Des citoyens de Saint-Alexis-des-Monts, en Mauricie, mettent en demeure leur municipalité de bloquer un projet de porcherie qui, disent-ils, aurait perdu son droit acquis.

Ce qu’il faut savoir

  • Des citoyens de Saint-Alexis-des-Monts, en Mauricie, ont envoyé une mise en demeure à leur municipalité pour qu’elle bloque un projet de porcherie.
  • Selon ces citoyens, le site n’a pas hébergé de porcs depuis plus d’un an et, en vertu de la réglementation municipale, a perdu son droit acquis.
  • La municipalité de quelque 3000 habitants avait déjà fait savoir qu’elle ne contesterait pas le droit acquis de cette porcherie.

« Nous mettons donc formellement en demeure la Municipalité d’agir et de nous confirmer, dans les dix jours de la réception des présentes, qu’elle annule le permis émis, s’engage à faire respecter sa règlementation et prenne les moyens qui s’imposent pour empêcher la renaissance illégale d’un usage dérogatoire », indique la mise en demeure envoyée par un cabinet d’avocats de Québec, lundi.

INFORGRAPHIE LA PRESSE

« Ça fait des mois que j’essaie de faire avancer le dossier par la voie politique, on a épuisé toutes nos options », a expliqué Carolyn Côté-Lussier, propriétaire d’une maison dans le rang Armstrong, où se trouve le site de la porcherie, en entrevue avec La Presse, lundi.

PHOTO MARTIN TREMBLAY, LA PRESSE

Carolyn Côté-Lussier, propriétaire d’une maison dans le rang Armstrong

« Je viens de parler avec notre avocat de la municipalité : le fait qu’il y a une mise en demeure, je ne peux faire aucun commentaire », a réagi le maire de Saint-Alexis, Michel Bourassa.

Le terrain visé par le projet de maternité porcine n’est pas zoné agricole. L’emplacement a toutefois bénéficié de droits acquis parce qu’une porcherie y était exploitée depuis des décennies.

La réglementation de Saint-Alexis prévoit cependant que de tels droits acquis deviennent « périmés » lorsque l’usage a cessé durant 12 mois.

Les activités de la ferme située au 460, rang Armstrong ont pris fin en mai 2022, ont affirmé une douzaine de résidants dans des déclarations sous serment devant la greffière-trésorière de la municipalité.

« Les cochons ont sorti en mai 2022 », a confirmé Jimmy Armstrong au téléphone lundi. M. Armstrong, qui habite à quelques centaines de mètres de la porcherie, dit y avoir été employé jusque dans la semaine précédant le départ des animaux. La ferme appartenait alors au Groupe agricole Brodeur. Celui-ci l’a vendue à l’entreprise Mario Côté inc., l’un des plus grands groupes agricoles du Québec, en septembre 2023.

Lisez l’article « Groupe Mario Côté : métier : développeur agricole »

« Ça ne sentait plus le cochon »

Même si M. Armstrong et sa famille ont longtemps travaillé dans la production porcine, il s’oppose au retour de cet élevage.

« C’est une question de respect des règlements ! »

Depuis que la porcherie est fermée, « on s’est aperçus que ça ne sentait plus le cochon, on n’entendait plus les ventilateurs ».

Le permis de travaux accordé par la municipalité ainsi que les activités de démolition et de construction observées sur le site à partir de l’automne 2023 ont donc inquiété plusieurs citoyens. Tout comme le paragraphe de l’acte de vente mentionnant que « le vendeur s’engage à signer tous les documents nécessaires pour […] obtenir les autorisations reliées à l’augmentation du cheptel ».

Contacté en milieu d’après-midi lundi, le groupe Mario Côté n’avait pas encore donné suite au moment où ces lignes étaient écrites.

Plusieurs citoyens ont interpellé le conseil municipal au cours des derniers mois. Une pétition contre la réouverture de la porcherie, qui a recueilli plus de 900 signatures en ligne, y a également été déposée.

Saint-Alexis « ne contestera pas les droits acquis à l’usage de la porcherie », a fait savoir la municipalité dans un communiqué publié en février dernier, « après analyse avec notre aviseur légal ».

Outre la « perte de la valeur immobilière » de sa résidence secondaire, Mme Côté-Lussier redoute « une atteinte à la qualité de vie » à cause des odeurs et du camionnage, des « risques pour la santé » puisque les résidants ont des puits de surface, et des « risques environnementaux » pour la rivière aux Écorces tout près.

« Qui va surveiller ça ? Et comment ? Est-ce qu’on va aller faire des tests dans tous les puits de surface de toutes les maisons à proximité ? J’ai un doute. »

Inspections environnementales

« Des vérifications sont en cours d’analyse notamment sur les faits recueillis lors de l’inspection réalisée le 1er mars dernier », a indiqué une porte-parole du ministère de l’Environnement, de la Lutte contre les changements climatiques, de la Faune et des Parcs (MELCCFP), Sophie Gauthier, par courriel lundi.

Le certificat d’autorisation associé à ce lieu d’élevage est en vigueur depuis 1996. Il peut être annulé après deux ans de « cessation définitive des activités », mais le compteur démarre seulement quand le Ministère constate la cessation. « Cet élément fait partie entre autres des vérifications en cours », a indiqué Mme Gauthier.

Selon un rapport d’inspection du Ministère obtenu en vertu de l’accès à l’information, « depuis 2 ans, il n’y a plus d’animaux dans les bâtiments ». Lors de l’inspection, en décembre dernier, deux porcheries avaient été démolies et « lorsque les bâtiments seront reconstruits, M. Côté prévoit repartir la production [mai 2024] », a signalé l’inspectrice.

Le Québec compte seulement 149 bâtiments d’élevage situés en zone non agricole, indiquent les estimations fournies par le ministère de l’Agriculture, des Pêcheries et de l’Alimentation du Québec (MAPAQ), qui datent de 2021.

Les citoyens à l’origine de la mise en demeure prévoient lancer une campagne de sociofinancement pour soutenir leurs démarches juridiques.

« On a bon espoir que ça va arrêter », a commenté Roger Girard, qui habite une maison située de biais avec la porcherie depuis 20 ans, au téléphone lundi. Mais si l’élevage reprend, « je vais mettre ma maison en vente, je ne l’endurerai plus ! ».