Les entreprises qui veulent produire leur propre électricité au Québec n’y réussiront pas, à moins d’une entente avec Hydro-Québec pour qu’elle leur fournisse de l’énergie quand il ne vente pas et qu’il ne fait pas soleil, estime le président-directeur général d’Innergex.

Des échanges de blocs d’énergie seront aussi nécessaires, sinon ça va être difficile, a expliqué Michel Letellier lors d’un entretien avec La Presse.

Dans tous les cas, ça restera une énergie d’appoint pour les entreprises, selon lui. « Ce n’est absolument pas une menace pour Hydro-Québec », dit-il.

Innergex et l’autre producteur privé d’électricité du Québec, Boralex, actifs dans plusieurs pays du monde, sont souvent cités comme des exemples de ce qui pourrait être fait ici pour accroître la production d’énergie.

Ce qu’on fait ailleurs ne peut pas se faire ici, selon Michel Letellier. « Il n’y a pas beaucoup d’endroits sur la planète où il y a une offre tarifaire aussi compétitive que celle d’Hydro-Québec, dit-il. Ça amène beaucoup de monde. »

Il y aurait au Québec pour 30 000 mégawatts de projets industriels en attente d’électricité pour se réaliser. Gérer cette demande n’est pas simple, selon lui.

Depuis que la possibilité d’ouvrir le marché à la production privée est dans l’air, le téléphone ne s’est pas mis à sonner frénétiquement chez Innergex.

Mais l’entreprise a discuté notamment avec TES, qui veut produire de l’hydrogène en Mauricie, et avec H2 Green Steel, qui a un projet d’acier vert sur la Côte-Nord.

On peut penser que des projets de ce genre pourraient se réaliser, mais il faudra absolument l’apport d’Hydro-Québec, dit-il.

Les producteurs privés peuvent peut-être réussir à réaliser des projets plus rapidement qu’Hydro-Québec, « mais on ne fait pas de miracles non plus », reconnaît-il.

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Michel Letellier, PDG d’Innergex

Le coût de la production privée sera plus élevé, le double des tarifs industriels d’Hydro-Québec ou peut-être un peu moins que le double dans le meilleur des scénarios, admet Michel Letellier.

« J’ai de la misère à voir, moi aussi, qui pourrait souhaiter acheter de l’électricité deux fois plus cher », dit-il.

Sauf peut-être « les entreprises qui sont capables de refiler [à leurs clients] la facture de leur produit fini avec une prime verte associée », avance-t-il.

Des lignes de transport

L’autre façon de mettre le secteur privé à contribution serait de l’associer à la construction de lignes de transport entre un parc éolien, par exemple, et le réseau d’Hydro-Québec. Il s’agit souvent de courtes distances, qui peuvent se construire plus rapidement et à moindre coût qu’une ligne de transport du réseau principal, qui doit être à toute épreuve.

Innergex l’a déjà fait en Colombie-Britannique, où, souligne Michel Letellier, BC Hydro ne peut pas plus que le Québec répondre à la demande croissante pour son énergie verte.

On peut certainement penser que le privé pourrait favoriser et compléter l’investissement étranger notamment en région, selon lui, mais Hydro-Québec gardera le contrôle de son réseau.

« On ne peut pas laisser le privé développer comme bon lui semble, dans un contexte où on a un réseau solide. Nous sommes fiers de ce que nous avons et nous avons un prix de l’énergie compétitif.

« Si j’avais à parler aux syndiqués d’Hydro-Québec qui craignent sa privatisation, je dirais : “Inquiétez-vous pas !” »