(Sainte-Claire) Le constructeur d’autocars Prevost, dans Bellechasse, vient d’obtenir son plus important contrat en 100 ans d’histoire : la société de transport de New York lui commande 381 autocars pour une valeur de 447 millions de dollars.

Tout le gratin politique de la Rive-Sud de Québec était rassemblé mardi après-midi dans l’usine qui surplombe la municipalité de Sainte-Claire. C’est dans ce même patelin que le fondateur Eugène Prévost avait fondé en 1924 cette entreprise maintenant propriété du Groupe Volvo.

« Ça fait pas mal de politiciens pour une annonce dans laquelle il n’y a pas un sou du gouvernement ! », a rigolé la députée fédérale de Bellechasse-Les Etchemins-Lévis, Dominique Vien.

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Dominique Vien, députée fédérale de Bellechasse-Les Etchemins-Lévis

La nouvelle a de quoi réjouir chez Prevost : le contrat remplit le carnet de commandes de l’entreprise jusqu’en 2026, fait passer la production de trois à quatre autocars par jour et doit mener à l’embauche de 150 employés.

« Ce contrat historique provenant de la plus grande agence de transport public d’Amérique du Nord est une excellente nouvelle pour l’entreprise », s’est réjoui le président de Prevost, François Tremblay. Il note que cette commande d’envergure survient alors que l’entreprise s’apprête à célébrer son centenaire.

Au terme d’un processus d’appel d’offres, la Metropolitan Transportation Authority (MTA) a choisi Prevost. Une commande ferme prévoit la livraison 250 autocars entre 2025 et 2026. La MTA a une option d’achat pour 131 autocars supplémentaires. Le contrat, estimé à 447 millions, inclut pièces et service.

Entièrement assemblés au Québec

Ces autocars, différents des autobus urbains, seront surtout utilisés pour le navettage des usagers de la banlieue de New York. La MTA est responsable du célèbre métro new-yorkais, des autobus, mais aussi de plusieurs lignes d’autocars.

« Les gens des banlieues de New York qui doivent se rendre sur l’île de Manhattan pour le travail, par exemple. Ces autobus vont passer dans les différents arrondissements comme Queens pour amener les gens sur l’île », a illustré le président de Prevost.

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L’usine d’autocars Prevost dans Bellechasse, au sud de Québec

Quelque 720 autocars Prevost sillonnent déjà New York. Selon l’entreprise, la fiabilité des autocars déjà présents dans la Grosse Pomme a aidé Prevost à remporter l’appel d’offres. « Une des mesures qu’ils utilisent pour évaluer une entreprise, c’est le temps entre les bris, et je vous dirais que Prevost était beaucoup meilleur que ses compétiteurs à ce chapitre », avance François Tremblay.

Le Buy American Act n’a pas fait dérailler la proposition de l’entreprise, puisque les fonds proviennent de l’État de New York, et non du gouvernement fédéral. « Cent pour cent des véhicules vont être produits et assemblés à Sainte-Claire. On a même rapatrié certaines pièces qu’on produisait aux États-Unis chez des producteurs québécois. Ça va bénéficier à l’ensemble du Québec », promet M. Tremblay.

Des défis de croissance

Prevost emploie présentement 1704 personnes, dont 1087 à Sainte-Claire. L’entreprise a embauché 625 personnes depuis 2022. Le contrat annoncé mardi doit donc permettre d’en ajouter 150. Le défi sera de taille dans le contexte où le chantier Davie de Lévis doit obtenir d’importants contrats pour des brise-glaces. Les soudeurs seront demandés sur la Rive-Sud de Québec…

« Comme syndicat, c’est le fun. On consolide les emplois qu’on a et ça va emmener des emplois pour les deux, trois prochaines années. Ça nous stabilise », estime Benoit Tremblay, président du syndicat des employés d’usine. L’homme est la preuve que Prevost peut attirer des employés d’un peu partout : M. Tremblay fait depuis 28 ans la route entre la Rive-Nord de Québec et Sainte-Claire matin et soir.

L’entreprise obtient cet important contrat dans un contexte de grands changements. « On va vers l’électrification vers 2026 », prévient le président de Prevost. François Tremblay précise que les véhicules vendus à New York sont à essence.

« Il faut comprendre que les véhicules électriques vont avoir une utilisation limite, une autonomie de moins de 400 km. C’est vraiment l’hydrogène, pour nous, la technologie de l’avenir pour les longues distances, dit-il. On travaille avec le gouvernement fédéral pour essayer d’avoir du soutien. Ce sont des technologies relativement dispendieuses à développer. »

La croissance de Prevost apporte aussi son lot d'occasions à la municipalité de Sainte-Claire, une enclave industrielle qui tente tant bien que mal de faire lever de terre les unités d’habitation. « Il y a plus de 2500 emplois dans notre municipalité de 3600 habitants », dit fièrement la mairesse de Sainte-Claire, Guylaine Aubin. « Nos deux derniers développements résidentiels se sont remplis en deux ans. »

La mairesse a toutefois profité de l’entrevue avec La Presse pour envoyer un message au gouvernement. C’est que l’école primaire déborde, dit-elle. La solution proposée par Québec fait grincer des dents ici : envoyer les enfants de cinquième et sixième année dans la municipalité voisine de Saint-Anselme.

Mme Aubin espère que les élus qui sont passés par son patelin mardi pour l’annonce, dont le ministre de l’Éducation, Bernard Drainville, trouveront une autre solution.

« Pour une municipalité en croissance comme la nôtre ? », se désole la mairesse. « Même dans les municipalités autour, on n’en revient pas que Sainte-Claire se fasse enlever des services publics d’éducation. »