(Québec) Christine Labrie veut rompre avec l’étiquette de « pelleteux de nuages » de Québec solidaire. Combative, l’universitaire ne craint pas de bousculer des militants avec ses critiques, au risque de perdre la course pour devenir co-porte-parole.

« Je sais que ce que je mets de l’avant, ça vient ébranler certaines personnes dans le parti, mais je sais que ça résonne beaucoup chez d’autres. Le résultat, on le verra à la fin […] On ne fait jamais de politique sans prendre de risque », lance-t-elle en entrevue.

Depuis le début de la course pour succéder à Manon Massé, Christine Labrie ne mâche pas ses mots. Elle juge que les politiques de lutte contre les changements climatiques du parti ont créé un sentiment de « répulsion » dans la population, et que QS se sert de l’Assemblée constituante comme « échappatoire » pour éviter de définir son projet indépendantiste.

Sans renoncer aux « propositions radicales » de QS – dans ce parti, les porte-parole ne décident pas du contenu du programme –, elle croit que la recette pour convaincre plus d’électeurs repose sur des idées concrètes et claires présentées dans un langage simple. « Je suis mieux imprégnée que bien des membres de longue date de la façon dont les gens voient Québec solidaire, de l’extérieur », dit-elle.

« Redoutable politicienne »

Cette attitude combative fait partie de la personnalité de Christine Labrie. La députée de Sherbrooke est la tombeuse d’un ministre libéral, Luc Fortin, et d’une candidate-vedette caquiste, Caroline St-Hilaire.

C’est quelqu’un qui, malgré une aura bienveillante, est une redoutable politicienne. Elle comprend la game politique, elle la joue dans son positionnement, de la façon dont elle mobilise des alliés pour sa cause.

Luc Fortin, ancien ministre libéral

Adolescente, Christine Labrie avait déjà un « regard critique ». En 2004, Sherbrooke annonce que les transports en commun seront gratuits les jours de tempête de neige. La Ville précise alors que l’idée a été soumise par une jeune élève de l’école secondaire du Triolet, Christine Labrie, peut-on lire dans un article de La Tribune.

Elle se politise au cégep, où elle milite dans le mouvement étudiant, et devient maman à 19 ans. La maternité l’a forcée à cesser de travailler durant ses études, et elle ne pouvait pas demander à ses parents de payer la facture. Ça lui a démontré « la nécessité » d’avoir un bon filet social.

Pendant ses études universitaires (maîtrise en histoire et scolarité doctorale en études des femmes), Mme Labrie est attirée par des causes sociales. Mais jamais elle ne songe à faire de la politique.

Effet papillon

C’est un drôle d’effet papillon qui l’amène à se présenter comme porte-parole de QS. En 2017, la piétonne – elle n’a pas de permis de conduire – signe une lettre ouverte pour dénoncer le déménagement du Costco qui était un « désastre environnemental ». Un nouveau parti municipal plus à gauche, Sherbrooke Citoyen, sonde son intérêt.

« Je n’étais pas sûre. J’ai commencé à assister au conseil d’arrondissement pour voir de quoi ça avait l’air. J’ai constaté en y allant que j’aurais pu faire un meilleur travail que ce que je voyais là », laisse-t-elle tomber.

Conseillère municipale pour Sherbrooke Citoyen, Geneviève La Roche se rappelle l’aplomb que Mme Labrie avait lorsqu’elle posait ses questions comme citoyenne. Elle n’a pas, dit-elle, une « personnalité flamboyante », mais elle est « intègre, rigoureuse, capable d’une grande analyse et d’une grande écoute ».

Mme Labrie perd de justesse ses élections, mais elle attrape le virus de la politique. Cette année-là, elle achète une carte de membre de QS. En 2018, elle est sollicitée pour être candidate, et crée la surprise en remportant Sherbrooke.

Trio inusité

Nouvellement élue à Québec, Mme Labrie se fait découvrir au sein d’un trio inusité qu’elle forme avec la libérale Marwah Rizqy et la péquiste Véronique Hivon. Elles faisaient front commun contre le ministre de l’Éducation Jean-François Roberge.

On défendait des positions similaires sur plusieurs projets de loi. On se retrouvait à collaborer. Il y a eu des moments où on s’est concertées.

Christine Labrie

Elle estime que c’est un exemple qui démontre qu’elle est capable de travail transpartisan.

Puis, sur le dossier de la pénurie de places en garderie, le premier ministre François Legault la qualifie de « mère Teresa » au Salon bleu. « Il m’a fait un cadeau. […] Ça m’a donné énormément de tribunes », dit-elle.

Pour renforcer sa position sur le sujet, elle avait lancé un appel à témoignages aux éducatrices et anciennes éducatrices : « J’ai reçu des centaines de témoignages. J’ai compilé ça. J’avais l’impression de refaire un mémoire de maîtrise », dit-elle.

La médecin spécialiste en santé publique Mélissa Généreux s’est présentée sans succès pour Québec solidaire dans la circonscription voisine de Saint-François en 2022. « Quand je repense à ma décision d’aller en politique, c’était un peu fou. J’étais assise bien confortablement dans mon rôle de médecin […] Si elle a réussi à m’attirer, je me dis que ce serait le cas pour beaucoup de gens », laisse-t-elle tomber.

Qui est Christine Labrie ?

Âge : 36 ans

Lieu de naissance : Sherbrooke

Formation et profession : chargée de cours en histoire à l’Université de Sherbrooke, maîtrise en histoire et scolarité doctorale en étude des femmes

Appuis au sein du caucus de Québec solidaire : Guillaume Cliche-Rivard, Haroun Bouazzi, Étienne Grandmont et Alexandre Leduc, son nouveau conjoint