Le gouvernement fédéral établira-t-il la mesure étalon en matière de télétravail ? Les employeurs du privé auront les yeux tournés vers les conclusions de la négociation en cours.

S’il décidait de formaliser le télétravail dans les prochaines conventions collectives de ses fonctionnaires, comme le réclament leurs représentants syndicaux, le gouvernement fédéral pourrait se trouver à contre-courant de ce qui se passe parmi les milieux de travail comparables du secteur privé.

« Le gouvernement fédéral est conscient que n’importe quel geste qu’il va poser aura des incidences à la fois sur sa propre main-d’œuvre, mais aussi sur le message qu’il envoie à l’ensemble des employeurs et des employés dans tout le Canada », estime France Dufresne, directrice nationale du secteur Expérience employé de la firme-conseil en ressources humaines WTW (Willis Towers Watson).

« En matière de télétravail, parmi les gros employeurs du secteur public, y compris les sociétés d’État, plusieurs surveillent ce que va faire le fédéral dans les prochains contrats de travail de ses fonctionnaires », analyse Mme Dufresne en entrevue avec La Presse.

Une présence nécessaire pour la Chambre de commerce

« Dans le secteur privé, on estime que le retour des employés [en milieu de travail] est un enjeu de productivité globale. Après trois ans de télétravail, souvent isolé à la maison, il y a une volonté de plus en plus forte de raviver les gains de productivité qui découlent du travail d’équipe, de la transmission des connaissances entre les employés, et de l’inclusion des nouveaux employés », explique Michel Leblanc, président et chef de la direction de la Chambre de commerce du Montréal métropolitain, au cours d’un entretien téléphonique avec La Presse.

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Michel Leblanc, président et chef de la direction de la Chambre de commerce du Montréal métropolitain

On remarque que ce retour s’effectue de plus en plus sous une nouvelle définition en tant que “principale place d’affaires et de travail”, avec beaucoup de souplesse et de flexibilité selon les fonctions et les tâches particulières, plutôt qu’avec des politiques strictes de télétravail basées sur un nombre de jours par semaine.

Michel Leblanc, président et chef de la direction de la Chambre de commerce du Montréal métropolitain

Une observation que partage en partie Mme Dufresne. « Parmi les employeurs des secteurs non gouvernementaux, ce qu’on observe le plus, c’est l’hybridité des politiques de retour en milieu de travail : c’est-à-dire ni complètement flexible envers le télétravail, ni complètement rigide avec le retour complet au bureau pour tous.

« L’autre chose que l’on observe aussi, c’est la segmentation des politiques de retour en milieu de travail et le télétravail en fonction des besoins des secteurs d’activité ou des tâches à accomplir dans une même entreprise ou organisation. »

L’importance du travail d’équipe

De l’avis de Glenn Castanheira, directeur général de l’organisme Montréal centre-ville, « les raisons principales pour lesquelles les gens reviennent au bureau ces temps-ci sont de maintenir leur compétitivité d’équipe de travail, leur sentiment d’appartenance et leur culture d’entreprise ».

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Glenn Castanheira, directeur général de Montréal centre-ville

« Ce que les entreprises [au centre-ville] nous disent, c’est qu’elles ne veulent plus que leurs employés reviennent au bureau pour être plus productifs dans, par exemple, l’entrée de données. Ce qu’elles veulent, c’est que leurs employés reviennent au bureau afin d’être plus productifs à travailler ensemble, avec l’accent mis sur la productivité collective plutôt que la productivité individuelle.

« Ça, c’est très important. Le secteur privé le voit, mais si le secteur gouvernemental ne le voit pas, ça va nous rattraper plus tard », a indiqué M. Castanheira lors d’un entretien avec La Presse, en marge de la divulgation jeudi d’un sondage sur le niveau d’appréciation du centre-ville de Montréal parmi ses travailleurs, visiteurs et résidants.

Dans ce contexte, considère Michel Leblanc, de la Chambre de commerce du Montréal métropolitain, « si le gouvernement fédéral décidait qu’il maintient ses fonctionnaires en télétravail dans leur lieu de résidence, il y aurait des enjeux de productivité [des services au public] et ça irait dans le sens contraire de ce qui se passe dans les autres secteurs du marché du travail ».

Entre-temps, souligne-t-il, « on peut dire que le gouvernement fédéral, depuis un an ou deux, ne brille pas par l’efficacité de ses services, que ce soit en immigration, avec les passeports, la gestion des rentes aux personnes âgées ».