Des entrepreneurs francophiles qui souhaitent venir au Québec pour y développer un projet dénoncent la suspension d’un programme d’immigration annoncée la semaine dernière.

« Mon plan d’immigration pourrait changer ou prendre fin parce que les autorités québécoises ferment tout simplement leurs portes malgré mon courage de m’adapter et d’apprendre le français », déplore Duy Sang Dao, un entrepreneur vietnamien de 36 ans.

Son équipe et lui travaillent depuis 10 mois avec l’incubateur de jeunes pousses québécois Continuums sur une application qui vise à « révolutionner notre perception de la nutrition ».

Duy Sang Dao a choisi le Québec notamment parce que sa sœur vit déjà à Montréal, et il suit des cours de français depuis six mois au Viêtnam. « Je sais que le français est une fierté du Québec et une belle langue », dit-il, assurant vouloir continuer d’apprendre.

Mais son niveau de français n’est plus considéré comme suffisant pour qu’il vienne s’installer au Québec.

La ministre de l’Immigration, de la Francisation et de l’Intégration, Christine Fréchette, a annoncé mercredi dernier suspendre la réception des demandes pour les candidats non francophones dans le volet 1 du Programme des entrepreneurs, ainsi que dans le Programme des travailleurs autonomes, à compter du 28 décembre.

Seuls les entrepreneurs francophones ou ayant une connaissance suffisante du français pourront présenter une demande.

Lisez « Québec suspend un programme d’immigration pour les entrepreneurs non francophones »

« Je crains de ne pas avoir la chance de retrouver ma sœur et de développer mon entreprise, même si j’ai investi dans le projet pendant près d’un an », dénonce M. Dao, qui a appris la nouvelle dans les médias.

Susan Harris, une écrivaine et commissaire d’expositions new-yorkaise de 66 ans, se dit aussi « très déçue » de la suspension du programme. Elle prévoyait venir à Montréal pour écrire sur les expositions et les artistes locaux, et peut-être même ouvrir une galerie.

PHOTO FOURNIE PAR SUSAN HARRIS

L’écrivaine et commissaire d’expositions Susan Harris

Amoureuse de la métropole, Mme Harris se dit motivée à apprendre le français et espère trouver un autre moyen de réaliser ses projets.

Protéger le français contre 75 candidats

« Grâce à cette décision, nous agissons pour la pérennité et la vitalité de la langue française tout en favorisant la réussite de l’intégration des personnes immigrantes au sein de la société québécoise », a affirmé la ministre par communiqué lors de l’annonce.

Marc-André Séguin, avocat en droit de l’immigration dont le cabinet représente M. Dao, Mme Harris et d’autres entrepreneurs affectés par la décision, est sceptique et qualifie ce choix d’« extrêmement désolant ».

« Le programme était limité à 75 personnes. Rien de menaçant pour le français au Québec, affirme-t-il. Ce sont donc 75 personnes francophiles et leurs projets d’affaires innovants […] à qui le Québec ferme la porte. »

PHOTO MARTIN CHAMBERLAND, LA PRESSE

Me Marc-André Séguin, du cabinet d'avocats spécialisé en droit de l’immigration Exeo

Le ministère de l’Immigration, de la Francisation et de l’Intégration (MIFI) confirme l’existence d’un seuil maximal de 75 demandes de candidats non francophones dans la dernière année pour ce programme.

« Bien que l’on parle ici d’un nombre relativement modeste de personnes, chaque geste compte et c’est pourquoi nous avons décidé d’agir dès maintenant », fait valoir Alexandre Lahaie, du cabinet de la ministre Fréchette.

Mais ces projets d’affaires « vont désormais se retrouver au Canada anglais à cause de cette décision réductrice de Québec », avance Me Séguin.

Le cabinet et le MIFI soutiennent toutefois que la suspension n’aura pas d’effet négatif sur l’économie québécoise, notamment parce qu’elle sera compensée par d’autres candidats à l’immigration, des francophones sélectionnés par le Québec ou de nouveaux résidents permanents en attente du traitement de leur demande par le gouvernement fédéral.

Avec La Presse Canadienne