Dans un contexte où le Canada, et plus particulièrement le Québec, fait face à des défis économiques significatifs, notamment en matière de productivité et d’intégration de la main-d’œuvre étrangère, les propos de Carolyn Rogers, sous-gouverneure principale de la Banque du Canada, apportent un éclairage pertinent.

Le 26 mars, elle soulignait que la faible croissance de la productivité, malgré une inflation élevée et une croissance du PIB parmi les plus fortes du G7, pose un sérieux défi pour le pays. Cette situation souligne l’importance cruciale d’améliorer la productivité des entreprises pour soutenir une croissance durable et améliorer le niveau de vie des Canadiens.

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Me Patrice Brunet

L’intégration des travailleurs étrangers dans l’économie québécoise trouve sa place dans un éventail de solutions potentielles pour améliorer la productivité des entreprises, particulièrement au Québec, où la démographie et le marché du travail présentent des défis uniques. En 2022, le Québec a accueilli près de 350 000 résidents non permanents, un nombre record, dont environ la moitié sont des travailleurs temporaires. Cette main-d’œuvre étrangère est de plus en plus présente dans divers secteurs, allant de l’agriculture à des domaines plus spécialisés tels que le secteur manufacturier, l’hôtellerie, l’intelligence artificielle et le commerce de détail, soulignant ainsi son rôle crucial dans l’économie québécoise.

Pourtant, le potentiel de ces travailleurs étrangers n’est pas pleinement exploité dans certains secteurs clés comme la santé, les services sociaux et la construction, où ils sont sous-représentés malgré des besoins croissants. La nécessité de simplifier et d’amplifier les politiques publiques et stratégies d’intégration de manière plus efficace est donc évidente pour aligner l’offre de talents étrangers sur la demande du marché du travail québécois.

Le nombre de détenteurs de permis de travail a considérablement augmenté, passant de 43 770 en 2015 à 167 435 en 2023, témoignant de l’importance croissante de cette population sur le marché du travail. Cette augmentation a été soutenue par diverses politiques publiques visant à faciliter l’arrivée et l’intégration de ces travailleurs étrangers.

Face à ces réalités, l’exigence pour les travailleurs étrangers de parler français, telle que mise en place par le gouvernement du Québec, pourrait représenter un frein à l’attraction et l’intégration de ces talents essentiels à la productivité des entreprises. Bien que louable sur papier, cette nouvelle approche constitue un recul pour les entreprises, ainsi que pour les candidats étrangers de talent qui ont historiquement permis aux entreprises québécoises de se développer avec fluidité et efficacité.

Si la volonté de préserver l’identité culturelle et linguistique du Québec est légitime, il est crucial de trouver un équilibre qui permette d’attirer et d’intégrer efficacement les travailleurs étrangers, tout en favorisant leur apprentissage progressif du français.

Pour relever le défi de la faible croissance de la productivité, il est impératif d’adopter une approche pragmatique et inclusive en ce qui concerne la politique d’immigration et l’intégration des travailleurs étrangers. Cela implique de repenser les exigences linguistiques de manière à encourager plutôt qu’à limiter l’arrivée de talents internationaux. Les décisions politiques devraient s’aligner pour favoriser une intégration réussie des travailleurs étrangers dans tous les secteurs clés de l’économie, y compris ceux où leur présence reste insuffisante.

L’intégration réussie des travailleurs étrangers dans le marché du travail québécois nécessite une stratégie cohérente et une collaboration étroite entre les gouvernements, les entreprises et les communautés. Les récentes prises de bec publiques entre les ministres de l’Immigration du Canada et du Québec ne favorisent pas la stabilité procédurale que ces programmes exigent. Une démarche favorisant une plus grande ouverture permettrait de maximiser les bénéfices économiques et sociaux de l’immigration, contribuant ainsi à une croissance durable et inclusive de l’économie québécoise.

Il est essentiel de considérer la main-d’œuvre étrangère non seulement comme une solution temporaire aux pénuries de compétences, mais aussi comme une composante stratégique du développement à long terme du Québec. Les travailleurs étrangers apportent des compétences, un réseau, des perspectives et des expériences qui, si elles sont correctement intégrées, peuvent continuer à enrichir le tissu économique et social du Québec. Pour y parvenir, une collaboration étroite entre tous les acteurs impliqués – gouvernements, entreprises, institutions éducatives et communautés locales – est cruciale.

À long terme, ces mesures pourraient non seulement contribuer à résoudre le problème de la faible productivité au Québec, mais aussi continuer à positionner la province comme un lieu de vie attrayant et dynamique pour les talents du monde entier. Cela nécessite un engagement continu et une réflexion stratégique sur la manière dont le Québec envisage son avenir économique et culturel dans un contexte de mondialisation et de changements démographiques rapides. Actuellement, ce n’est un secret pour personne dans notre milieu que plusieurs entreprises sont déjà silencieusement en train de planifier le développement de leurs affaires ailleurs qu’au Québec, pour continuer à être attirantes envers les travailleurs étrangers de renom.

En somme, la clé du succès réside dans une approche holistique et inclusive qui valorise la diversité des talents et en tire parti. En naviguant avec soin entre les besoins économiques immédiats et les objectifs à long terme de développement durable et d’intégration sociale, le Québec peut renforcer sa position sur l’échiquier mondial comme un modèle de prospérité, d’innovation et de cohésion sociale, tout en améliorant sa productivité.