On peut le deviner, l’augmentation du coût de la vie ne touche pas tout le monde de la même façon. Certaines personnes, qui peinaient déjà à joindre les deux bouts, doivent se priver davantage. Mais les gens qui avaient une bonne capacité d’adaptation avant les années pandémiques tendent à mieux s’en tirer maintenant, malgré la multiplication des stresseurs.

« Ce qui m’a étonnée est de voir énormément de résilience chez des gens qui vivent dans des conditions de vie parfois difficiles, souvent modestes, pour ne pas dire frugales pour certains », explique Sandy Torres, autrice d’un nouveau rapport de l’Observatoire québécois des inégalités, dévoilé mercredi. « On voit à quel point ces gens ont des ressources pour naviguer à travers tout ça et traverser la crise sanitaire. Ça ne veut pas dire que c’est facile pour eux, mais ce qui m’a étonnée est de voir ce mélange de résilience et de vulnérabilité. »

Ce Projet Résilience s’intéressait spécifiquement à la population québécoise dont les revenus se situent dans les 40 % les moins élevés, ce qui n’inclut donc pas uniquement des gens en situation de pauvreté, mais aussi ceux qui se trouvent « à la marge » de la classe moyenne.

J’ai le sentiment que ceux qui se sont montrés résilients le sont depuis très longtemps.

Sandy Torres, sociologue

Pour les personnes qui vivent avec un petit budget, la pression supplémentaire causée par la hausse du coût de la vie s’est manifestée différemment durant la pandémie. Certains ont dû vendre leur voiture pour arriver, puiser dans leurs économies, rester dans un logement inadéquat ou reporter leur projet d’acheter une maison, voire trouver un colocataire. Ils ont aussi emprunté de l’argent à un membre de la famille, nous apprend le rapport. Des jeunes de moins de 35 ans ayant participé au projet de l’Observatoire se sont également résignés à retourner vivre dans la maison parentale.

PHOTO OLIVIER JEAN, ARCHIVES LA PRESSE

Pour les personnes qui vivent avec un petit budget, la pression supplémentaire causée par la hausse du coût de la vie s’est manifestée différemment durant la pandémie. Certains ont dû rester dans un logement inadéquat ou reporter leur projet d’acheter une maison, voire trouver un colocataire.

La chercheuse a sondé à trois reprises une cohorte d’une cinquantaine de personnes durant les années 2021 et 2022, pendant la quatrième et la cinquième vague de la COVID-19. Les participants venaient de différentes régions du Québec et avaient de 19 à 90 ans. Tous vivent dans un foyer à faibles ou modestes revenus.

« La pandémie a exacerbé des inégalités qui étaient déjà là. Par contre, elle a sans doute généré d’autres inégalités. Je pense entre autres à la fracture numérique », précise Sandy Torres.

Dans son rapport, il est question de résilience financière, c’est-à-dire cette capacité à composer avec des imprévus dans le budget.

Quand on n’a pas de marge, ça impose la résilience, non ?

« C’est là qu’il y a une grande injustice, dit Sandy Torres. Le fait de réduire ses dépenses est une stratégie que tout le monde adopte quand on a des difficultés financières. »

Or, dit-elle, quand le budget est très serré, on doit sabrer les dépenses courantes. La hausse du coût de la vie a mis fin à l’épargne chez ceux et celles qui étaient déjà vulnérables. Cela les rend plus fragiles aux imprévus.

Des solutions

Dans le rapport du Projet Résilience, les participants évoquent leur façon d’arriver à payer les dépenses avec un budget sous pression. Parmi les pistes de solution simples : acheter des produits en solde, cuisiner davantage et congeler, acheter usagé ainsi que récupérer des biens donnés.

PHOTO MARTIN CHAMBERLAND, ARCHIVES LA PRESSE

En avril 2020, en pleine pandémie, des gens attendent en file pour obtenir un panier de denrées dans une banque alimentaire de Verdun.

Les gens fragilisés financièrement ont recentré leurs dépenses sur l’essentiel : l’alimentation. Mais avec la hausse des prix à l’épicerie, il a fallu aller plus loin dans plusieurs cas et changer les habitudes, voire se tourner vers les banques alimentaires. Dans le pire des scénarios, il fallait sauter des repas.

À la fin de son étude, la chercheuse a demandé aux participants quelles ont été les leçons de la pandémie. Plusieurs ont affirmé vouloir adopter une meilleure gestion financière.

Que faire, concrètement ?

« Mettre plus d’argent de côté afin de réduire le stress financier, a indiqué une jeune participante. On ne sait jamais ce que le futur nous réserve. »

Autre observation : les personnes qui se sont tournées vers des ressources communautaires et de l’aide extérieure ont été plus résilientes.

Parmi les bonnes pratiques évoquées, en vrac : faire du bénévolat, être actif dans la communauté, pratiquer des activités physiques ou de bien-être – marche, spiritualité, méditation et faire des activités en ligne.

« C’est un des éléments forts du processus de résilience que de trouver des solutions, dit Sandy Torres. Et des solutions qui ne viennent pas que de vous, mais que la société met à notre disposition. »

2/3

Pour près des deux tiers des participants, au moins un de ces besoins n’est pas comblé :

– Pouvoir faire face à une dépense imprévue de 500 $

– Remplacer des meubles

– Obtenir des soins dentaires

– Dépenser une petite somme chaque semaine pour soi

En savoir plus
  • 11 %
    C’est la proportion d’adultes québécois qui vivaient en situation d’insécurité alimentaire en 2019. Avec la pandémie, cette part est montée à 26 % en avril 2020 et était à peu près au même niveau en novembre 2022.
    source : INSPQ