(Sept-Îles) Le transport de petit colis pose un problème aux entreprises de la Côte-Nord depuis longtemps. La Table bioalimentaire de la Côte-Nord a trouvé une solution en s’inspirant du covoiturage.

La mission acceptée par La Presse était toute simple : recueillir un colis de la taille d’un sac d’épicerie à Montréal et le livrer le surlendemain à un entrepreneur de Sept-Îles. Il restait bien assez de place dans le coffre de la voiture et, puisqu’on faisait le voyage, pourquoi ne pas en profiter pour rendre service en transportant un bagage supplémentaire ?

Systématiser ce genre de coup de pouce est précisément l’objectif de Colinor. « Sur la Côte-Nord, on est tous des voyageurs », dit Marc Normand, directeur de la Table bioalimentaire de la Côte-Nord (TBCN), organisme qui porte le projet. « Il y a beaucoup de gens qui se déplacent, alors on s’est dit : puisqu’il y a déjà des véhicules sur la route, pourquoi ne pas mettre un colis dedans ? »

Comme Amigo Express

Colinor fonctionne à la manière d’un service de covoiturage comme Amigo Express : sa plateforme met en relation des automobilistes avec des entreprises qui ont de petits et moyens colis à faire voyager. Le chauffeur indique son point de départ et sa destination, ses dates et heures de déplacement, et les expéditeurs intéressés peuvent entrer en contact avec lui.

Il existe bien sûr des entreprises de transport qui font de la livraison sur la Côte-Nord. Colinor se présente comme une solution de rechange ou un complément pour les entreprises, surtout les moins grandes. En effet, faire transporter une palette de matériaux ou de produits pose rarement problème dans la région. « Dès qu’on a de petits colis, les coûts de transport sont assez élevés », signale toutefois Marc Normand.

Ces frais peuvent faire toute la différence pour un entrepreneur situé en région éloignée.

PHOTO ROBERT SKINNER, LA PRESSE

L’initiative Colinor constitue une solution locale à un problème régional, explique Marc Normand.

Parfois, un producteur peut être en mesure d’offrir un produit moins cher qu’un concurrent, mais ne plus en être capable une fois les coûts de transport ajoutés. Colinor se veut une solution pour que les entreprises demeurent concurrentielles.

Marc Normand, directeur de la Table bioalimentaire de la Côte-Nord

Solution locale

L’idée de mettre sur pied un service permettant aux colis de « faire du pouce » a émergé il y a quelques années au cours d’un forum intitulé Côte-Nord en mode solutions, organisé par le Centre d’aide aux entreprises de la région. La TBCN a eu le mandat de la développer, ce qu’elle a pu faire en profitant d’une aide financière de 188 000 $ sur quatre ans issue d’un programme du ministère de l’Agriculture, des Pêcheries et de l’Alimentation du Québec destiné aux innovations dans le secteur bioalimentaire.

Martin Demassieux, copropriétaire de la microbrasserie La Compagnie, a suivi de près le développement de Colinor et met beaucoup d’espoir dans ce projet de transport collaboratif. Il croit que sa flexibilité le rend « complémentaire » ou même avantageux par rapport au transport par autocar, utilisé par des entreprises jusqu’ici, mais qui suit un horaire et un parcours déterminés. Il permettra aussi l’envoi de colis à partir de et vers des municipalités ou villages non desservis par le transport collectif.

Le territoire de la Côte-Nord est vaste, mais ses agglomérations ne sont pas très étendues, ce qui constitue un avantage aux yeux de Martin Demassieux.

Si je dois me rendre à Montréal ou à Québec, le détour que j’aurai à faire pour laisser un colis à Baie-Comeau sur le chemin ne sera pas très important.

Martin Demassieux, copropriétaire de la microbrasserie La Compagnie

Cela pourrait selon lui inciter bien des conducteurs à rendre ce genre de service et à ajouter quelques minutes à leurs déjà longues heures de route.

Il est question de « service », car il n’est pas prévu à l’heure actuelle que les gens qui prennent en charge un colis reçoivent une rétribution. Les frais prélevés par Colinor ne serviront qu’à l’entretien de la plateforme. « C’est un acte de solidarité pour nos entreprises », dit Marc Normand. Le fonctionnement de la plateforme reposera sur la confiance entre expéditeur et transporteur.

Colinor n’est peut-être que le point de départ d’autre chose, selon Marc Normand. « La plateforme nous permettra d’étudier les flux de transport sur la Côte-Nord, dit-il, et peut-être d’identifier d’autres solutions qui pourraient être complémentaires à cette proposition-là. »

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