Le maire Régis Labeaume et le PDG de Quebecor, Pierre Karl Péladeau, peuvent souffler. Libéraux et péquistes sont en train de mettre en oeuvre un plan B pour neutraliser le député de Québec solidaire, Amir Khadir, et blinder l'entente sur la gestion du futur Colisée avant le 10 juin.

Vendredi, le Parti québécois a demandé «formellement» au gouvernement Charest d'intégrer le projet de loi 204 au projet omnibus municipal si, comme prévu, M. Khadir ou un autre député indépendant empêche son adoption. Le ministre des Affaires municipales, Laurent Lessard, avait lui-même évoqué le recours à ce plan B devant les journalistes quelques heures plus tôt.

Tout indique que ce scénario sera retenu: le député de Québec solidaire a réitéré qu'il s'opposera à l'adoption du projet de loi 204.

Unanimité non requise

Le projet de loi omnibus vise à répondre à des demandes particulières des municipalités. Il est actuellement à l'étude à l'Assemblée nationale. Contrairement au projet de loi du maire Labeaume, il ne requiert pas l'unanimité des députés pour être adopté avant l'ajournement des travaux parlementaires, le 10 juin. Jeudi, MM. Labeaume et Péladeau ont soutenu qu'il était urgent d'adopter la loi puisqu'ils doivent signer une entente définitive d'ici au 7 septembre.

Les consultations publiques sur le projet de loi 204 ont pris fin vendredi. Quelques citoyens ont condamné l'entente devant la commission parlementaire. Les acteurs principaux s'étaient fait entendre jeudi.

«Honnête»et «de bonne foi»

Laurent Lessard a conclu que «personne n'est venu démolir chacun des aspects» de l'entente intervenue de gré à gré entre la Ville de Québec et Quebecor. Aucun «conflit d'intérêts» ou «malversation» n'a été relevé. «Ça semble avoir été honnête, de bonne foi, correctement», a-t-il ajouté.

Jeudi, l'ancien directeur général de la Ville de Québec, Denis de Belleval, a jugé illégal ce «contrat de fou». L'Association du barreau canadien a affirmé que le projet de loi 204 est illégitime. L'avocate Julie McCann, professeure de droit à l'Université Laval, a indiqué que l'entente ne respecte pas la loi et que les parlementaires créeraient un «dangereux précédent» en la protégeant.

Laurent Lessard a affirmé que des intervenants «ont évoqué que peut-être on devrait trouver un environnement juridique plus adapté pour ce genre de projet de gestion d'immeuble». Il «considère» l'idée d'amender l'omnibus municipal pour protéger l'entente de la Ville de Québec, mais aussi les autres du même genre que des municipalités pourraient conclure à l'avenir. Gatineau et Trois-Rivières ont des projets d'amphithéâtre et seront à la recherche d'un gestionnaire privé, a-t-il noté. Les autres villes pourraient donc bénéficier de la même «sécurité juridique» que Québec pour conclure des ententes de gestion sans appel d'offres. Selon M. Lessard, de tels contrats ne s'apparentent pas au processus «du plus bas soumissionnaire conforme», mais plutôt «au meilleur soumissionnaire de revenus».

Peu loquace

À la toute fin des consultations, le ministre s'est fait beaucoup moins loquace. Il s'est contenté de dire que les deux articles du projet de loi 204 seront étudiés lundi en commission parlementaire. Le recours à l'omnibus municipal pour protéger l'entente du maire Labeaume surviendrait probablement le lendemain, selon ce qui circule. «M. Khadir doit permettre l'expression de la démocratie et ne pas utiliser une petite règle particulière» pour bloquer le projet de loi, a dit M. Lessard.

La députée péquiste Agnès Maltais, qui parraine le projet de loi, a renchéri: «La démocratie, c'est que les députés puissent s'exprimer par le vote, et non pas par le blocage.» Elle a dit avoir l'appui du caucus péquiste pour demander au gouvernement d'utiliser un plan B. Certains de ses collègues, comme Lisette Lapointe et Pierre Curzi, sont furieux de la position de leur parti dans le dossier.

S'opposer par principe

Amir Khadir estime qu'il exercera son «droit démocratique», prévu au règlement, en refusant de donner son consentement. «On a vu dans tout le débat que, en fait, le Parti libéral et le Parti québécois s'entendent. Alors, justement, pour ne pas permettre ce genre de jeu politique d'avoir à tout coup raison, du bon sens, de l'équilibre démocratique, de pouvoir passer par dessus le droit des autres, je vais m'opposer par principe démocratique», a-t-il dit. Le recours probable au plan B lui «laisse une désagréable impression que le gouvernement et le Parti québécois se sont adonnés à un jeu. Chacun essaie, avec des calculs électoralistes, de paraître comme le parti qui a réussi à faire concrétiser l'amphithéâtre et éventuellement l'équipe de la Ligue nationale».

Les députés indépendants Éric Caire et Marc Picard estiment que le projet de loi 204 est inacceptable «dans sa forme actuelle». L'Action démocratique du Québec, qui a boycotté la commission parlementaire, refuse de se prononcer.

De Belleval envisage de tout laisser tomber

Denis de Belleval, ancien ministre péquiste, condamne le fait que le PQ demande de recourir à l'omnibus municipal. «Il fait preuve d'un mauvais jugement. Le grand danger, c'est que ce parti s'étrangle avec son propre zèle et finisse par en subir les conséquences peut-être même irréversibles», a-t-il lancé. Il envisage de laisser tomber sa requête en cour pour faire annuler l'entente si l'Assemblée nationale décide de la blinder. «À ce moment-là, on tombe dans une question de droit constitutionnel où on s'oppose au Parlement lui-même, dont on met en cause la légitimité et la légalité d'adopter une loi», une cause qui durerait des années, a-t-il souligné.