Les imprévus s’accumulent chez Transat. Après une baisse des réservations en « période de pointe » en raison d’une grève potentielle de ses agents de bord, le spécialiste du voyage d’agrément a du plomb dans l’aile à cause des problèmes de moteurs Pratt & Whitney qui l’empêchent d’utiliser le quart de ses Airbus A321LR.

En plus de creuser sa perte au premier trimestre, la société mère d’Air Transat tempère l’une de ses cibles de rentabilité pour l’exercice et revoit à la baisse son augmentation annuelle de capacité, à 13 %, ce qui l’oblige à sabrer des liaisons au Canada ainsi que vers les États-Unis.

« Nous désirons être prudents et nous assurer de ne pas prendre trop de risques pour le reste de l’année », a expliqué la présidente et cheffe de la direction de Transat, Annick Guérard, jeudi, au cours d’une conférence téléphonique avec les analystes visant à discuter des résultats du premier trimestre ayant pris fin le 31 janvier dernier.

La performance de la compagnie à l’étoile bleue s’est avérée sous les attentes des analystes pendant les mois de novembre, décembre et janvier. Les investisseurs réagissaient négativement. À la fermeture de la Bourse de Toronto jeudi, le titre de l’entreprise québécoise avait abandonné 6,4 %, ou 27 cents, pour clôturer à 3,97 $.

Même si l’accord entre Transat et ses 2100 agents de bord a été entériné par les syndiqués le 26 février dernier, les négociations ont été turbulentes. Représentés par le Syndicat canadien de la fonction publique (SCFP), les agents de bord s’étaient dotés d’un mandat de grève en novembre dernier en plus de rejeter deux ententes de principe en début d’année.

« La médiatisation du dossier a clairement affecté les réservations à un moment où les réservations sont vigoureuses », a expliqué Mme Guérard.

Les clients ont hésité à réserver pendant les Fêtes et pour la saison hivernale en raison de l’incertitude. Cela s’est poursuivi pendant le deuxième trimestre.

Annick Guérard, présidente et cheffe de la direction de Transat A.T.

Mme Guérard a souligné que la cadence des réservations a particulièrement été affectée par le spectre d’un conflit de travail en décembre ainsi qu’en janvier. Il s’agit de la « période de pointe » de la saison hivernale et du début des réservations pour la saison estivale, a ajouté la présidente de Transat. Au premier trimestre, la capacité de la compagnie a grimpé de 25 %, tandis que le trafic passager a affiché une croissance de 20 %. Les revenus aériens unitaires ont fléchi de 3,1 % en dépit des offensives promotionnelles pour séduire les consommateurs en période d’incertitude.

Les consommateurs ont toujours le goût de voyager, mais ils sont plus soucieux de leurs finances.

« Selon [Transat], la cadence des réservations et les prix se maintiennent à des niveaux similaires à l’an dernier, même si la compagnie n’anticipe pas la même augmentation des [revenus unitaires aériens] que celle observée au cours de l’été 2023 », souligne l’analyste Cameron Doerksen, de la Financière Banque Nationale, dans un rapport.

Locations salées

Transat est également rattrapée par un problème qui affecte déjà bon nombre de transporteurs aériens : l’usure prématurée des moteurs PW1100G-JM de Pratt & Whitney. L’an dernier, la multinationale avait annoncé le rappel de 3000 moteurs parce que des pièces étaient fabriquées avec de la poudre de métal contaminée susceptible de provoquer des fissures. Ainsi, 4 des 15 appareils A321LR de Transat sont actuellement cloués au sol. Ce nombre devrait grimper à six plus tard cette année et passer à huit en 2025. Transat a donc loué trois A330 pour atténuer les secousses.

Cependant, les problèmes chez Pratt & Whitney, combinés aux déboires de Boeing avec ses 737 Max 9 – qui sont cloués au sol depuis le 5 janvier dernier, lorsqu’une porte d’un avion de la compagnie Alaska Airlines s’est détachée en plein vol –, stimulent la demande chez les sociétés de location d’aéronefs, qui rehaussent leurs prix.

PHOTO ALAIN ROBERGE, ARCHIVES LA PRESSE

Annick Guérard, présidente et cheffe de la direction de Transat A.T.

« Nous n’avions peut-être pas prévu cela », a concédé Mme Guérard.

Plusieurs transporteurs cherchent des avions de remplacement. La demande est très forte et cela exerce une pression sur les prix.

Annick Guérard, présidente et cheffe de la direction de Transat A.T.

Initialement, Transat tablait sur une bonification de sa capacité de l’ordre de 19 %. En raison des imprévus, elle devrait plutôt s’établir à 13 %. Le manque d’appareils a incité l’entreprise à retirer des liaisons sur les marchés intérieur (Vancouver et Calgary à partir de Montréal) et transfrontalier (de la métropole vers San Francisco et Los Angeles).

La capacité à s’adapter aux imprévus découlant des problèmes de moteurs chez Pratt & Whitney ainsi qu’une « entente satisfaisante » avec le constructeur américain entourant le dédommagement qu’il devra offrir à Transat constituent des « éléments clés » à suivre d’ici le reste de l’année, affirme Mme Guérard. Transat s’attend toujours à générer une marge d’exploitation ajustée oscillant entre 7,5 % et 9 % cette année, mais le résultat devrait maintenant se situer dans le bas de sa fourchette.

En savoir plus
  • 43 appareils
    Taille de la flotte d’Air Transat au 31 janvier dernier
    Source : transat A.T.
    15
    Nombre d’Airbus A321LR dans la flotte de l’entreprise
    Source : transat A.T.