Les entrepreneurs de la francophonie des quatre coins du monde ont depuis trois ans maintenant une nouvelle voix qui les unit sous l’égide de l’Alliance des patronats francophones, une organisation internationale dont le président du Conseil du patronat du Québec (CPQ), Karl Blackburn, est l’un des membres fondateurs. Le PDG du CPQ souhaite que cette nouvelle plateforme économique devienne le tremplin des entreprises québécoises pour accéder à de nouveaux marchés.

L’Alliance des patronats francophones a tenu il y a deux semaines un grand rassemblement au Centre des congrès de Québec lors de La rencontre des entrepreneurs francophones 2023, qui a réuni quelque 850 délégués de 29 pays.

« Il s’agissait de notre troisième rencontre après celles de Tunis et d’Abidjan, et la prochaine aura lieu en 2024 au Maroc. On a un nouveau pays membre qui s’est ajouté cette année avec le Cambodge.

« Notre organisation veut faire de la francophonie économique un leader de la transition énergétique », m’explique Karl Blackburn, qui est président du CPQ depuis trois ans maintenant et membre du conseil, vice-président et trésorier de l’Alliance des patronats francophones.

C’est à l’instigation du CPQ et du Mouvement des entreprises de France (MEDEF) qu’est né ce nouveau regroupement patronal, en marge de l’Organisation internationale de la francophonie qui a été créée en 1970.

« Ce sont des entrepreneurs qui sont à la base de ce mouvement, que ce soit le MEDEF ou le patronat du Congo ou du Burkina Faso, il y avait une volonté de se regrouper pour mieux faire face aux nouveaux défis qui se présentent, notamment en matière d’environnement avec l’adoption de normes internationales. »

Les défis des entreprises de certains pays africains peuvent devenir des opportunités pour les entreprises québécoises. Avec notre expertise ou nos produits fabriqués avec de l’énergie propre, on peut les aider à respecter les nouvelles normes ESG exigées par les grands investisseurs ou les organismes de financement internationaux.

Karl Blackburn

Si l’Alliance des patronats francophones peut devenir un tremplin pour les entreprises québécoises qui souhaitent diversifier leurs marchés, elle peut aussi faire du Québec la porte d’entrée des entreprises de la francophonie internationale pour conquérir le marché américain.

Les entrepreneurs des 29 pays membres de l’Alliance des patronats francophones sont actifs dans un marché de 321 millions de francophones sur tous les continents. D’ici 40 ans, cette clientèle va tripler pour représenter 1 milliard de francophones dans le monde, principalement en raison de l’explosion démographique africaine, dont le continent devrait regrouper à lui seul plus de 80 % de la francophonie en 2060.

« Il y a eu à Québec des discussions entre des entrepreneurs québécois et certains États africains qui vont se traduire bientôt par des annonces de coopération. On peut apporter une valeur économique au travail que remplit l’Organisation internationale de la francophonie », estime Karl Blackburn.

Pénurie de main-d’œuvre et éducation

On a beaucoup entendu Karl Blackburn au cours des deux dernières années dans le dossier de la pénurie de main-d’œuvre qui afflige les 70 000 employeurs des secteurs privé et public que représente le CPQ au Québec.

L’ex-député et organisateur du Parti libéral du Québec et ancien directeur des affaires publiques et des relations gouvernementales chez Produits forestiers Résolu est devenu PDG du CPQ en juin 2020, soit en pleine pandémie.

Après avoir été impliqué dans la gestion des nombreux programmes de soutien aux entreprises, Karl Blackburn a été rapidement aux prises avec le problème de la pénurie de main-d’œuvre.

La pandémie a amplifié la crise et rapidement, on a fait dix recommandations au gouvernement pour réduire la tension, et la hausse des seuils d’immigration faisait partie des solutions. On a basé notre argumentation sur les chiffres du gouvernement, qui prévoyait le départ à la retraite de 1,4 million de travailleurs entre 2017 et 2026.

Karl Blackburn

« Les travailleurs de remplacement allaient venir à 50 % des étudiants qui entrent sur le marché du travail, 25 % des gens d’expérience et de groupes sous-utilisés, 3 % des nouvelles technologies et 22 % de l’immigration, ce qui faisait 64 000 nouveaux immigrants par année, ce sont les chiffres du ministère du Travail », précise Karl Blackburn.

Le PDG du CPQ a d’ailleurs félicité le gouvernement d’avoir révisé les seuils d’immigration permanente qui devraient être officiellement portés à 60 000 par année d’ici la fin de 2023.

La situation en 2020-2021 était critique, rappelle-t-il, alors qu’un chef d’entreprise sur deux affirmait refuser des contrats parce qu’il n’avait pas les effectifs nécessaires pour les réaliser et qu’un chef d’entreprise sur deux annulait tout simplement des projets d’investissement pour la même raison.

Cela étant dit, le CPQ s’est fait l’ardent défenseur de la décision du ministère du Travail de fixer à 14 ans l’âge légal minimal pour commencer à travailler, malgré la gravité de la situation de l’emploi.

« On ne va pas régler le problème de la main-d’œuvre en sacrifiant nos jeunes. Leur place, c’est d’être à l’école. On accuse un retard important avec l’Ontario sur la diplomation scolaire. L’éducation est d’ailleurs la priorité de notre plateforme économique pour les trois prochaines années, il faut décourager le décrochage et valoriser l’excellence scolaire.

« Il y a des défis de littéracie inquiétants au Québec quand on sait qu’une personne adulte sur deux ne comprend pas ce qu’elle lit », déplore le PDG du CPQ.