Au moment où Québec commence à réduire son recours aux services des agences de placement de personnel, l’Association des entreprises privées de personnel soignant du Québec dénonce une stratégie de recrutement « agressive » à travers la province pour convaincre les travailleurs d’agence d’intégrer le secteur public.

Ce qu’il faut savoir

Dès ce lundi, des établissements du CISSS des Laurentides réduiront le recours à la main-d’œuvre indépendante.

Les autres CISSS et CIUSSS doivent également entreprendre une réduction progressive du recours aux agences, afin de l’avoir éliminé complètement d’ici 2026.

Des gestionnaires mènent des « campagnes agressives » pour convaincre les employés d’intégrer le réseau de la santé, estime l’Association des entreprises privées de personnel soignant du Québec.

Dès ce lundi, plusieurs établissements du CISSS des Laurentides réduiront progressivement le recours à la main-d’œuvre indépendante, peut-on lire dans une lettre de la direction des ressources humaines
obtenue par La Presse.

C’est le cas de Mirabel, de la MRC de Thérèse-De Blainville et de la MRC de Deux-Montagnes. Leurs établissements devront avoir cessé complètement de recourir aux travailleurs d’agence à partir du 13 octobre. Les installations dans le reste du territoire des Laurentides réduiront progressivement le recours à ces travailleurs à partir du 1er avril.

Tous les CISSS et CIUSSS devront également entamer une réduction progressive du recours aux agences de placement de personnel. L’objectif est d’éliminer complètement le recours aux agences dans le réseau de la santé d’ici 2026, tel que le prévoit le projet de loi 10 adopté en février dernier.

L’intention du ministre de la Santé, Christian Dubé, est ainsi de « libérer » le réseau de la santé de la dépendance à la main-d’œuvre indépendante provenant des agences privées de placement.

Cibles intérimaires

La date limite de l’entrée en vigueur de l’interdiction pour tout établissement de santé est différente en fonction des régions. Dans les grands centres urbains comme Montréal et Laval, le recours aux agences devra avoir été éliminé dès 2024. Les régions « mitoyennes » comme la Mauricie et les Laurentides devront leur emboîter le pas d’ici octobre 2025.

Afin d’arriver à respecter les échéanciers prévus, des cibles intérimaires de réduction du recours aux agences doivent être atteintes à certaines dates butoirs, indique le ministère de la Santé et des Services sociaux (MSSS).

« Soulignons que les établissements peuvent entreprendre, de façon volontaire, des actions visant à réduire plus rapidement le recours aux agences s’ils le souhaitent. Également, le recrutement est une prérogative des établissements », a indiqué à La Presse le conseiller aux relations avec les médias du MSSS Francis Martel.

La Presse rapportait au mois de novembre que le gouvernement Legault espère recruter des milliers de travailleurs et les convaincre d’intégrer le secteur public.

Stratégie de recrutement « agressive »

« Ce qu’on observe sur le terrain, c’est qu’en ce moment, il y a des campagnes agressives qui ciblent nos employés, avec des méthodes pour le moins discutables. Ils veulent contraindre nos employés à intégrer de force le réseau de la santé », déplore Patrice Lapointe, président de l’Association des entreprises privées de personnel soignant du Québec.

Différentes méthodes sont utilisées pour convaincre les employés d’opter pour le réseau public, indique M. Lapointe.

PHOTO MARCO CAMPANOZZI, ARCHIVES LA PRESSE

Patrice Lapointe, président de l’Association des entreprises privées de personnel soignant du Québec

Il y a des gestionnaires qui rencontrent des employés d’agence et qui leur disent qu’ils ont 48 heures pour se décider : soit ils se font embaucher par le CIUSSS, soit ils n’ont plus de job.

Patrice Lapointe, président de l’Association des entreprises privées de personnel soignant du Québec

Ou bien, autre exemple donné par M. Lapointe, des travailleurs d’agence à qui on accorde un mandat à temps complet voient leurs quarts de travail annulés à la dernière minute par leur gestionnaire, qui les invite à postuler pour un emploi dans le réseau public s’ils cherchent davantage de stabilité.

M. Lapointe demande à rencontrer le gouvernement et se dit prêt à travailler à un encadrement de l’industrie. « Malheureusement, on est plutôt confronté à un gouvernement qui préfère adopter une politique de la terre brûlée, quitte à ce que l’offre de soins se dégrade et qu’on perde des centaines, voire des milliers de professionnels de soins qui vont réorienter leur carrière. »

Avec la collaboration de Fanny Lévesque, La Presse