Malgré la circulation accrue des virus respiratoires, moins de 1 % des personnes âgées au Québec ont reçu le vaccin contre le virus respiratoire syncytial (VRS), selon des données obtenues par La Presse. Les frais du vaccin, non pris en charge par le gouvernement, peuvent atteindre 300 $.

À peine 6000 personnes de 60 ans ou plus ont reçu le vaccin contre le VRS au Québec entre le 28 septembre et le 7 janvier, selon les données du registre de vaccination de l’Infocentre de santé publique du Québec. C’est environ 1 personne sur 400.

« Ça ne sert à rien d’avoir un très bon vaccin si personne ne l’utilise. Selon moi, ce serait un échec monumental », déplore le DDonald Vinh, infectiologue et microbiologiste du Centre universitaire de santé McGill.

Il explique cette faible couverture par le prix du vaccin, qui n’est pas couvert au Québec. Certaines pharmacies proposent le vaccin à un tarif généralement compris entre 260 $ et 300 $. Sur la plateforme Clic Santé, quelques pharmacies de la région de Montréal le proposent. En dehors de la métropole, l’offre est nettement plus restreinte.

Aux États-Unis, 18 % des personnes âgées de 60 ans et plus avaient obtenu le vaccin contre le VRS en date du 5 janvier, selon les Centres pour le contrôle et la prévention des maladies (CDC). C’est nettement plus qu’au Québec, où elles ont été 0,2 % à l’obtenir.

« C’est peu et il faudrait viser à augmenter cette couverture », estime lui aussi Alain Lamarre, professeur-chercheur spécialisé en immunologie et virologie à l’Institut national de la recherche scientifique (INRS).

« Malgré les progrès récents dans la mise au point de vaccins efficaces contre le VRS, il reste encore beaucoup à faire au Canada pour promouvoir et soutenir un meilleur accès à ces vaccins chez les Canadiens âgés », peut-on lire dans un rapport de l’Institut national du vieillissement de l’Université métropolitaine de Toronto publié en octobre.

Un vaccin qui n’est pas couvert

En août, Santé Canada a donné son aval à l’Arexvy, de l'entreprise biopharmaceutique GSK, un vaccin visant à prévenir les maladies respiratoires liées au VRS chez les adultes de 60 ans et plus. Plus tard, en janvier, l’agence a approuvé le vaccin Abrysvo par Pfizer qui s’adresse également aux adultes de 60 ans et plus, mais aussi aux femmes enceintes de 32 à 36 semaines, afin de protéger leurs nourrissons de la naissance jusqu’à l’âge de 6 mois.

« Le [ministère de la Santé et des Services sociaux] est actuellement en attente de l’avis du Comité sur l’immunisation du Québec de l’INSPQ avant de prendre la décision d’intégrer le vaccin contre le VRS dans son Programme québécois d’immunisation et ainsi le distribuer gratuitement aux clientèles pour lesquelles il serait nécessaire », a indiqué à La Presse la conseillère en affaires publiques-relations avec les médias et le réseau du Ministère, Noémie Vanheuverzwijn.

Les données du Comité sur l’immunisation du Québec « seront au rendez-vous au fil des prochaines semaines et des prochains mois », a indiqué le directeur national de santé publique, le DLuc Boileau, en conférence de presse mercredi. Selon les résultats, la Santé publique recommandera ou non au ministre de la Santé de couvrir le vaccin.

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Le directeur national de santé publique, le DLuc Boileau, en conférence de presse, mercredi

Pour l’instant, nous ne suggérons pas au gouvernement de couvrir [le vaccin], mais si les gens souhaitent se le procurer, c’est disponible.

Le DLuc Boileau, directeur national de santé publique

Le DDonald Vinh affirme toutefois que les deux vaccins offrent une « excellente protection ». « J’espère que toutes les provinces, et pas juste le Québec, en arrivent au bon sens et accepte de les couvrir pour les personnes à risque », fait-il valoir.

Le gouvernement de l’Ontario a, pour sa part, décidé d’offrir gratuitement le vaccin contre le VRS aux personnes de 60 ans et plus à risque d’infections graves, notamment celles qui vivent dans des foyers de soins de longue durée, qui sont sous hémodialyse ou qui sont bénéficiaires de greffes d’organes solides.

Protéger des complications sévères

Bien que le virus respiratoire syncytial entraîne généralement une maladie bénigne aux symptômes semblables à ceux du rhume, l’infection peut dégénérer en maladie des voies respiratoires inférieures qui peut entraîner une hospitalisation. Les nourrissons, les personnes de 65 ans et plus ainsi que les personnes immunodéprimées sont particulièrement susceptibles de développer une forme sévère de la maladie due au VRS.

C’est bien connu que le VRS peut causer des problèmes majeurs, sinon catastrophiques, chez les jeunes enfants, mais aussi les personnes âgées.

Le DDonald Vinh, infectiologue et microbiologiste au Centre universitaire de santé McGill

Le virus peut s’attaquer aux poumons et aux voies respiratoires, provoquant l’hospitalisation du malade.

« Le VRS est particulièrement problématique, car il est plus contagieux que la grippe saisonnière », peut-on lire dans le rapport de l’Institut national du vieillissement. Une étude récente a d’ailleurs montré que les adultes de 60 ans et plus infectées par le VRS présentaient un risque d’hospitalisation et de mortalité similaire à celui des personnes atteintes de la grippe, indique le rapport. Une autre étude a révélé que le taux de mortalité chez les personnes âgées hospitalisés pour une infection à VRS aux États-Unis est de 6 à 8 %.

Il est d’ailleurs possible d’être infecté par le VRS de manière répétée. Les réinfections sont généralement moins sévères chez les enfants âgés et les adultes, mais elles peuvent avoir des conséquences graves pour la santé des adultes d’âge avancé.

« La vaccination demeure pertinente »

Le VRS, la COVID-19 et la grippe saisonnière (influenza) sont encore très présents dans la population. En conférence de presse mercredi, le ministre de la Santé, Christian Dubé, a invité les Québécois, en particulier les personnes les plus vulnérables, à faire « un dernier effort du côté de la vaccination, particulièrement pour l’influenza ». « La vaccination demeure pertinente », a également déclaré le DBoileau.

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Le ministre de la Santé, Christian Dubé, en conférence de presse, mercredi

Plus de 1,7 million de Québécois ont reçu le vaccin contre l’influenza, entre le 28 septembre et le 7 janvier, soit nettement plus que les 6000 personnes qui ont reçu le vaccin contre le VRS pendant la même période. Parmi elles, environ 81 000 sont des mineurs, 464 000 ont entre 18 et 59 ans, et 1,2 million ont plus de 60 ans.

Le vaccin contre la COVID-19 a suscité un engouement légèrement moindre : 1,1 million de personnes de 60 ans et plus, 372 000 personnes de 18 à 59 ans et 36 000 enfants l’ont reçu au cours de la période du 28 septembre au 7 janvier.

Avec la collaboration de Léa Carrier, La Presse