(Ottawa) Des discussions ont lieu entre le ministre Jean-Yves Duclos et Postes Canada pour tenter de trouver une solution à la distribution des journaux locaux, a confirmé son bureau vendredi. La mairesse de Longueuil, Catherine Fournier, l’avait interpellé la veille dans une entrevue à La Presse pour que la société d’État les distribue gratuitement en raison de la disparition du Publisac.

« Le ministre Duclos discute avec Postes Canada, une société d’État indépendante, pour trouver des solutions quant à la distribution des journaux locaux », a indiqué son attaché de presse, Olivier Pilon.

Lisez « La mairesse Fournier réclame que Postes Canada distribue les journaux locaux gratuitement »

Il n’a pas voulu préciser si le ministre des Services publics et de l’Approvisionnement avait demandé une analyse des coûts. Il a toutefois rappelé que le gouvernement fédéral a déjà mis en œuvre des mesures concrètes pour venir en aide aux médias qui souffrent de « la domination des plateformes numériques sur l’espace publicitaire » comme l’adoption de la Loi sur les nouvelles en ligne (C-18), le Fonds du Canada pour les périodiques et l’Initiative pour le journalisme local.

PHOTO ROBERT SKINNER, ARCHIVES LA PRESSE

La mairesse Fournier a présenté un plan de valorisation des médias locaux dont la première piste d’action est de lancer un appel au ministre Duclos pour la distribution gratuite des hebdomadaires par Postes Canada.

Fin du Publisac

Transcontinental avait annoncé en novembre la fin du Publisac, le principal véhicule de distribution du Courrier du Sud à Longueuil et de nombreux autres hebdomadaires partout au Québec. Sa livraison doit cesser entre février et mai, selon les régions. Cette décision vient complètement chambouler leur modèle d’affaires.

Les journaux du Groupe JCL, qui couvre la couronne nord de Montréal, seront tous distribués par la poste à compter de la semaine prochaine.

« C’est excessivement cher. C’est hors de prix », s’exclame en entrevue son directeur, Pierre-Marc Langlois.

Ce service lui coûte 140 $ par tranche de 1000 exemplaires, soit trois à quatre fois plus cher qu’avec le Publisac. Cela représente une dépense de centaines de milliers de dollars supplémentaires.

Pour un seul marché à Sainte-Thérèse, c’est une décision de 200 000 $ de dépenses de plus que j’ai prise cette année pour m’assurer que mes nouvelles continuent à être distribuées aux citoyens de la MRC.

Pierre-Marc Langlois, directeur du Groupe JCL

Un projet avec la Ville de Mirabel permet à M. Langlois de financer la distribution d’un autre hebdo de ce secteur. La municipalité achète une page toutes les semaines pour publier son propre contenu, qu’il s’agisse d’activités organisées par la Ville ou de messages d’intérêt public.

Les Éditions nordiques, propriétaires de quatre hebdomadaires dans les régions de Charlevoix et de la Côte-Nord, perdront pour leur part 1 million de revenu à compter du 1er mai. L’entreprise a ses propres camelots qui distribuaient à la fois ses journaux et le Publisac.

« Ce qui s’en vient dans les prochains mois, ça va être décisif pour l’avenir des médias locaux dans toutes les régions », prédit son président, Simon Brisson.

Il a pris la décision de cesser d’imprimer le journal Le Charlevoisien pour qu’il soit entièrement sur le web, mais ce ne sont pas tous les hebdos qui peuvent se le permettre. La publicité vendue en ligne ne paie pas suffisamment. Et sans ces journaux, les nouvelles locales ne seraient pas couvertes. TVA a fait des coupes il y a quelques mois dans ses salles régionales et « même Radio-Canada ne venait plus sur place pour couvrir les inondations qu’il y a eu dernièrement », constate-t-il.

« Il y a urgence »

Le président d’Hebdos Québec, Benoit Chartier, a déjà rencontré la ministre du Patrimoine canadien, Pascale St-Onge, pour demander une aide annuelle de 10 millions qui servirait à absorber le coût supplémentaire de la distribution par Postes Canada pour les 120 journaux qu’il représente.

Il a fait la même demande à Québec au ministre de la Culture et des Communications, Mathieu Lacombe, et au ministre de l’Économie, Pierre Fitzgibbon. Il dit avoir reçu un accueil mitigé sur les deux collines parlementaires.

La solution proposée par la mairesse Fournier lui paraît manquer de réalisme. « C’est sûr que d’être distribué gratuitement dans l’ensemble du Québec, ce serait un monde idéal, reconnaît-il. Mais je reste quand même réaliste. Le gouvernement fédéral déjà avec toute l’aide qu’il nous a accordée… »

On veut un tarif qui ressemble plus à ce qu’on avait quand on utilisait l’ancien réseau de Transcontinental avec le Publisac qui avoisinait dans les 40 $ à 50 $ des 1000 [exemplaires].

Pierre-Marc Langlois, directeur du Groupe JCL

Une motion adoptée à l’unanimité par l’Assemblée nationale en décembre demandait au gouvernement fédéral de revoir la tarification de Postes Canada pour la distribution des médias imprimés. Le Bloc québécois réclame également un tarif préférentiel comparable à la somme déboursée par les journaux locaux pour la distribution par le Publisac.

« Ottawa ne peut simplement rester les bras croisés devant l’hécatombe annoncée pour ces journaux qui sont des témoins de la vie régionale et locale », a déclaré la porte-parole bloquiste pour les services publics et approvisionnements, Julie Vignola, par communiqué vendredi. « Plus que jamais, il y a urgence qu’il prête main-forte à nos médias. »

Or, Postes Canada est aussi dans le rouge. Son dernier rapport annuel fait état d’une perte de revenu de 548 millions de dollars avant impôt. La société d’État n’a pas répondu aux questions de La Presse vendredi.