(Ottawa) La distribution des hebdomadaires est-elle une occasion d’affaires pour Postes Canada ou viendrait-elle plutôt alourdir son déficit ? C’est la question que le ministre Jean-Yves Duclos a posée récemment à la société d’État dans le contexte de la fin du Publisac. La mairesse de Longueuil, Catherine Fournier, a réclamé la semaine dernière que les journaux locaux soient distribués gratuitement par la poste.

« J’ai demandé à Postes Canada de faire le point à la fois sur la situation actuelle et sur les perspectives futures d’appui à d’autres choses que Postes Canada fait moins maintenant, c’est-à-dire, par exemple, l’appui à des médias communautaires », a répondu le ministre des Services publics et de l’Approvisionnement à La Presse mercredi.

Son bureau avait indiqué la semaine dernière que le ministre Duclos était en discussion avec la société d’État pour trouver des solutions à la distribution des journaux locaux sans préciser s’il avait réclamé une analyse des coûts.

« Je leur ai demandé de faire le point sur ce qu’ils font déjà, a expliqué le ministre. Ce que j’entends, c’est qu’ils ont déjà des programmes existants qui viennent à des coûts inférieurs à d’autres méthodes de distribution, mais des coûts supérieurs par rapport à des méthodes qui ont déjà été utilisées y compris par le Publisac. »

« Je leur ai demandé de faire le point là-dessus et de nous proposer des options pour le futur », a-t-il précisé.

Avec la fin du Publisac qui s’échelonnera de février à mai partout au Québec, de nombreux hebdomadaires perdent un mode de distribution économique. Le tarif offert par Transcontinental était de trois à quatre fois moins élevé que celui de Postes Canada qui est de 140 $ par tranche de 1000 exemplaires pour les journaux à fort tirage. Cela peut représenter des centaines de milliers de dollars supplémentaires annuellement.

Le président d’Hebdos Québec, Benoit Chartier, a demandé à la ministre du Patrimoine canadien, Pascale St-Onge, une aide annuelle de 10 millions pour absorber ce coût supplémentaire pour les 120 journaux qu’il représente.

Mme St-Onge ne s’est pas arrêtée pour répondre aux questions de La Presse avant la réunion hebdomadaire du caucus libéral mercredi, préférant laisser le ministre Duclos répondre aux questions.

Si la mairesse Fournier demande la distribution gratuite, l’Assemblée nationale et le Bloc québécois réclament plutôt un tarif préférentiel semblable à celui qui était offert par Transcontinental pour inclure les hebdomadaires dans le Publisac.

Or, Postes Canada est aussi dans le rouge. Son dernier rapport annuel fait état d’une perte de revenu de 548 millions de dollars avant impôt.

« Postes Canada est une société d’État dont les activités sont financées par les revenus qu’elle génère en vendant ses produits et services, et non par l’argent des contribuables, a rappelé sa porte-parole Janick Cormier. Notre mandat est d’offrir à la population des services postaux de haute qualité à un prix raisonnable, tout en demeurant financièrement autonomes. »

La société d’État s’est tout de même dite sensible à la situation des hebdomadaires et à leur « rôle important dans la diffusion de nouvelles à la population et aux collectivités canadiennes ».

« Nous travaillons fort pour que nos prix soient concurrentiels et revoyons régulièrement notre approche afin d’apporter des améliorations quand c’est possible, a ajouté sa porte-parole. Nos équipes des ventes et des services aux entreprises collaboreront avec les journaux locaux au cas par cas pour discuter des produits et des solutions à leur disposition. »

Il y a également un enjeu de format pour les hebdomadaires puisque Postes Canada impose certaines restrictions de longueur pour obtenir un tarif raisonnable.

« S’ils étaient capables d’alléger un peu les règles sur le format et le poids, puis qu’on ait un prix raisonnable, ils vont sauver l’information au Québec », avance le président des Éditions nordiques, Simon Brisson. Il est propriétaire de quatre hebdomadaires dans les régions de Charlevoix et de la Côte-Nord.

L’entreprise, qui a déjà ses propres camelots, va perdre 1 million de revenu à compter du 1er mai parce qu’elle n’assurera plus la distribution du Publisac avec celle de ses journaux.

Les hebdomadaires comme l’ensemble des médias souffrent de la perte de revenus publicitaires, accaparés par les géants du numérique comme Meta et Google. Avec l’adoption de la Loi sur les nouvelles en ligne, Google versera 100 millions de dollars annuellement aux salles de nouvelles, dont près des deux tiers iront à la presse écrite.

Le gouvernement fédéral offre également d’autres programmes pour venir en aide aux médias comme un crédit d’impôt pour la main-d’œuvre journalistique, le Fonds du Canada pour les périodiques et l’Initiative pour le journalisme local.