Plus du tiers des manufacturiers québécois disent manquer d’énergie pour répondre à leurs besoins actuels, ce qui les oblige à reporter des investissements et des projets d’expansion.

Ce coup de sonde réalisé en mars par Manufacturiers et Exportateurs du Québec (MEQ) auprès de 114 entreprises survient au moment où le gouvernement veut accroître la production d’énergie pour attirer des investissements internationaux liés à la transition énergétique et notamment à la filière batterie.

Pas moins de 35 % des entreprises sondées disent ne pas avoir accès à de l’énergie en quantité suffisante pour répondre à leurs besoins actuels. La question ne précise pas si la quantité requise dépasse le seuil des 5 mégawatts au-delà duquel Hydro-Québec n’a plus l’obligation de fournir de l’électricité. C’est le ministère de l’Énergie de Pierre Fitzgibbon qui décide de l’allocation de l’électricité qui dépasse les 5 mégawatts.

Peu importe la quantité d’énergie en cause, le sentiment général chez les entreprises est que le Québec manque d’électricité, explique la présidente-directrice générale de MEQ, Véronique Proulx.

« Les entreprises ont besoin de prévisibilité et elles sont en pleine incertitude quant à l’approvisionnement énergétique », dit-elle lors d’un entretien avec La Presse.

Dans ses discussions avec les entrepreneurs, Véronique Proulx a noté que plusieurs entreprises rentables et en croissance dans les régions sont frustrées de se voir refuser l’électricité nécessaire à leur développement au profit de projets plus « glamours » liés à la transition énergétique. « On n’est pas contre la filière batterie, mais certains qui se sont fait dire non ont l’impression d’être tenus pour acquis », dit-elle.

Parmi les entreprises qui disent être en manque d’énergie, 73 % affirment devoir retarder des projets ou des investissements prévus.

Il n’est donc pas étonnant qu’elles envisagent de produire elles-mêmes l’énergie dont elles ont besoin. Dans une proportion de 82 %, les entreprises qui ont répondu au sondage sont favorables à l’autoproduction.

Elles sont toutefois beaucoup moins nombreuses à vouloir passer à l’acte. Seulement le tiers d’entre elles envisagent l’autoproduction, proportion qui grimpe à 50 % parmi les entreprises de 500 employés et plus.

« Il y a une question de coûts et de connaissances, estime Véronique Proulx. C’est une chose de vouloir produire de l’énergie, mais comment on fait ça, et à quel coût ? »

Ce ne sont pas toutes les entreprises non plus qui veulent devenir des producteurs d’énergie renouvelable, en plus de leur principale activité, dit-elle. « Il va y avoir beaucoup d’éducation à faire auprès des entreprises pour expliquer cette nouvelle réalité. »

Pour les entreprises, la possibilité d’acheter ou de vendre de l’énergie à une autre entreprise est considérée comme un outil qui pourrait répondre au défi énergétique. Une bonne proportion des entreprises sondées (41 %) croient qu’elles pourraient acheter de l’énergie à une autre entreprise et 26 % pensent qu’elles pourraient en vendre.

Selon Véronique Proulx, l’autoproduction et les achats directs d’énergie auprès de producteurs privés doivent être envisagés, même si « le scénario idéal, pour la plupart des entreprises, est de continuer d’acheter l’électricité d’Hydro-Québec », dit-elle.

Le coût plus élevé de la nouvelle production d’énergie comparativement aux tarifs industriels actuels d’Hydro-Québec est aussi un grand sujet d’inquiétude pour les entreprises, révèle le sondage. La future production d’énergie renouvelable, qu’elle soit privée ou réalisée par Hydro-Québec, coûtera plus du double des tarifs industriels actuels.

En attendant le projet de loi de M. Fitzgibbon qui doit moderniser le cadre énergétique du Québec, le flou actuel sur le contexte énergétique nuit grandement aux entreprises, estime la PDG de MEQ. Avec le ralentissement économique et les taux d’intérêt élevés, cette incertitude contribue certainement à la baisse actuelle des investissements privés, selon elle.

Manufacturiers et Exportateurs du Québec représente plus d’un millier de manufacturiers à travers le Québec. Le secteur dans son ensemble emploie un demi-million de personnes.