Le renouvellement d’une convention collective met le feu aux poudres au port de Montréal. Après un vote syndical marqué par du vandalisme, les vérificateurs renient leur « déclaration commune » avec l’Association des employeurs maritimes (AEM) dans laquelle les débardeurs, toujours sans contrat de travail, sont directement visés.

Ce nouvel épisode de tensions a débuté le 18 février dernier, jour du vote de ratification de la nouvelle convention collective des vérificateurs – responsables de la logistique des chargements et des déchargements des conteneurs. Il s’est poursuivi, lundi, alors que le Syndicat des vérificateurs du port de Montréal ainsi que celui des débardeurs ont vivement critiqué l’AEM dans la foulée d’une déclaration publiée sur son site web.

Selon nos informations, c’est le véhicule d’un membre du syndicat qui a été ciblé par un acte de vandalisme. Deux pneus auraient été crevés par un couteau à lame rétractable (de type Exacto) pendant que les syndiqués votaient, à plus de 80 %, en faveur du nouveau contrat de travail.

Dans un message texto envoyé aux membres, la présidente syndicale, Élizabeth Rancourt-Bond, a qualifié l’affaire d’« incident préoccupant », mais a demandé de « régler cela en interne ».

« Nous avons pu capturer des images de l’incident qui nous ont profondément troublés, lit-on, dans le message obtenu par La Presse. Notre objectif principal est de résoudre cette affaire rapidement et équitablement. Nous vous demandons votre aide pour encourager la personne responsable à se présenter. Nous comprenons que les gens commettent des erreurs. Cependant, si la personne ne se présente pas, nous serons obligés de partager les images avec les autorités. »

Mme Rancourt-Bond n’a pas rappelé La Presse pour répondre à ses questions spécifiques par rapport à cet évènement. S’il confirme l’authenticité du message, le vice-président syndical Albert Batten affirme que personne ne sait exactement où le méfait s’est produit.

« Est-ce que c’est arrivé à l’assemblée, dans le stationnement, au magasin ? On ne sait pas, soutient-il. On a envoyé le message au groupe juste pour aller à la pêche, pour essayer de trouver qui l’a fait. »

Selon deux sources distinctes, la voiture ciblée par l’acte de vandalisme est du même modèle et de la même couleur que celle de Mme Rancourt-Bond, mais n’était pas la sienne. « Je ne sais pas quel était le modèle d’auto », indique cependant M. Batten.

De l’huile sur le feu

La sortie commune des vérificateurs et de l’AEM, diffusée lundi sur le site de l’employeur, avançait que le port de Montréal était « délaissé » au profit de concurrents à cause de « l’incertitude » entourant le renouvellement de la convention collective de ses 1100 débardeurs, représentés par le Syndicat canadien de la fonction publique. Sur les quais, les débardeurs et les vérificateurs se côtoient.

Le rôle de l’Association des employeurs maritimes

C’est l’employeur des débardeurs, qui chargent et déchargent les navires. L’Association négocie et administre les contrats de travail de ses membres à Montréal, à Contrecœur, à Trois-Rivières, à Bécancour, à Hamilton et à Toronto.

« L’instabilité et l’incertitude causée par la lenteur à conclure les négociations font en sorte que [le port de Montréal] est délaissé pour plusieurs cargaisons non essentielles, et ce, au profit d’autres ports », faisait-on valoir.

Mme Rancourt-Bond affirme ne jamais avoir donné son feu vert à de tels commentaires. À son avis, il est « odieux » que l’AEM ait publié une « communication dite commune » malgré son refus.

Dans un entretien téléphonique, où le dossier du vandalisme n’a pas été abordé, Mme Rancourt-Bond a dit ne jamais avoir vu une ébauche du texte diffusé.

« Je dois dire que non, a-t-elle dit. On était un peu à la dernière minute. Nous nous étions parlé au téléphone pour finaliser le tout. Nous avions un énoncé, mais pas une version finale. Je n’ai jamais vu sur papier une version finale du document. »

La Presse a obtenu un échange de messages entre Mme Rancourt-Bond et l’employeur dans lequel elle donne son accord à la « nouvelle communication » et où elle précise le pourcentage des votes en faveur de l’entente de principe.

Dans un deuxième échange téléphonique, la présidente syndicale a expliqué qu’elle consentait à une version où des passages avaient été biffés, à sa demande. Ceux-ci se sont quand même retrouvés en ligne, plaide Mme Rancourt-Bond.

C’est là où j’ai un problème, affirme-t-elle. Ce qui était rayé dans la communication que nous avions préparée ensemble a été diffusé.

Élizabeth Rancourt-Bond, présidente syndicale

La présidente du syndicat affirme que le passage problématique de la déclaration diffusée par l’AEM concerne la mention de « l’absence de progrès depuis septembre » dans les négociations avec les débardeurs.

Chez les débardeurs, la déclaration a suscité une vive réaction du représentant syndical Michel Murray, qui a dénoncé, lundi, un « coup fourré » de l’employeur.

« Depuis les deux dernières années, chacun des gestes [que l’AEM] pose à l’endroit [de la section locale] 375 a une très forte odeur de raclure de fond de chiotte, a lancé le syndicaliste, dans un entretien téléphonique. Ils sont toujours en train de nous chier dessus, dans tous les domaines où ils sont en relation de travail. »

La convention collective des débardeurs est venue à échéance le 31 décembre dernier. Un processus de demande de services essentiels est toujours en cours devant le Conseil canadien des relations industrielles (CCRI). C’est ce tribunal quasi judiciarisé spécialisé qui doit déterminer quels services essentiels seraient à maintenir en cas de conflit de travail.

Sa décision se fait toujours attendre. Entre-temps, il ne peut y avoir de moyens de pression, de grève ou de lock-out.

En savoir plus
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    Nombre de vérificateurs sur les quais au port de Montréal
    source : association des employeurs maritimes
    -5,2 %
    Recul du trafic de marchandises conteneurisées au port en janvier
    source : administration portuaire de Montréal