« Lorsqu’un employé accède à un poste hiérarchique supérieur, quelle stratégie proposez-vous pour que ce nouveau patron obtienne la collaboration de tous ses ex-collègues malgré les préjugés et les frustrations avouées ou sous-jacentes ? »René

La question qui est posée touche à un moment de grande vulnérabilité que 90 % des gestionnaires ont dû affronter lors de leur transition d’employé performant à leader de proximité. Gérer ses anciens collègues est un moment charnière pour la suite d’une carrière en gestion. Venant de l’interne et connaissant bien l’équipe, vous pensez que ce sera facile. Détrompez-vous. Il s’agit d’une transition de rupture.

Une transition déterminante

Devenir patron est un défi à la fois imposant et stimulant pour ceux qui veulent grandir en sortant de leur zone de confort. Il s’agit d’un passage entre deux fonctions de nature totalement différente. Chacune demande des compétences parfois situées à l’opposé. Si vous étiez au stade d’expert performant, vous demandiez probablement peu de coaching et étiez très autonome. À partir de maintenant, vous dépendez des autres pour l’atteinte de vos objectifs. Il s’agit d’un véritable renversement de perspective auquel il faut s’adapter.

D’autre part, vous êtes aussi face à un changement identitaire profond, un angle mort pour plusieurs. Reconnu comme un contributeur individuel qui a su se faire remarquer, vous devez maintenant vous redéfinir comme un leader et un coach. Ce passage vous conduit vers un parcours de changements continus qui requiert un important travail sur soi. Compte tenu des relations que vous aurez à entretenir avec votre nouvelle équipe, vous devrez, entre autres, clarifier vos valeurs, nourrir votre conscience de soi par des rétroactions pas toujours faciles à accepter et croître en maturité dans la gestion de vos émotions.

Dès le moment de l’annonce, le regard de vos anciens collègues change et la dynamique entre vous prend une nouvelle direction. Le moment est donc approprié pour évaluer cette nouvelle situation et partir du bon pied.

Une stratégie en plusieurs étapes

Faites le point sur les raisons qui vous ont amené à dire oui. Selon mes observations, la rémunération et le statut ne sont pas vos motivations premières. Accepter ce défi a plus à voir avec le désir de réaliser votre plein potentiel et de faire une différence positive en apportant des changements dans le contexte de travail et les façons de faire. Faites part de vos motivations à votre équipe. Mais ne soyez pas surpris si vous ne faites pas l’unanimité. Votre transition comportera des surprises et des déceptions. Dans les moments difficiles, il sera important de revenir à vos motivations de départ. C’est votre étoile du Nord.

Soyez bien connecté. Prenez conscience que votre position vous place au centre d’un écosystème allant au-delà de votre équipe. Celle-ci s’attend à ce que vous ayez un réseau élargi à l’intérieur et hors de l’organisation afin d’aller chercher les appuis et les ressources dont vous avez tous besoin. Il vous faudra tisser et maintenir des liens forts avec votre patron et avec vos nouveaux collègues pour créer des ponts entre les silos et même avec des partenaires externes afin de bénéficier des meilleures pratiques dans votre domaine.

Réfléchissez au type de patron que vous voulez être. Comment comptez-vous assumer vos responsabilités de gestion de la performance, de délégation et de reconnaissance ? Mettez-vous au service de votre équipe en écoutant ses préoccupations. Misez davantage sur votre influence que sur votre autorité. Privilégiez les questions au lieu de seulement donner les réponses. Proposez un plan stimulant qui amène à se surpasser, mais ne vous lancez pas immédiatement dans des transformations importantes qui ne livreront des résultats qu’à long terme. Cherchez d’abord de petites victoires qui vont renforcer votre crédibilité.

Repositionnez-vous face à vos anciens collègues. L’annonce de votre nomination sera reçue de manière variable. Vos amis penseront peut-être avoir un accès facile et même des privilèges. Conservez une saine distance face à ces derniers. Ayez une discussion franche et ouverte pour qu’il n’y ait pas d’ambiguïté sur ce qui va changer ou non dans votre relation. Les collègues avec lesquels vous aviez moins d’affinités anticiperont peut-être d’être exclus de votre cercle intime. Faites-vous un calendrier de rencontres pour n’oublier personne et soyez soucieux de traiter chacun avec franchise, respect et équité.

Ayez un plan B pour la personne qui se voyait à votre place. Il est fort possible que vous ayez un ou plusieurs compétiteurs, souvent des gens de valeur, déçus, frustrés ou qui se surévaluent. Le mieux est de leur transmettre le message que vous valorisez leur contribution et que vous êtes un allié dans une stratégie de développement et de mise en valeur de leurs compétences pour une prochaine occasion, sans toutefois faire des promesses que vous ne pourrez pas tenir.

Faites preuve de modestie. Vous avez beaucoup à apprendre. Les doutes et les questionnements seront fréquents. Il vous faut un plan de développement qui cible les bonnes habiletés de gestion et qui soit nourri par une rétroaction soutenue. Un accompagnement par un coach ou un mentor est toujours une option à considérer. C’est le bon moment. Vous verrez que cela peut faire une différence énorme dans les moments de doute.