Le spectre d’une grève se profile chez Airbus Canada à Mirabel. Ses 1300 syndiqués se disent prêts à débrayer si l’avionneur ne se montre pas plus généreux dans ses propositions visant à renouveler la convention collective. Malgré un rejet quasi unanime de l’offre patronale, dimanche, les négociations doivent reprendre ce lundi.

« On demande à l’employeur de faire preuve d’ouverture d’esprit et de négocier un contrat de travail d’une juste valeur », affirme le porte-parole syndical et représentant québécois de l’Association internationale des machinistes et des travailleurs de l’aérospatiale (AIMTA), Éric Rancourt, dans un entretien téléphonique.

Au terme d’une assemblée d’environ trois heures, qui s’est déroulée dans un hôtel de Laval, les syndiqués ont massivement rejeté (99,6 %) l’offre d’Airbus. Ils se sont également prononcés, à hauteur de 98,9 %, en faveur d’un vote de grève. Le taux de participation des membres a été supérieur à 80 %. Cela signifie que l’AIMTA pourrait déclencher un débrayage général illimité ou déployer des moyens de pression alors que la multinationale européenne tente d’accélérer la cadence de production de l’A220 – essentielle à la rentabilité de ce programme toujours déficitaire.

L’autre chaîne de montage de l’appareil se trouve à Mobile, en Alabama.

Insuffisant

Pour les syndiqués, parmi lesquels on retrouve des mécaniciens, des outilleurs, des soudeurs et des techniciens, l’offre d’Airbus était nettement insuffisante. Leur convention collective est venue à échéance le 31 décembre dernier. L’avionneur européen propose un contrat de travail de trois ans et des hausses salariales totalisant environ 10,3 %.

Ces hausses [salariales] ne représentent même pas la perte du pouvoir d’achat provoquée par l’inflation des dernières années.

Éric Rancourt, porte-parole syndical et représentant québécois de l’AIMTA

Celui-ci affirme que bon nombre de ces travailleurs étaient des employés de Bombardier à l’époque de la C Series et qu’ils ont consenti à des sacrifices pour aider le programme à traverser des périodes turbulentes. Le temps est venu d’être récompensé, affirme le représentant québécois de l’AIMTA.

Dans un bulletin interne destiné aux syndiqués et daté du 5 mars dernier, M. Rancourt avait qualifié d’« hostile » et de « carrément inacceptable » l’offre patronale. Par courriel, Airbus a rétorqué que sa proposition « prenait en compte […] le contexte actuel de l’A220 qui n’a pas encore atteint son seuil de rentabilité ».

« Bien que nous considérons qu’il s’agisse d’une offre rationnelle en ligne avec le contexte économique du programme, nous prenons acte des résultats du vote », souligne l’employeur.

Salaires et retraite

Les assurances, le régime de retraite ainsi que la prestation de raccordement – un supplément temporaire pour combler le déficit financier entre le début de la retraite et l’âge de 65 ans – sont au cœur des principaux enjeux des négociations.

Détenu à hauteur de 25 % par l’État québécois, l’A220 vient de tourner la page sur une année record au chapitre des commandes, avec 142 contrats fermes, tout en étant capable d’accroître son nombre de livraisons d’environ 30 % (68 appareils remis à des clients) l’an dernier. La cadence de production doit néanmoins doubler d’ici deux ans à Mirabel ainsi qu’à Mobile, si le programme veut atteindre le seuil de rentabilité.

Tout retard sur l’échéancier risque d’avoir des conséquences pour les contribuables québécois, qui ont injecté, jusqu’à présent, 1,7 milliard dans ce programme développé par Bombardier. En acceptant de remettre 380 millions en 2022, Québec avait pu repousser à 2030 le moment où Airbus rachèterait sa participation dans l’A220. Plus les profits se font attendre, plus la somme obtenue par l’État québécois risque d’être amputée.

Parallèlement au volet de la production de l’A220, Airbus accroît son empreinte à Mirabel. La multinationale européenne a multiplié les embauches et compte quelque 3000 travailleurs dans les Laurentides. Elle est en train d’aménager un centre d’essais en vol à ses installations de Mirabel et construira un centre de livraison – un projet éventé par La Presse en juillet dernier – qui coûtera au moins 45 millions.

En savoir plus
  • 6
    Livraisons d’A220 par Airbus en février
    source : airbus
    8
    Exemplaires de l’avion remis à des clients après les deux premiers mois de l’année
    source : airbus