(Québec) Un rapport d’enquête de la Commission municipale du Québec (CMQ) conclut que Sainte-Pétronille a pu avoir des comportements « discutables » en mettant en demeure le dixième de sa population ou encore en menaçant de retirer le financement du journal local, mais n’a commis aucun acte « répréhensible ».

Le rapport de 13 pages dévoilé vendredi a été produit après des mois d’enquête. Il découle de plaintes formulées à la suite d’un conflit entre l’administration municipale et des citoyens, qui s’est envenimé. La petite municipalité idyllique située sur l’île d’Orléans a même mis en demeure 97 de ses citoyens, et menacé le journal local Autour de l’île.

Mais la Direction des enquêtes et des poursuites en intégrité municipale conclut que bien qu’ils soient « discutables », rien dans les agissements de la municipalité ne contrevenait à la Loi facilitant la divulgation d’actes répréhensibles à l’égard des organismes publics (LFDAROP).

L’enquête conclut, comme le rapportait La Presse en janvier, qu’une banale affaire de remboursement d’alcool à des bénévoles avait fait boule de neige. La décision de la municipalité de ne plus « rembourser des frais de dépenses d’alcool à des bénévoles a généré un important mécontentement ainsi qu’une mobilisation qui ne justifient en rien un certain nombre de débordements qui ne peuvent être tolérés par une municipalité ».

Le rapport de la CMQ est en fait très critique de la réaction citoyenne. Des bénévoles de la bibliothèque ont employé un « ton parfois belliqueux » dans leurs courriels. Ils sont partis en guerre contre la directrice générale, ont appris qu’elle avait été renvoyée dans la municipalité de Val-des-Lacs, puis certains ont entamé une enquête citoyenne pour en découvrir les raisons.

« Un ancien membre du conseil (de Val-des-Lacs) colportera par la suite toutes sortes d’allégations au sujet de la directrice générale, dont certaines réfèrent à des conduites graves. Or, selon l’enquête, la plupart des informations ainsi rapportées sont issues de ouï-dire et n’ont pas été valablement vérifiées par cet ancien membre du conseil », indique le rapport d’enquête.

« À compter de ce moment, se mettent à circuler dans la petite communauté toutes sortes d’allusions, de présomptions et de spéculations à l’endroit de la directrice générale qu’il ne convient pas de répéter. »

Des citoyens ont obtenu la lettre de congédiement de la directrice par une demande d’accès à l’information auprès de Val-des-Lacs. Ils l’ont jointe à une pétition. C’est, explique la CMQ, la raison qui a poussé Sainte-Pétronille à envoyer en décembre dernier une mise en demeure aux 97 signataires.

« Même si le nombre de mises en demeure peut sembler excessif, l’enquête tend à démontrer que la Municipalité avait de sérieuses raisons de croire que ces personnes détenaient des informations confidentielles et potentiellement préjudiciables relativement à la directrice générale. »

Menaces contre le journal

Les procureurs de la municipalité, du cabinet Therrien Couture Joli-Cœur, ont même menacé de couper les vivres au journal Autour de l’île, qui s’apprêtait à publier un texte sur le dépôt de la pétition.

« Il est inacceptable que le journal utilise les fonds publics qui lui sont remis par les municipalités locales pour publier des articles dans le but de dénigrer les employés municipaux et d’affecter l’honneur et l’intégrité des membres du conseil municipal », écrivent les avocats de la municipalité dans la mise en demeure.

Cette tactique a été vertement critiquée par la Fédération professionnelle des journalistes du Québec (FPJQ), qui y voit une « vulgaire tentative d’intimidation » à l’allure « nord-coréenne ».

Cette manœuvre de Sainte-Pétronille est la plus critiquée par la CMQ. « Bien que cette position de la Municipalité puisse être discutable, et que nous jugeons qu’elle s’aventurait sur un terrain glissant en allant de l’avant avec de telles prétentions, cela ne correspond pas à un acte répréhensible au sens de la LFDAROP », conclut la CMQ. En somme : il n’y a rien d’illégal ici.

Le rapport d’enquête recommande toutefois à Sainte-Pétronille de se doter « d’une politique de relation avec les médias qui exclut clairement tout lien entre la couverture médiatique et le financement ou l’achat de publicité ».

La CMQ recommande aussi à la municipalité de se faire accompagner par le ministère des Affaires municipales et de l’Habitation pour préparer les séances du conseil municipal, qui ont dégénéré dans la foulée de toute cette affaire.

Certains citoyens sont allés « jusqu’à frapper violemment et de façon menaçante dans les vitres de la salle du conseil au point de faire craindre qu’elles ne se fracassent ».

Le rapport de la CMQ ancre cette affaire dans le contexte plus large de l’intimidation des élus. Car si les citoyens de Sainte-Pétronille ont le droit en démocratie de faire connaître leur désaccord, « cela ne justifie pas certains des débordements démontrés ».

« Les élus sont pris à partie, et démunis face aux débordements et attaques auxquels ils font face », indique le rapport.