Il y a bientôt deux ans, l’entreprise française Bonduelle Amérique a été rachetée par la Caisse de dépôt et le Fonds de solidarité, qui ont rapatrié au Québec la propriété de ce transformateur de légumes qui a vu le jour dans la vallée du Richelieu sous le nom d’Aliments Carrière. Son nouveau PDG, Hugo Boisvert, veut poursuivre la croissance nord-américaine de ce « fleuron québécois » qui exploite 13 usines au Canada et aux États-Unis.

Rebaptisée Nortera depuis son rachat, l’entreprise de transformation de légumes surgelés et en conserve est le plus important acteur de l’industrie au Canada et se classe dans le top 5 aux États-Unis dans le secteur du surgelé.

Nortera a réalisé l’an dernier un chiffre d’affaires de 1,2 milliard. L’entreprise compte huit usines au Canada, cinq aux États-Unis et emploie au total plus de 3000 personnes dans les deux pays.

Les légumes surgelés constituent 70 % de ses revenus, contre 15 % pour les légumes en conserve, presque tous exclusivement distribués sous des marques privées, à l’exception d’Arctic Gardens et de Del Monte au Canada. La mise en conserve de légumineuses et les produits pour l’industrie de la transformation alimentaire représentent ses autres revenus.

« On est implanté dans toutes les régions agricoles importantes du Canada et des États-Unis, avec quatre usines dans la vallée du Richelieu, trois dans le sud de l’Ontario et une en Alberta. Aux États-Unis, on a quatre usines dans l’État de New York et une dans le Wisconsin.

« On dessert plus de 100 millions de consommateurs dans l’Est et dans le Midwest. Il faut maintenant avoir une présence dans l’Ouest, et cela va se faire par acquisition, probablement du côté de la Californie », anticipe Hugo Boisvert.

Le nouveau PDG de Nortera est un spécialiste des produits de grande consommation. Il a notamment travaillé chez L’Oréal et Pharmascience, et il était le président de la division des Mets préparés de Perdue Farms, un gros transformateur américain de poulets, lorsqu’il a été recruté par Nortera.

« Pour moi, c’est vraiment un beau défi de me joindre à cette entreprise qui est un fleuron québécois méconnu du public, mais qui est un joueur majeur dans l’industrie de la transformation alimentaire, et ses propriétaires veulent poursuivre sa croissance », souligne celui qui est entré en fonction le mois dernier.

La Caisse et le Fonds de solidarité ont chacun 32,5 % des actions de Nortera, alors que le groupe français Bonduelle a conservé un bloc de 35 %.

« On réalise 60 % de nos revenus avec les grands joueurs du détail comme Metro, Loblaws ou Walmart, 35 % avec les entreprises de service alimentaires comme Sysco, US Food ou Collabor, puis 5 % avec des partenaires industriels comme les soupes Campbell », précise Hugo Boisvert.

Des axes de croissance

La Caisse et le Fonds de solidarité souhaitent que Nortera poursuive la consolidation du marché nord-américain parce qu’il y a encore de la place pour la croissance.

« Nos produits répondent aux besoins des consommateurs qui veulent mieux s’alimenter, c’est déjà un facteur de croissance. On doit avoir une présence à l’ouest du Mississippi pour accompagner nos clients détaillants ou des services alimentaires, on va être à l’affût des opportunités.

« On commercialise des produits de la terre et d’un point de vue ESG [facteurs environnementaux, sociaux et de gouvernance], on veut bien l’exploiter avec nos 650 agriculteurs avec qui ont fait affaire et qui ont signé notre charte agronomique.

« On travaille à l’élimination des pesticides, à l’optimisation des ressources afin de réduire notre impact environnemental. On reste une entreprise locale très proche de nos fournisseurs et on est engagés avec eux », expose le PDG.

Toutes les usines du groupe sont localisées directement à proximité des champs, et le facteur temps est une variable centrale dans l’exécution de toutes ses activités.

Hugo Boisvert souligne par exemple qu’il y a une fenêtre de deux heures seulement entre le moment où les petits pois sont récoltés et celui où ils doivent être congelés ou mis en conserve, sinon ils dépérissent et ne sont plus comestibles.

L’empreinte de Nortera couvre 120 000 acres de terres sur lesquelles on récolte annuellement 750 millions de livres de légumes qui seront congelés et l’équivalent de 12 millions de caisses de 24 boîtes de conserve.

L’entreprise a recours à beaucoup d’employés saisonniers qui vont venir travailler pour des périodes de trois, six ou neuf mois, en concordance avec le temps des récoltes.

« On a 1200 employés permanents au Canada et 900 saisonniers. Aux États-Unis, on a 500 employés permanents et 500 qui sont saisonniers. Ça fait longtemps qu’on fait appel aux travailleurs étrangers temporaires, et ce qui me fascine, c’est que 90 % d’entre eux reviennent chaque année. On leur donne les meilleures conditions de travail possible », observe Hugo Boisvert.

Au Québec, les quatre usines de Nortera sont situées à Sainte-Martine, Saint-Denis, Bedford et Saint-Césaire, toutes dans la très fertile vallée du Richelieu.

Outre la pénurie de main-d’œuvre et la difficulté permanente de recruter des travailleurs locaux, qui représentent des défis quotidiens, Nortera doit aussi continuellement réinvestir dans ses équipements afin d’optimiser ses processus industriels.

« Chaque année, on investit plus de 50 millions pour optimiser nos activités. On intègre davantage de nouvelles technologies, on travaille à la robotisation et à l’implantation de l’intelligence artificielle pour améliorer la productivité. Il faut toujours maintenir nos équipements à jour », souligne Hugo Boisvert.

Les ambitions de croissance de Nortera sont réalisables, estime le PDG, parce qu’il peut compter sur une équipe de direction solide qui a développé, dit-il, une très forte culture du service à la clientèle, une qualité importante pour négocier avec les géants du détail en alimentation.