Comment ils sont passés de la parole aux actes

Qu’est-ce que les produits hygiéniques réutilisables, l’entretien du terrain, les semences et les vélos ont en commun ? Ces achats peuvent tous valoir une subvention aux résidants de la municipalité de Drummondville. Les élus de cette agglomération du Centre-du-Québec innovent en lançant le nouveau programme Gestes verts, qui remet directement de l’argent dans les poches des contribuables.

« Chez nous, on a un gros tour de roue à donner pour sensibiliser la population. Notre territoire est très grand, on peut dire que nous sommes le royaume du pick-up. Avec ce programme, on vient dire à nos citoyens qu’ils ont du pouvoir sur ces trois axes, qu’ils ont des choix écoresponsables », a expliqué la mairesse de Drummondville, Stéphanie Lacoste, lors d’un entretien avec La Presse.

La première enveloppe de Gestes verts est dotée d’une somme de 15 000 $.

Pour s’en prévaloir, les Drummondvilloises et Drummondvillois doivent s’inscrire en ligne et fournir une preuve de résidence, puis une facture. Ils peuvent réclamer 50 % des dépenses admissibles, jusqu’à 150 $ par catégorie. Mais si les produits sont achetés auprès d’une entreprise locale, le montant grimpe à 200 $. La gestion du fonds a été confiée au Conseil régional de l’environnement du Centre-du-Québec (CRECQ). Selon la règle du premier arrivé, premier servi.

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Les subventions dites vertes ont pour objectif, entre autres, de convaincre les gens de troquer les vieilles tondeuses à essence pour des engins manuels à rouleaux, ou encore électriques.

Les subventions dites vertes ont pour objectif de convaincre les gens de se déplacer à vélo, traditionnel ou électrique, quand c’est possible. Et de troquer les vieilles tondeuses à essence pour des engins manuels à rouleaux, ou encore électriques. En matière de produits hygiéniques réutilisables, l’administration municipale ne se limite pas aux couches lavables pour les bébés. Elle vise également les produits d’hygiène féminine réutilisables pour le cycle menstruel et les culottes réutilisables de protection contre l’incontinence.

La mairesse Lacoste est consciente qu’il y a des réticences à cet égard, mais elle estime que ça vaut le coup de sensibiliser les gens. De sensibiliser les femmes et les personnes âgées, les plus touchées par l’incontinence.

« Personnellement, j’ai des fils, donc je me sens moins concernée. Mais j’ai des amies qui ont des filles qui utilisent des culottes lavables pour les cycles menstruels. C’est un pas dans la bonne direction de l’essayer avec la subvention. Il faut dépasser les préjugés. »

À peine une semaine après le lancement officiel du programme, le 23 avril dernier, 230 demandes de subvention avaient été enregistrées auprès du CRECQ. Marie-Claude Lavigne, directrice des communications du Conseil, affirme que la moitié des demandes reçues sont pour l’achat d’un vélo. Une portion importante va aux achats pour l’entretien du terrain, dont des tondeuses, les semences ; le reste va aux couches réutilisables pour bébés.

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Stéphanie Lacoste, mairesse de Drummondville

Ce programme vert est différent des autres puisqu’on demande aux citoyens d’agir. C’est un incitatif qui va créer un engagement citoyen.

Stéphanie Lacoste, mairesse de Drummondville

À Drummondville, ce n’est pas la première innovation verte de l’agglomération, la quatorzième du Québec en matière de population, avec près de 83 000 résidants. L’an dernier, la municipalité a testé l’arrêt de la tonte de la pelouse, en semant notamment du trèfle, des espèces indigènes, dans neuf zones témoins. Une expérience qui se popularise cette année auprès des citoyens, et qui vise à réduire les monocultures gazonnées pour favoriser les pollinisateurs.

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À Drummondville, la Ville a testé l’an dernier l’arrêt de la tonte dans neuf « zones d’intégration », où elle a semé différentes espèces indigènes, dont du trèfle.

Chris Barrington-Leigh est professeur agrégé à l’Institut des politiques sociales et de la santé de l’Université McGill et à l’École de l’environnement. Il a déjà été appelé à porter un regard critique sur le Plan vert de 6,7 milliards sur cinq ans de Québec, et sur certaines mesures, dont l’arrêt de la vente de nouveaux véhicules à essence. Selon lui, il faut se poser des questions au sujet des « subventions tape-à-l’œil ».

Dans le cas du programme de la municipalité du Centre-du-Québec, il estime que les personnes qui ont déjà modifié leurs comportements pour préserver l’environnement vont y adhérer. Les autres vont peut-être l’ignorer. C’est le principe du bâton (contraintes) et de la carotte (incitatifs), rappelle-t-il.

« On peut se demander qui a le temps de conserver, d’amasser et de soumettre ses reçus. Est-ce que ce sont les privilégiés de la société ? Je crois que ce sont ceux dont le comportement est déjà aligné sur l’environnement qui vont en bénéficier. Il faudrait également un incitatif dans les prix, en vendant à un prix plus élevé les options moins écoresponsables dans les rayons des magasins. »

À la table des élus de Drummondville, on entend tracer un bilan du programme quand l’enveloppe sera vide. Il n’est pas exclu que d’autres fonds soient dégagés pour favoriser ce type d’achats. La mairesse fait remarquer que l’entreprise de brosses à dents 100 % biodégradables OLA Bamboo est un incubateur du quartier industriel de sa ville.

« Il est tout à fait possible d’acheter local », souligne-t-elle.

En plus du programme Gestes verts, la Ville s’est dotée d’un Plan d’adaptation aux changements climatiques 2023-2033, d’un Plan de conservation des milieux naturels 2021-2031 et d’un Plan de mobilité durable 2020-2040.

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