Le ministre québécois de la Langue française, Jean-François Roberge, ne compte pas assouplir ou modifier la loi 96, qui force notamment les commerçants étrangers à communiquer avec leur clientèle québécoise en français, y compris lors du processus d’achat sur des sites transactionnels.

Ce qu’il faut savoir

Le projet de loi 96 a été adopté par l’Assemblée nationale en mai 2022. L’objectif du gouvernement était de renforcer le statut de la langue française au Québec.

La loi apporte des modifications importantes à la Charte de la langue française et s’applique à toutes les entreprises qui exercent des activités au Québec ou qui ont des employés au Québec. Elle s’applique également aux sites de commerce électronique gérés par des entreprises hors Québec.

Toutes ces entreprises doivent informer et servir leurs clients du Québec (consommateurs et non-consommateurs) en français. Cela inclut les communications avec les clients et les employés, les contrats, l’affichage public, etc.

Au début du mois d’août, La Presse rapportait qu’une douzaine d’entreprises avaient cessé de vendre leurs produits et services dans la province en raison de sa politique linguistique, par manque de ressources ou d’intérêt. La portée extraterritoriale de cette loi ne fait pas non plus l’unanimité.

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Malgré les dispositions spécifiques de la nouvelle loi, le ministre Roberge estime que « la situation actuelle découle de l’application de la Charte de la langue française et non de la nouvelle loi ». « À court terme, on ne prévoit pas ouvrir la Charte de la langue française pour diminuer les protections qu’on offre au Québec pour être servis en français », a-t-il indiqué.

Ce qu’on veut, c’est protéger le droit des Québécois de magasiner en français et de faire des transactions en français, peu importe où se situe l’entreprise. Par contre, le gouvernement du Québec ne bloque aucun site internet. L’Office québécois de la langue française (OQLF), de son côté, sur réception d’une plainte, peut communiquer avec une entreprise, pour lui signaler ce qu’elle doit faire.

Jean-François Roberge, ministre de la Langue française

Au cours des derniers mois, plusieurs entreprises étrangères ont pourtant décidé de larguer leur clientèle québécoise afin d’éviter des litiges ou de s’exposer à des plaintes. Toutes ont invoqué l’entrée en vigueur de la loi 96. D’ailleurs, les transactions dans le milieu du voyage sont en théorie menacées par l’application de la loi, puisque les réservations d’hôtels, de spectacles, de monuments, etc. se font la plupart du temps en anglais.

À propos de ce secteur névralgique des transactions conclues sur l’internet, le ministre s’est fait rassurant.

« L’Office québécois de la langue française n’agit dans ces cas-là qu’en cas de plainte. L’OQLF n’est pas une police de la langue qui fait un suivi de tous les sites internet sur la planète au cas où un site ferait affaire avec un citoyen québécois. On n’est pas dans cette démarche-là. Par contre, de plus en plus d’entreprises ont des outils pour être capables de servir les gens du Québec en français. Pour moi, ce n’est pas insurmontable. »

Interrogé par La Presse au début du mois, MVincent de l’Étoile, du cabinet Langlois Avocats, spécialiste en droit privé international, était loin de croire que le processus de plainte coulait de source.

« Si quelqu’un devait se plaindre du service rendu dans une autre langue que le français, les entreprises visées exigeraient sans doute que les plaintes soient déposées sur leur territoire, avait-il dit. La Charte de la langue française et la Loi sur la protection du consommateur font en sorte que le contrat est présumé conclu au Québec et doit être en français. Mais en Angleterre, par exemple, il y a probablement une loi similaire qui stipule que le contrat est présumé conclu en Angleterre et sujet au droit anglais… »

Bref, il faudra attendre qu’il y ait des plaintes et des litiges pour voir comment les tribunaux du Québec et des pays étrangers visés réagissent.