Les députés libéraux ont utilisé leur majorité au comité de la justice de la Chambre des communes pour écarter une demande des partis de l'opposition de convoquer l'ancienne ministre Jody Wilson-Raybould à venir donner sa version des faits relativement aux allégations d'ingérence du bureau du premier ministre pour éviter un procès à la firme SNC-Lavalin.

Au terme d'un long bras de fer de trois heures, les libéraux ont aussi refusé de convoquer à la barre des témoins d'autres acteurs de cette affaire qui prend de l'ampleur à chaque jour, notamment le conseiller principal de Justin Trudeau, Gerald Butts, et le conseiller pour le Québec du premier ministre, Mathieu Bouchard.

Faisant fi des accusations du Parti conservateur selon lesquelles ils se livraient à une opération de camouflage, les élus libéraux ont toutefois accepté d'entendre trois témoins durant les prochaines semaines, soit le nouveau ministre de la Justice, David Lametti, la sous-ministre de la Justice Nathalie Drouin et le greffier du Conseil privé, Michael Wernick.

Le but de leur témoignage sera d'expliquer les relations de travail entre le ministre de la Justice et le bureau du premier ministre, entre autres choses, et donner plus de détails sur le régime d'accord de réparation, adopté en mars 2018 par le gouvernement Trudeau et qui permettrait à une entreprise comme SNC-Lavalin de négocier une entente hors cour au lieu de subir un procès.

« C'est une vraie farce ce qui se passe ici », a laissé tomber le député conservateur Pierre Paul-Hus. « Cette motion (proposée par les libéraux) se veut un cours de droit. C'est prendre les membres de ce comité pour des imbéciles si on fait ça », a-t-il ajouté.

La semaine dernière, le Parti conservateur, appuyé par le NPD, a proposé une motion visant à convoquer neuf personnes à témoigner afin de faire la lumière sur allégations rapportées par le Globe and Mail selon lesquelles le bureau du premier ministre aurait fait pression sur l'ex-ministre de la Justice, Jody Wilson-Raybould, pour qu'elle intervienne de manière à permettre à SNC-Lavalin de conclure une entente hors cour dans le dossier de fraude et corruption qui vise la firme d'ingénierie.

Les neuf personnes visées sont la ministre des Anciens Combattants Jody Wilson-Raybould ; le ministre de la Justice et procureur général David Lametti ; le greffier du Conseil privé Michael Wernick ; la directrice des Poursuites publiques Kathleen Roussel ; la chef de cabinet du premier ministre Katie Telford ; le secrétaire principal du premier ministre Gerald Butts ; le conseiller principal du premier ministre Mathieu Bouchard ; le conseiller principal du premier ministre Elder Marques ; et la chef de cabinet de la ministre des Anciens Combattants Jessica Prince.

Or, cette motion n'a jamais été débattue. En lieu et place, les députés ont débattu de long en large la motion du député libéral Randy Boisonnault, qui a pris la parole dès le début de la réunion pour expliquer le bien-fondé de sa proposition.

Sa motion, qui a finalement a été adoptée par un vote de 5-4, prévoit aussi que les députés du comité se réunissent à huis-clos mardi prochain afin de discuter de la possibilité de convoquer d'autres témoins.

« Si les libéraux croient qu'ils vont réussir à balayer cette affaire sous le tapis après ce qu'ils ont fait aujourd'hui, ils se bercent d'illusions », a lancé la députée conservatrice Lisa Raitt, accusant d'ailleurs au passage le premier ministre Justin Trudeau de modifier sa version des faits au quotidien.

Mardi, l'ex-ministre de la Justice et procureure générale du Canada, Jody Wilson-Raybould, a provoqué un coup de tonnerre en annonçant qu'elle démissionnait du cabinet de Justin Trudeau, où elle détenait depuis janvier le portefeuille des Anciens Combattants.

L'élue de Vancouver a indiqué dans sa lettre de démission, qu'elle a publiée sur son compte Twitter, qu'elle avait sollicité les services de l'ex-juge de la Cour suprême du Canada, Thomas Albert Cromwell, pour l'aiguiller sur le sujet. « Je suis consciente que plusieurs Canadiens souhaitent de me voir parler », a-t-elle écrit au premier ministre.

En marge d'une annonce à Winnipeg, mardi soir, Justin Trudeau a contre-attaqué. Il s'est dit « déçu » et « surpris » de la défection de son ancienne ministre, soutenant ne « pas la comprendre au complet » tout en remettant en doute sa version des faits.

« Si elle avait l'impression que le gouvernement n'avait pas bien fait sa job, n'avait pas respecté toutes les normes, c'était sa responsabilité de venir m'en parler à l'automne, ce qu'elle n'a pas fait », a-t-il déclaré.

- Avec La Presse canadienne