C’est le fruit emblématique de notre terroir, mais dans les étals, seulement une pomme sur deux provient d’ici. Pour accroître notre autonomie alimentaire, les pomiculteurs demandent à Québec une aide de 30 millions sur six ans pour faire éclore un nouveau type de pommeraie : le verger haute densité.

Ce qu’il faut savoir

Les parts de marché de la pomme québécoise stagnent à environ 50 % depuis quelques années.

Pour que l’industrie de la pomme du Québec reste compétitive, une modernisation des vergers s’impose. Les Producteurs de pommes du Québec demandent une aide de 30 millions pour implanter des vergers à haute densité.

Cette enveloppe permettrait la plantation de 300 000 nouveaux arbres en suivant cette technique qui minimise le déclassement des fruits.

« C’est le manque de vision qui est très frustrant », déplore Jérôme-Antoine Brunelle, directeur des Producteurs de pommes du Québec, au sujet de cette aide publique qui se fait attendre.

Oubliez les grands pommiers touffus avec les branches qui s’élèvent dans tous les sens. Le verger du futur est un verger cordé serré voué à devenir une haie ou un mur fruitier.

PHOTO MARTIN CHAMBERLAND, LA PRESSE

Peu à peu, le verger se transforme. Certains arbres semi-nains sont appelés à être remplacés par des plantations à haute densité.

Mais pour y parvenir, il est nécessaire d’arracher les pommiers existants, de laisser le sol se reposer un an ou deux, de replanter de nouvelles variétés puis d’attendre près de sept ans avant que l’arbre produise suffisamment de fruits.

L’enveloppe de 30 millions permettrait d’éponger environ la moitié des coûts associés à la plantation de 300 000 arbres.

« Une aide gouvernementale nous aiderait à aller plus vite. Là, on y va au rythme de ce que les entreprises sont capables d’investir, mais [on en a besoin] si on veut rattraper le retard qu’on a par rapport à l’Ontario, au Nouveau-Brunswick et à la Nouvelle-Écosse, où ils ont tous des programmes et qui vont arriver demain matin avec leurs pommes sur le marché. »

Il y a comme un coup à donner là, c’est ça, le sentiment d’urgence : dans deux ans, ça va être trop tard.

Jérôme-Antoine Brunelle, directeur des Producteurs de pommes du Québec

La densité moyenne d’un verger standard est de 160 arbres par hectare, tandis que celle d’un verger à haute densité est de 1611 arbres par hectare. Convertir un verger coûte environ 70 000 $ par hectare, estime M. Brunelle. « C’est très dispendieux. »

PHOTO FOURNIE PAR LES PRODUCTEURS DE POMMES DU QUÉBEC

Cueillette de pommes à l’aide d’une plateforme élévatrice

Cette technique a de nombreux avantages. Les fruits sont plus rouges, car moins de canopée veut dire plus de soleil. Les coûts en main-d’œuvre sont diminués, car il est possible de cueillir les fruits à partir du sol ou d’une plateforme élévatrice.

« Juste en termes de production de belles pommes, tu multiplies par trois », souligne-t-il.

Valoriser l’achat local

Isabelle Lafont est une productrice-emballeuse de la relève établie à Saint-Paul-d’Abbotsford. Petit à petit, le verger familial se transforme. Des arbres semi-nains ont été arrachés pour laisser place à des parcelles cultivées sous haute densité.

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Isabelle Lafont, dans une portion de son verger constituée d’arbres semi-nains

« C’est très coûteux, donc on ne peut pas tout réformer en même temps. On y va par parcelle », explique-t-elle.

La totalité des pommes produites dans les Vergers St-Paul est destinée aux chaînes d’alimentation. Leur entrepôt et leur poste d’emballage à la fine pointe distribuent des pommes de plusieurs producteurs de la région à l’année.

  • Des pommes québécoises qui restent croquantes jusqu’au mois de mai ? C’est tout à fait possible grâce à des entrepôts à atmosphère contrôlée comme celui des Vergers St-Paul. Les fruits sont conservés dans des chambres froides où l’on remplace l’oxygène par l’azote, ce qui stoppe leur mûrissement.

    PHOTO MARTIN CHAMBERLAND, LA PRESSE

    Des pommes québécoises qui restent croquantes jusqu’au mois de mai ? C’est tout à fait possible grâce à des entrepôts à atmosphère contrôlée comme celui des Vergers St-Paul. Les fruits sont conservés dans des chambres froides où l’on remplace l’oxygène par l’azote, ce qui stoppe leur mûrissement.

  • Lorsqu’elles sont prêtes à être acheminées en supermarché, les pommes sont sorties des chambres à atmosphère contrôlée. « Quand on ouvre une chambre, on est virtuellement en septembre, en octobre. La pomme est aussi croquante à ce moment-là », explique Isabelle Lafont.

    PHOTO MARTIN CHAMBERLAND, LA PRESSE

    Lorsqu’elles sont prêtes à être acheminées en supermarché, les pommes sont sorties des chambres à atmosphère contrôlée. « Quand on ouvre une chambre, on est virtuellement en septembre, en octobre. La pomme est aussi croquante à ce moment-là », explique Isabelle Lafont.

  • Les pommes voyagent dans l’eau jusqu’au poste d’emballage, pour éviter les meurtrissures. « Les pommes de l’étranger ne sont pas conditionnées différemment de nos pommes et la saison de récolte est la même qu’ici », explique Mme Lafont, qui aimerait que les Québécois choisissent la pomme du Québec à l’année.

    PHOTO MARTIN CHAMBERLAND, LA PRESSE

    Les pommes voyagent dans l’eau jusqu’au poste d’emballage, pour éviter les meurtrissures. « Les pommes de l’étranger ne sont pas conditionnées différemment de nos pommes et la saison de récolte est la même qu’ici », explique Mme Lafont, qui aimerait que les Québécois choisissent la pomme du Québec à l’année.

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Selon les Producteurs de pommes du Québec, une enquête réalisée par la firme Nielsen montre que les parts de marché de la pomme québécoise stagnent à environ 50 % depuis quelques années.

La pandémie a permis un éveil auprès du consommateur sur l’achat local […], mais j’ai aussi le sentiment que cet éveil-là est déjà derrière nous.

Isabelle Lafont, productrice-emballeuse de Saint-Paul-d’Abbotsford

« L’achat local, ça signifie que l’on achète des fruits et légumes qui sont cultivés dans le respect de nos valeurs en matière de salubrité des aliments et de conditions du travail. Et ça fait vivre des familles d’ici. »

Changement « radical »

Producteur à l’île d’Orléans, François Turcotte a aussi commencé à implanter des vergers à haute densité pour maximiser ses superficies.

« L’agriculture est en train de changer assez radicalement. Depuis la pandémie, les coûts de production ont augmenté énormément et on a de la difficulté à retourner notre coût de production […] au consommateur. Et on s’entend qu’il en a assez, lui aussi. Donc, il faut développer notre hectare de verger au maximum pour diminuer les coûts et pour avoir une rentabilité, parce qu’on fournit seulement 50 % des pommes qu’on consomme. C’est aberrant ! »

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Une enquête réalisée par la firme Nielsen montre que les parts de marché de la pomme québécoise stagnent à environ 50 % depuis quelques années.

Au cours des deux dernières années, le ministère de l’Agriculture, des Pêcheries et de l’Alimentation (MAPAQ) aurait versé un peu plus de 1 million pour la modernisation des vergers dans le cadre d’un programme ponctuel.

C’est correct, mais ce n’est pas prévisible, donc on ne peut pas faire notre planification en tant que pomiculteurs. Et c’est pour cela qu’on réclame depuis plusieurs années des programmes adaptés à notre secteur à long terme.

François Turcotte, producteur de pommes de l’île d’Orléans

« Nous souhaitons épauler les producteurs et productrices de pommes dans leur volonté d’adaptation », a réagi le cabinet du ministre de l’Agriculture, des Pêcheries et de l’Alimentation dans une déclaration écrite. « Au dépôt de leur plan, nous pourrons travailler de concert avec eux pour établir les prochaines étapes et identifier les bons moyens. »

Le Québec a importé pour 23 millions de pommes en 2021-2022.

« Est-ce qu’on veut avoir encore de la pomme du Québec dans nos épiceries ou on est à l’aise de dépendre de l’étranger pour notre approvisionnement en pommes ? C’est une question qu’il faut se poser. C’est ça, l’autonomie alimentaire. C’est donner les moyens aux producteurs québécois de produire pour les consommateurs québécois », rappelle Jérôme-Antoine Brunelle.

En savoir plus
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    Nombre d’entreprises pomicoles au Québec en 2021-2022. Seulement une centaine d’entre elles offrent l’autocueillette.
    Source : Producteurs de pommes du Québec
    88 millions
    Nombre de livres de pommes fraîches produites au Québec en 2021-2022. À cela s’ajoutent 84 millions de livres de pommes transformées.
    SOURCE : Producteurs de pommes du Québec