Les coûts pour assurer la sécurité des députés, des sénateurs et des employés de la colline parlementaire à Ottawa ont bondi de façon marquée depuis l'attentat terroriste du 22 octobre 2014 au parlement.

Selon des informations obtenues par La Presse, la facture annuelle a quadruplé en quatre ans, passant de 20,0 millions de dollars durant l'exercice financier 2015-2016 à 83,8 millions de dollars en 2018-2019. Cette somme comprend notamment les salaires des policiers de la Gendarmerie royale du Canada (GRC) et des employés du Service de protection parlementaire (SPP).

L'attentat du 22 octobre 2014 - «la plus grave atteinte à la sécurité sur la Colline du Parlement de l'histoire du Canada», selon les conclusions d'un rapport de la Police provinciale de l'Ontario (PPO) sur les malheureux événements - a mis en relief de graves lacunes au chapitre de la sécurité sur la colline parlementaire, forçant les autorités à revoir de fond en comble leurs pratiques et à donner un rôle accru à la GRC pour ce qui est de la supervision des forces de sécurité.

Un tournant

Ce jour-là, un tireur fou, Michael Zehaf-Bibeau, armé d'une carabine Winchester 30-30, a réussi à s'introduire dans l'édifice du Centre du parlement quelques minutes après avoir tué froidement le soldat Nathan Cirillo, qui faisait partie de la garde d'honneur devant le Monument commémoratif de guerre.

Des membres de la GRC ont vu l'homme armé se diriger vers l'édifice du Centre, mais ne l'ont pas intercepté avant qu'il entre dans l'édifice. Une fois à l'intérieur, Zehaf-Bibeau a échangé des coups de feu avec les responsables de la sécurité. Une balle est passée au travers de la porte de la salle de réunion où se trouvaient les députés du Nouveau Parti démocratique, réunis en caucus. Le premier ministre Stephen Harper se trouvait dans la salle de réunion située en face, de l'autre côté du couloir qui mène à la bibliothèque du Parlement. Il a rapidement été escorté par les gardes de sécurité vers un lieu sûr.

Coincé près de la porte d'entrée de la porte de la bibliothèque du Parlement, derrière une colonne, Zehaf-Bibeau a finalement été abattu par le sergent d'armes Kevin Vickers, qui a fait preuve de sang-froid en se jetant au sol et en tirant plusieurs coups de feu.

Réorganisation

Avant cet attentat, qui a fait la manchette aux quatre coins du monde, la sécurité de la colline parlementaire relevait de trois forces de sécurité distinctes : la GRC était responsable de la sécurité à l'extérieur des édifices de la cité parlementaire; la Chambre des communes avait ses services de sécurité, tout comme le Sénat. Le hic, c'est que les trois services travaillaient séparément et utilisaient des systèmes de communication différents qui n'étaient pas interopérables. La formation suivie par les agents n'était pas la même d'un service à l'autre. Pis encore, il n'y avait pas d'exercices communs tandis que les interactions entre les agents étaient fort limitées.

«La GRC n'était pas préparée à réagir à une menace comme celle survenue le 22 octobre 2014, et ce, en raison d'un manque de planification, de formation et de ressources», peut-on lire dans le rapport de la Police provinciale de l'Ontario.

Les choses ont rapidement changé après ces événements. Le 25 novembre 2014, les services de sécurité de la Chambre des communes et du Sénat ont annoncé qu'ils unissaient leurs forces de manière à ce qu'un seul service assure la sécurité à l'intérieur des édifices du parlement à partir du printemps 2015.

Depuis lors, tous les agents sont armés et ont suivi une formation sur le maniement des armes à feu. En février 2015, le gouvernement fédéral a décidé de confier à la GRC le commandement opérationnel de tous les services de sécurité sur la Colline du Parlement, y compris la surveillance et le commandement de la sécurité à l'intérieur des édifices du parlement. Ces réformes importantes ont contribué à faire augmenter les dépenses liées à la sécurité.

623 personnes

«Le Service de protection parlementaire emploie actuellement 623 personnes, ce qui comprend le personnel opérationnel et non opérationnel à l'exception des membres de la GRC qui sont affectés au Service. Dès sa création en juin 2015 comme entité parlementaire suite aux modifications de la Loi sur le Parlement du Canada, le Service a mobilisé ses ressources et ses efforts afin d'assurer l'interopérabilité entre les anciens groupes de sécurité parlementaire», a indiqué Joseph Law, chef de cabinet auprès de la directrice du Service de protection parlementaire, dans un courriel à La Presse.

«Depuis, nous avons réalisé l'interopérabilité dans de nombreux domaines, notamment le renseignement, la formation, la planification d'évènements et les communications opérationnelles. Le SPP commence à stabiliser son administration et continue d'apporter des améliorations en matière de protection dans la cité parlementaire afin de renforcer la sûreté et la sécurité du parlement du Canada», a-t-il ajouté.

- Avec William Leclerc, La Presse

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TROIS AVERTISSEMENTS

La GRC avait reçu trois avertissements concernant la menace djihadiste dans les jours qui ont précédé l'attentat au parlement. En effet, CBC a rapporté en décembre 2015 que le Centre intégré d'évaluation du terrorisme avait fait parvenir un avis à la GRC, le 17 octobre 2014, soulignant qu'une «action violente de terrorisme pourrait survenir». Ce jour-là, la menace terroriste était passée de «basse» à «moyenne», une première en quatre ans. Puis, le lendemain, l'unité des Renseignements criminels distribuait une note de rappel aux policiers pour leur demander de rester vigilants, mentionnant que le groupe armé État islamique (EI) encourageait ses djihadistes et ses recrues en Occident à lancer des attaques contre les forces de sécurité des pays s'étant engagés dans la lutte contre l'EI en Irak et en Syrie. Enfin, le 20 octobre, le Centre national de coordination du renseignement de la GRC faisait parvenir à tous ses membres un troisième avertissement, soulignant «les mesures de sécurité et de prévention concernant les menaces récentes de l'État islamique envers les forces de l'ordre».

UN SYSTÈME DE BORNES RÉTRACTABLES

Dans le cadre des mesures qui ont été adoptées au fil des ans pour renforcer la sécurité, un système de bornes rétractables a été installé à quatre entrées destinées aux véhicules (promenade Sud, porte de la rue Bank, porte de la Reine et porte Elgin). À lui seul, le système a coûté 12 millions (cette somme comprend les coûts liés à la restauration du mur patrimonial). Le hic, c'est que le système de bornes de la rue Bank, le plus utilisé, est sporadiquement en panne. «En un seul mois, les bornes s'abaissent des milliers de fois pour laisser passer les véhicules. Le bon fonctionnement du système, assuré par un entretien régulier et approprié, est donc essentiel, peu importe la saison ou le temps qu'il fait», indique-t-on au ministère des Services publics et de l'Approvisionnement. Le Ministère a signé un contrat d'entretien de cinq ans de 523 000 $.

COÛTS DE LA SÉCURITÉ SUR LA COLLINE PARLEMENTAIRE

• De juin 2015 au 31 mars 2016 : 20,0 millions (financement transitoire)

• De 2016 à 2017 : 65,2 millions

• De 2017 à 2018 : 79,6 millions

• De 2018 à 2019 : 83,8 millions

Photo Étienne Ranger, archives Le Droit

L'attentat du 22 octobre 2014 a mis en relief de graves lacunes au chapitre de la sécurité sur la colline parlementaire.