vite.

Nicolas Marcoux, chef de la direction de PwC Canada

« La clé pour les entreprises se trouve dans l’allocation du capital, comment elles vont investir pour renforcer leur modèle d’affaires », avance Nicolas Marcoux.

Comment explique-t-il que les chefs d’entreprise canadiens soient moins pessimistes quant à la pérennité de leur modèle d’affaires ?

« On a plus de PDG entrepreneurs au Canada que dans le reste du monde, ils sont plus positifs et plus fonceurs, ils sont plus représentés dans le sondage que dans les autres pays », évalue Nicolas Marcoux.

À l’heure de la crise climatique et des actions à entreprendre pour décarboner l’activité économique des entreprises, les résultats de l’enquête annuelle de PwC sont par ailleurs déroutants.

À l’échelle internationale, 33 % des chefs de la direction ne cherchent pas à réduire leurs émissions de carbone ou n’ont pas encore mis leur plan de réduction à exécution. Au Canada, ce sont 49 % des PDG qui ne prévoient pas le faire ou qui n’ont encore rien fait.

Ce qui est assez incroyable quand on sait combien les nouveaux critères de gestion ESG sont maintenant au cœur de la stratégie d’investissement des institutions prêteuses qui participent au financement du développement des entreprises.

Beaucoup de chefs d’entreprise au Canada et ailleurs dans le monde vont devoir rapidement s’amender parce qu’ils devront rendre des comptes à leurs clients, leurs fournisseurs, leurs partenaires et même leurs employés. S’ils souhaitent pérenniser leurs activités au-delà de l’horizon de dix ans, ils n’auront pas d’autre choix. Sinon, ce sera tant pis pour eux.