D’un côté, il y a des sites d’enfouissement remplis de vêtements et de l’autre, des consommateurs qui utilisent en moyenne 20 % de leur garde-robe. Il existe peut-être une solution : favoriser l’économie circulaire en s’habillant dans les friperies. Même pour le boulot, c’est possible !

« Il y a tout ce qu’il faut dans les friperies : jupes, vestons, tailleurs, chaussures, sacs à main, robes, indique Myriam Laroche, consultante senior en développement durable du textile et du vêtement. Le but serait qu’on utilise l’ensemble des vêtements qu’on a dans notre garde-robe, qu’on fasse passer le ratio de 20 % à 50 % et encore mieux, à 80 % ! »

Mme Laroche a commencé sa carrière dans l’industrie de la mode il y a 30  ans et elle a consacré plus de la moitié de son parcours à l’aspect du développement durable. Elle rappelle que « les quantités de textiles éliminés ont augmenté de plus de 80 % au cours des 10 dernières années » et que pourtant, « 95 % des textiles jetés sont revendables, réutilisables ou recyclables ».

« C’est important de parler de surconsommation, mais aussi de surproduction, dont celle qui vient de la fast fashion⁠1, dit-elle. On ne le dit pas assez : l’industrie de la mode est responsable de 8 à 10 % des émissions mondiales de carbone, soit plus que les secteurs de l’aviation et du transport maritime réunis. »

Pièces vintage et troc

L’une des façons de lutter contre la fast fashion et ses effets désastreux pour la planète, c’est de réutiliser ce qui existe déjà. Stéphanie Robillard-Sarganis, une éducatrice spécialisée de 37 ans, a bien compris cet enjeu : depuis 15 ans, elle achète presque exclusivement ses vêtements en friperies.

« Oui, ça prend de la patience, mais pour moi, c’est méditatif, confie la mère de deux enfants de 8 et 10 ans. Je mets mes écouteurs, je pars seule et je fouille. »

J’y vais régulièrement et ça me permet de trouver de belles pièces pour moi ou des trucs pour mes enfants, à bas prix.

Stéphanie Robillard-Sarganis

Cette résidante de Saint-Eustache organise chaque année un grand troc annuel de vêtements : l’an passé, plus de 1000 morceaux ont été échangés entre les 60 participantes.

« C’est une bonne façon de renouveler sa garde-robe, souligne-t-elle. Le but n’est pas de regarnir, mais bien de prendre ce dont on a vraiment besoin. »

La maxime de Myriam Laroche est claire : pour chaque article ajouté à la garde-robe, un doit sortir ! « Habituez-vous à faire de la place pour chaque nouvel item que vous achetez », conseille la cofondatrice de Collective Détour, une agence de consultation spécialisée en développement durable.

Profession : écostyliste

Une autre solution existe pour les fashionistas qui éprouvent des remords écologiques : faire affaire avec une écostyliste. Paulandre Toussaint s’est spécialisée dans le stylisme et le magasinage personnalisé fait en friperie.

Elle offre ses services depuis un an et la demande explose. Son modèle d’affaires, basé sur l’économie circulaire, attire l’attention : Mme Toussaint a remporté la semaine dernière le prix coup de cœur au gala du Défi Osentreprendre, dans la catégorie développement durable.

Depuis quelques mois, l’entrepreneure remarque une hausse de sa clientèle corporative.

« Avec l’inflation, le coût de la vie est cher, dit la Lavalloise de 31 ans. Mais les femmes veulent quand même bien s’habiller pour le travail, pour leurs évènements, leurs 5 à 7 et toutes leurs occasions d’affaires. C’est là que mon service prend tout son sens : elles n’ont pas à vivre le stress de magasiner, elles ont conscience que c’est plus respectueux de l’environnement, elles dépensent moins et de façon plus intelligente. »

Par exemple, pour un budget de 150 $, l’écostyliste trouvera une quinzaine de morceaux personnalisés, selon les besoins de sa cliente. Cela n’inclut pas ses honoraires.

De la qualité

Ultimement, son objectif est que ses clientes possèdent une garde-robe mieux pensée et plus pratique.

« Il ne faut pas acheter parce que ce n’est pas cher, glisse-t-elle, cela irait à l’encontre de la mission. Je choisis des morceaux qui sont de qualité, qui vont avec le style de la cliente et qui font partie des pièces dont elle a besoin pour créer ou compléter un look. »

Selon Myriam Laroche, un préjugé tenace retient parfois les gens de magasiner et d’acheter en friperie : la malpropreté des vêtements.

« Il faut se rappeler que la majorité des gens lavent leurs vêtements avant de les donner, dit-elle. Si vous êtes dédaigneux, commencez par un accessoire comme un sac à main ou une ceinture. Mon constat ? Les économies réalisées et les compliments reçus effacent les préjugés ! »

1. Le terme fast fashion (ou mode éphémère) a été inventé par le New York Times dans les années 1990. Il décrit la rapidité avec laquelle les détaillants font passer les vêtements de l’étape de la conception à celle de la vente en magasin.