TES Canada dit avoir déjà conclu plus d’ententes qu’il n’en faut pour implanter ses 140 éoliennes un peu partout en Mauricie. Le promoteur du complexe d’hydrogène vert et de gaz synthétique est conscient des questions qui entourent son mégaprojet de 4 milliards, mais promet que des réponses s’en viennent.

L’examen du Bureau d’audiences publiques sur l’environnement (BAPE) – un processus qui oblige l’entreprise à présenter une étude d’impact ainsi que la tenue d’audiences publiques où le public peut intervenir – est incontournable dans ce dossier.

« Cette étude devrait être déposée vers la fin de l’année et on s’affaire à la documenter, explique le président et chef de la direction de TES Canada, Éric Gauthier, dans une entrevue avec La Presse. C’est évident qu’il y aura plein d’informations qui vont être divulguées. »

Dévoilées en novembre dernier, les ambitions de l’entreprise tablent sur la construction d’un parc éolien de 800 mégawatts (MW) combiné à un parc solaire de 200 MW. Cela s’ajoute au bloc de 150 MW – soit l’équivalent d’environ 30 fois la puissance du Centre Bell – obtenu par TES Canada auprès d’Hydro-Québec.

L’hydrogène vert, qu’est-ce que c’est ?

À l’heure actuelle, 95 % de l’hydrogène dans le monde est produit à partir d’énergie fossile. L’hydrogène peut être produit par l’électrolyse de l’eau. Ce procédé consiste à faire passer un courant électrique dans l’eau.

L’objectif : produire, à Shawinigan, 70 000 tonnes d’hydrogène vert, dont les deux tiers seraient injectés sous forme de gaz synthétique dans le réseau d’Énergir pour alimenter l’industrie. Le reste (30 000 tonnes) serait destiné à faire rouler 2000 camions lourds sur les routes du Québec. TES Canada a ciblé 12 municipalités qui accueilleraient ses éoliennes. Reste à voir où elles seront construites. Il est trop tôt pour le dire, affirme M. Gauthier. À l’entendre, les propriétaires de terrains semblent intéressés.

« On ne dit pas combien [d’ententes ont été signées], mais on en a plus que ce que l’on a besoin pour les éoliennes, dit M. Gauthier. L’emplacement de chaque éolienne n’a pas encore été déterminé. Ça va très bien. Une éolienne occupe généralement un quart d’acre. On est sûrs de pouvoir en installer la moitié à l’extérieur des terres cultivées. »

Vision différente

Le projet de TES Canada soulève toujours beaucoup de questions. Plus tôt ce mois-ci, une étude publiée par deux chercheurs considérait que le dossier était une aberration sur le plan énergétique et un non-sens économique⁠1.

Rédigé par les chercheurs Johanne Whitmore, de la Chaire de gestion du secteur de l’Énergie à HEC Montréal et Paul Martin, ingénieur chimiste et cofondateur de Hydrogen Science Coalition, le document brosse un portrait du dossier à partir des informations rendues disponibles par ses promoteurs. C’est sur cet aspect qu’insiste M. Gauthier, qui, sans surprise, n’est pas d’accord avec les conclusions de l’étude.

« [Les auteurs n’ont] pas toutes les informations que l’on a, rétorque le patron de TES Canada. Ils sont dans une situation où ils tirent des conclusions basées sur l’information qu’ils ont et qui est incomplète. Dans certains procédés, l’efficacité [calculée dans l’étude] est complètement différente de ce qu’on utilise. »

Difficile, cependant, de savoir ce qui distingue la méthode utilisée par le promoteur par rapport à ce qui a été calculé par la chaire. Évoquant des raisons concurrentielles, M. Gauthier ne s’est pas avancé, dans le détail, sur les différences entre les façons de faire de TES Canada et le contenu du document diffusé par la Chaire.

PHOTO MARTIN CHAMBERLAND, LA PRESSE

Éric Gauthier est président et chef de la direction de TES Canada.

« Nous n’étions pas les seuls dans la filière de l’hydrogène à demander un bloc d’électricité, explique M. Gauthier. On a un paquet de concurrents qui nous regardent et qui ajustent leur modèle d’affaires. Ce n’est pas une question de manque de transparence, mais de compétitivité. »

Ce dernier affirme néanmoins que TES Canada souhaite rencontrer les auteurs de l’étude. Une invitation a été transmise pour faire le point, affirme l’entreprise.

Selon l’étude, le mégaprojet d’hydrogène vert se traduirait par d’importantes pertes énergétiques lors du processus de conversion. Le gigajoule produit en Mauricie coûterait plus de dix fois plus cher que le gaz naturel traditionnel et presque quatre fois plus cher que le gaz naturel renouvelable.

Les chercheurs s’interrogent également à l’endroit de l’aspect financier. TES Canada n’est pas financée directement par les gouvernements Trudeau et Legault, mais l’entreprise bénéficiera probablement d’incitatifs comme des crédits d’impôt et des avantages fiscaux pour les industries et investissements en technologies propres, écrivent-ils.

TES Canada n’a pas encore calculé à combien elle aurait droit en vertu des programmes en vigueur. « On y a droit, on ne va pas dire que l’on s’en passe », affirme M. Gauthier.

1. Lisez l’article « Le projet de TES Canada durement critiqué »

Rectificatif
Une version précédente de ce texte indiquait erronément que l’étude avait été publiée par la Chaire de gestion du secteur de l’Énergie à HEC Montréal. Sa diffusion émane plutôt de la Hydrogen Science Coalition.

En savoir plus
  • 2026
    Année où TES Canada croit pouvoir commencer la phase de construction
    source : tes canada
    2028
    Mise en service prévue du projet
    source : tes canada