Cette semaine, Rachel Desbiens-Després, fondatrice et présidente-directrice générale de l’agence de communication stratégique Canidé, répond à nos questions sur le leadership

Des projets pilotes avec la semaine de travail de quatre jours ont été menés et réussis en Grande-Bretagne. Pourquoi votre agence a-t-elle choisi de faire le saut il y a un an ?

Pour nous, c’était l’évolution logique de notre marque d’employeur et la suite logique de notre expérience d’employé. On est certifié B Corp depuis 2018, une certification donnée aux entreprises qui répondent notamment aux normes les plus élevées de responsabilité sociale et environnementale. On a toujours eu à cœur le bien-être des employés. C’est inscrit dans notre ADN depuis notre création.

Est-ce que vous avez déclaré du jour au lendemain que vous passiez à quatre jours par semaine ?

Non. On a dû se préparer sur une période d’environ six mois. Je dis toujours qu’il faut travailler fort pour travailler moins. Faire un changement organisationnel de la sorte prend énormément de planification. Premièrement, on a déterminé ce qu’on voulait mesurer après l’implantation de la semaine de quatre jours : le stress au travail, la conciliation travail-vie personnelle, la créativité, le taux de roulement. Ces indicateurs nous permettent d’avoir un portrait clair de notre performance d’équipe, mais aussi de notre sentiment d’équipe. Deuxièmement, la question à laquelle il fallait répondre n’était pas comment faire rentrer cinq jours en quatre jours, mais plutôt comment utiliser nos 32 heures par semaine. On a revu nos processus, la façon dont on faisait nos rencontres – on a réduit la durée de 20 % grâce à une préparation approfondie. On a revu aussi notre agenda afin qu’on ait des périodes de travail profond toutes synchronisées en même temps. On a regroupé les tâches récurrentes [task batching] de moins de dix minutes en leur allouant une période. Il fallait l’annoncer aux clients et déterminer un plan en cas d’urgence.

Une fois bien préparés, comment avez-vous démarré la semaine de quatre jours ?

Avec l’aide de Boîte Pac, une entreprise qui nous avait accompagnés dans la certification B Corp, on a déterminé qu’il fallait le faire de manière draconienne et non progressive. On a choisi une date et on a commencé par un projet pilote de trois mois. On était en communication constante avec nos clients et avec l’équipe pour s’assurer que ce changement convenait à tous. On se laissait cette liberté de dire : est-ce que ce changement nous sert ou non ? Après les trois mois couronnés de succès sur toute la ligne, ce projet pilote est devenu officiellement notre nouvelle réalité.

Mais vous êtes quand même passés à travers certaines phases avant d’atteindre l’équilibre ?

On a suivi les mêmes phases que tout changement. Que ce soit dans sa vie personnelle ou professionnelle, il y a toujours la lune de miel, où l’on ne voit que les bons côtés. Puis, après une période d’environ trois mois, certains doutes s’installent, on voit les bémols. La semaine de quatre jours demande énormément de rigueur. Chaque rencontre doit être bien préparée, chaque journée doit être bien planifiée, et cette rigueur-là, parfois, peut rimer avec rigidité. La réduction du temps de travail peut entraîner des défis de communication et de coordination, parce que les gens ont leur liste de choses à faire et essaient de cocher les choses sur leur liste. Dans notre industrie, l’automne et le printemps sont très occupés. Lorsqu’on a été confrontés à ces périodes occupées, on a dû faire face à cette adaptation supplémentaire, alors que les cinq jours nous donnaient un petit peu plus de temps. L’important, c’est de verbaliser ces émotions-là, simplement de dire « je trouve ça dur en ce moment » enlève une pression. C’est vraiment avec un dialogue très ouvert, en étant dans l’honnêteté, que l’on a réussi à passer à travers cette année-là, puis à être vraiment satisfaits de ce changement.

Qu’avez-vous observé finalement comme changements ?

On a vu une augmentation de la créativité, de la productivité, une augmentation de 20 % dans la conciliation travail et vie personnelle. Ça a renforcé l’engagement des employés. On a vu une diminution de 67 % du taux de roulement et une diminution de 40 % du taux d’absentéisme. Le tout avec une satisfaction générale évaluée à 9,3/10. Les quatre jours, c’est aussi un engagement concret envers l’égalité des genres. Ça permet aux femmes qui ont plus de tâches à la maison de profiter du vendredi pour les faire sans avoir d’impact sur la possibilité de promotion et sur leur carrière. Ce nouvel horaire permet en plus de réduire l’empreinte carbone de l’agence, et ça a renforcé notre marque d’employeur.