(Québec) Québec n’avait pas atteint sa cible de former la totalité des travailleurs de la santé et des services sociaux sur les réalités autochtones en date du 30 septembre 2022. En effet, près de 40 % des employés du réseau n’ont toujours pas terminé la formation obligatoire, ordonnée après la mort de Joyce Echaquan.

Le ministère de la Santé et des Services sociaux (MSSS) confirme qu’au dernier bilan, en date du 26 septembre 2022, 197 950 employés du réseau (62,25 %) avaient terminé la formation d’une durée de 90 minutes, intitulée « Sensibilisation aux réalités autochtones ». Le programme est offert sur une plateforme d’apprentissage numérique depuis le 1er juin 2021.

Ce taux inclut par ailleurs les « formations considérées comme minimalement équivalentes » qui ont pu être offertes par les établissements de santé, précise le MSSS.

Plusieurs CISSS régionaux ont élaboré leurs propres programmes, comme en Abitibi-Témiscamingue ou sur la Côte-Nord. Il est donc difficile de savoir avec précision combien de travailleurs ont suivi la formation obligatoire déployée après la mort de Joyce Echaquan, en septembre 2020. Reste que la cible initiale prévoyait que 100 % des employés l’aient suivie au 30 septembre 2022.

Le contexte pandémique des derniers mois a présenté son lot de défis dans le déploiement de la formation. Toutefois, considérant le caractère prioritaire de la formation, la cible telle que fixée initialement [à 100 %] demeure. [A]ucune nouvelle date n’est arrêtée pour le moment.

Robert Maranda, le porte-parole du MSSS, dans un courriel envoyé à La Presse

Au cabinet du ministre Christian Dubé, on s’engage à « accélérer le rythme » dans les mois à venir pour atteindre l’objectif. « Que près de 200 000 travailleurs de la santé soient davantage sensibilisés à la culture autochtone via cette formation, c’est un pas de géant. Surtout si l’on tient compte de la pandémie qui a frappé le réseau de plein fouet, et aussi du fait qu’environ 15 % du personnel de la santé est absent du réseau pour toutes sortes de raisons », a-t-on indiqué.

Québec avait raté la cible intérimaire du 31 mars, alors que le MSSS s'était fixé pour objectif d’avoir formé la moitié de ses travailleurs. La Presse rapportait alors que 30 % seulement des employés avaient suivi la formation1. Le MSSS est néanmoins parvenu à doubler cette proportion en six mois.

La mort de Joyce Echaquan à l’hôpital de Joliette, sous une pluie d’insultes racistes du personnel soignant, a provoqué une onde de choc au Québec. Dans les semaines qui ont suivi, le ministre de la Santé avait ordonné une formation obligatoire pour tous les travailleurs du réseau afin de les sensibiliser aux réalités des Premières Nations.

Devant un lent déploiement à l’époque, Christian Dubé avait demandé à sa sous-ministre, Dominique Savoie, de « trouver des façons » avec les établissements d’« accélérer » le processus.

Radio-Canada rapportait en septembre que des médecins avaient écrit au conseil d’administration du Centre universitaire de santé McGill (CUSM) pour exprimer leur malaise face au contenu de la formation. On y déplorait notamment le fait qu’on ne fasse pas mention de Joyce Echaquan. Il faut rappeler que l’élaboration du programme était déjà en branle avant la mort de cette dernière.

Un programme de six heures, destiné aux fonctionnaires de l’État, était en préparation depuis 2018 dans le cadre du Plan d’action gouvernemental pour le développement social et culturel des Premières Nations et des Inuits 2017-2022. L’anthropologue abénaquise Nicole O’Bomsawin et la professeure à l’Université du Québec à Montréal Laurie Guimond avaient à l’époque été chargées d’en établir le contenu.

Un condensé de 90 minutes a été produit pour répondre aux exigences du ministre Dubé.

Après la mort de Mme Echaquan, le gouvernement Legault a ordonné une série de mesures pour accroître la sécurisation culturelle des Premières Nations au sein du système de santé. Depuis un an, 12 postes d’agent de liaison ont été pourvus et autant de postes de « navigateur de services », qui ont comme mandat d’accompagner les membres des Premières Nations dans le réseau.

Après avoir reculé sur son engagement en mars dernier, le gouvernement Legault s’est engagé à enchâsser la notion de sécurisation culturelle dans la Loi sur la santé et les services sociaux dans un deuxième mandat. Il s’agit d’une recommandation de la commission Viens.

1. Lisez l’article « Québec rate sa cible »